« Vae victis ! » (Malheur aux vaincus), avaient coutume de dire les Latins. Cette exclamation, ce ne sont pas les partisans du président ivoirien déchu, Laurent Gbagbo, qui s’aviseraient de la démentir ; de toute évidence, la fraternité du « gbagboland » n’a pas encore fini d’expier la faute que lui reproche le clan d’ADO aujourd’hui au pouvoir.
Pour preuve, Pascal Affi N’Guessan ainsi que six de ses codétenus de Bouna (parmi lesquels Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président, et Diabaté Beh, ancien conseiller économique à la présidence) ont été inculpés, vendredi 5 août 2011, pour crimes économiques et atteinte à la sûreté de l’Etat. Et ce, à quelques heures de la célébration du 51e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.
La mesure a ses fervents partisans tout comme elle compte de farouches contempteurs. Alors que certains trouveront qu’elle arrive enfin, d’autres affirment que c’est une traque déjà commencée qui continue ; c’est selon. En tout état de cause, on notera cependant qu’il fallait une solution judiciaire à l’incarcération de ces pontes du FPI.
Comment Alassane Ouattara enrobera-t-il l’offre qu’il fait aux pontes du FPI de revenir à la maison si ces derniers n’y perçoivent qu’un appât pour les attirer dans l’unique but de les embastiller ?
On ne pouvait pas les garder à l’infini, sans exprimer la cause légale de leur incarcération. Et d’ailleurs, maintenant que leur est signifiée la raison juridique pour laquelle ils sont maintenus en détention, la procédure peut suivre son cours ; les inculpés auront la possibilité de présenter leur défense, et, qui sait, de démontrer qu’ils ne sont pas coupables de tous ces péchés d’Israël qu’on leur impute. Car, il ne faudra pas l’oublier, inculpé est loin de signifier coupable. Dont acte.
Toujours est-il cependant que l’avenir du FPI se présente dorénavant comme en pointillé. Ce parti semble voué à boire la coupe jusqu’à la lie. Visez donc ! Son grand patron, Laurent Koudou Gbagbo, est détenu à Korhogo ; l’épouse de ce dernier l’est tout autant à Odienné ; de gros bonnets de ce même parti ont préféré prendre la poudre d’escampette et se retrouvent en exil dans des pays où ils tâchent de vivre incognito ; Charles Blé Goudé, le désormais ex-général de la rue, grand propagandiste devant l’Eternel, si on l’entend de temps à autre, refuse cependant de se laisser localiser.
Trop de facilités, si elles ne vous endorment pas, vous conduisent à des solutions faciles.
Le président ivoirien serait bien inspiré d’ouvrir l’œil et le bon
Lui, comme les autres pontes du parti perdant, prudemment, n’entend point regagner la patrie ivoirienne, certains pour des raisons de sécurité, d’autres par peur d’avoir maille à partir avec la justice ivoirienne à leur retour.
Et pour couronner le tout, l’OPA toute récente mais manquée d’un Mamadou Koulibaly, qui tenait à se faire plébisciter pour conduire l’épave présente du navire FPI d’antan. L’offre refusée, l’ancien président de l’Assemblée nationale, sans demander son reste, s’en alla créer sa propre formation politique.
C’est dire à quel point le FPI aujourd’hui ne scintille plus de son lustre d’antan ; plus, il s’enfonce inexorablement dans ce qui présente toutes les caractéristiques d’une véritable descente aux enfers. Pour combien de temps encore ? Se peut-il que quelque heureux évènement l’arrête dans sa dégringolade ? On devra attendre pour le savoir. Et pourtant, à supposer que ce parti veuille compter pour quelque chose dans la vie politique future de la nation ivoirienne, il lui faut à tout le moins un bourgeon à partir duquel renaître. Les élections législatives et municipales se profilent à l’horizon en Côte d’Ivoire. Quelle figure présentera l’ancien parti au pouvoir lors de ces échéances ? L’avenir nous le dira sans doute bientôt.
Pour l’instant, c’est bien ADO qui déboule, en solitaire, sur le boulevard politique ivoirien. Seul dirigeant, véritable pater familias de l’arène politique dans son pays, il n’a pratiquement plus d’opposants ; le FPI, qui lui en fit voir, dans un passé récent, des vertes et des pas mûres, est en déliquescence tandis que l’immense majorité de ses pachydermes se trouvent, certains en prison, les autres à l’extérieur du pays, et donc hors d’état de nuire.
Presque trop facile, dans ce cas pour ADO. Lui aussi a l’occasion de dire qu’« il n’y a rien en face » et que « tout est maïs ». Et alors le vrai danger qui se présente à lui, c’est bien lui-même. Trop de facilités, si elles ne vous endorment pas, vous conduisent à des solutions faciles. Le président ivoirien serait bien inspiré d’ouvrir l’œil et le bon.
Car, à la réalité, une grosse équation se pose à lui : comment concilier la chèvre de la réconciliation nationale, dont il fait volontiers sa ritournelle, et le chou de la bien nécessaire justice sans laquelle toute nation est vouée à s’empêtrer dans la fange du chaos ? Comment enrobera-t-il l’offre qu’il fait aux pontes du FPI de revenir à la maison si ces derniers n’y perçoivent qu’un appât pour les attirer dans l’unique but de les embastiller ? Et pourtant, dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, justice et réconciliation se présentent comme des passages obligés ; à tel point qu’il s’avérerait illusoire de chercher à sacrifier l’une au profit de l’autre.
Le passage se présente comme un goulot d’étranglement. ADO a alors l’obligation de manœuvrer le navire ivoirien avec justesse et délicatesse. Et c’est bien la raison pour laquelle il se doit de se montrer vigilant.
Jean Claude Kongo
L’Observateur Paalga
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