Me N’Guessan Koffi est agent d’affaires judiciaires. Il accuse l’homme d’affaires Evariste Méambly de s’être rendu coupable, avec des complicités, du détournement d’un chèque spécial du Trésor, d’un montant de 3,3milliards fCFA depuis 2009. Et dénonce les « manœuvres » du mis en cause pour le « contraindre » au silence. Dans cet entretien, il se vide…
Vous accusez Evariste Méambly de s’être rendu coupable de détournement de dénier public. De quoi s’agit-il?
En 2009, en ma qualité d’agent d’affaires judiciaires, j’ai découvert que M. Evariste Méambly, homme d’affaires, Pca de Méambly Finances et promoteur du Conasfor, a détourné l’argent du contribuable ivoirien, à travers un chèque spécial du trésor public d’un montant de 3,3 milliards FCFA. J’ai pu me rendre compte que ce crime économique a été commis par Méambly grâce à des complicités au niveau du Trésor et de la Douane. Ce vol a été commis via la «Société Méambly Finances» qui n’est en fait qu’une société écran qui est censée faire du rachat de créance. En fait, c’est une entreprise fictive qui n’existe que sur le papier et qui a été montée illégalement pour couvrir les activités frauduleuses de Méambly et de ses complices. On a pu aussi établir que le Comité national de soutien aux forces de réunification (Conasfor) a servi également d’écran dans cette affaire. Car il est né à la suite de l’utilisation frauduleuse du chèque spécial N° 02354 par Méambly.
Ce que vous avancez est grave. En avez-vous les preuves ?
Procès Verbal de la police économique
En Côte d’Ivoire j’ai une qualité et j’ai fait mon devoir. Méambly a bel et bien, je le répète, avec la complicité de certains agents de la Douane et du Trésor, détourné un chèque spécial d’un montant de 3, 3 milliards. Bien sûr. Je l’ai dénoncé, preuve à l’appui. J’ai eu une séance de travail avec les enquêtes douanières et je leur ai dit que Méambly a indûment perçu de l’argent du Trésor. Voilà les preuves ! (Ndlr : il nous montre des documents comptables et des chèques liés à l’affaires). Toutes les preuves sont en possession de la Douane ivoirienne. D’ailleurs, dans le PV que la Douane ivoirienne a dressé dans le cadre de cette affaire, Méambly a reconnu avoir effectivement détourné de l’argent. Certes, il n’a reconnu que 2,2 milliards de FCFA qu’il s’est engagé à rembourser, en 2010. Mais il a détourné bien plus. Mieux, la police économique, qui a suivi ce scandale, a saisi le parquet de Yopougon. A travers le PV N°1037 DGPN/DPEF le 1er octobre 2010. Lequel a diligenté une enquête judiciaire pour mettre a nu ce vol qui a été opéré au détriment de L’Etat de Côte d’Ivoire. Mais, grâce à des complicités au niveau politique sous l’ancien régime, avec l’appui intéressé de personnes haut placées dans l’appareil judiciaires et au Tribunal de Yopougon, ce crime économique a été couvert. J’en reste choqué jusqu’à ce jour car, en tant que citoyen ivoirien qui est soucieux de la bonne gestion de l’argent du contribuable, j’estime que Méambly doit répondre devant la justice pour ses actes. Au contraire, au lieu d’arrêter Méambly, c’est à moi que des magistrats véreux et autres complices de Méambly s’en sont pris à travers un complot, pour me contraire et me r éduire au silence.
Vous chargé la justice sans ménagement…
J’insiste, car ce vol de grande envergure a été possible avec la complicité de quelques brebis galeuses de notre Justice. Certains magistrats ont couvert ce crime pour de l’argent et ont soutenu la conspiration pour me jeter en prison.
Que s’est-il passé ?
Alors que l’enquête judiciaire sur cette affaire était en cours au parquet du Plateau, j’ai été illégalement arrêté, de façon expéditive et au mépris des lois ivoiriennes, pour être incarcéré à la Maca pendant 90 jours. A ma grande surprise Méambly a pu obtenir de ses complices à la justice que je sois abusivement enfermé pour un délit d’ « escroquerie portant sur la somme de 50 millions de FCFA.» C’était, en fait, une cabale des auteurs et complices de détournement pour me faire taire, vu mon insistance.
Ne reconnaissez-vous pas les faits que Méambly vous reproche ?
Méambly ne peut pas m’accuser d’escroquerie parce qu’il connait bien ma qualité. Pour qu’il y ait escroquerie, il faut qu’il y ait les manœuvres frauduleuses et la remise. J’ai reçu de l’argent de la part de Méambly, certes, mais je n’ai engagé aucune manœuvre dans ce sens. Je me suis présenté à lui en qualité d’agent de recouvrement détenant une procuration. Je ne me suis pas présenté à lui comme un Directeur de Société détenant une créance à céder. Méambly a eu le mandat qui était à moi et c’est en fonction de ça que nous avons fait les papiers par devant témoin. Méambly a plutôt utilisé ses relations au Tribunal pour se venger de moi puisque je le gêne. Je l’ai dénoncé en avril 2010 et ce n’est qu’en mai 2010, soit un mois plus tard, qu’il a trouvé la parade de l’escroquerie.
Mais comment expliquez-vous le fait que la justice ivoirienne a donc préféré vous poursuivre pour les faits d’escroquerie portant sur 50 millions plutôt que de faire arrêter Méambly pour le détournement des 3milliards que vous avez dénoncé ?
Je vous ai expliqué plus haut que les faits ne sont mêmes pas établis et j’ai passé 90 jours à la Maca pendant que celui qui a détourné les 3 milliards de la douane était en liberté. C’est ce qui s’est passé. D’ailleurs le juge d’instruction a été désavoué par le garde des sceaux. Dans une correspondance du mois de mars 2010, il a écrit ceci : « Méambly était dans un secteur qui lui permettait de savoir que son cocontractant ne pouvait lui céder la créance en question.» Et le garde des sceaux va plus loin, en faisant remarquer qu’on note enfin une particulière célérité dans le traitement de cette affaire sans qu’aucune urgence ne le justifie. En effet, l’ordonnance de soi-transmis du juge d’instruction date du 10 décembre 2010, le réquisitoire définitif date du 10 décembre 2010, l’ordonnance de renvoi date du 14 décembre et le procès ordonnancé le 17 janvier 2011. Toutes ces irrégularités constatées dans le traitement de cette affaire sont de nature à empêcher l’éclatement de la vérité. Vous voyez bien que le garde des sceaux a bien désavoué notre appareil judiciaire. Car le délit d’ « escroquerie » qu’il me reprochait n’a jamais été constitué. Rien n’a été prouvé. On m’a injustement détenu, quand bien même Méambly a volé. Le procureur de la république d’alors, qui m’avait reçu une semaine avant, m’avait rassuré que cette affaire la manœuvre de Méambly pour masquer son crime et pour me faire taire ne pouvait pas prospérer dans un pays de droit. Mais il a suffit que Méamby aille le rencontrer dans son village, le 04 juin 2010, pour que moi je sois arrêté par la Police judiciaire. Il s’est servi de son carnet d’adresses pour tenter d’étouffer cette affaire.
Comment cela s’est-il opéré, selon vous ?
Je vous ai parlé de son réseau de complicités et des ses connexions avec certaines sphère politique d’alors. Je le crois, parce qu’il m’avait prévenu. Pour me narguer et il m’a fait s’avoir qu’il pouvait mettre la justice ivoirienne dans sa poche. En effet, il m’a dit que même si je le dénonçais, je ne pourrai rien contre lui. Il m’a même dit qu’il n’aura qu’à engager quelques millions FCFA dans son réseau pour que j’aille en prison pour longtemps. Et c’est ce qui s’est passé. J’ai été mis sous mandat de dépôt par le juge d’instruction, qui n’a pas entendu le plaignant. Or, il ne pouvait pas me mettre sous mandat de dépôt pendant 90 jours sans entendre le plaignant. J’ai pu savoir plus tard, grâce à une dame intègre, une magistrate que je ne citerais pas, que c’était un complot. Elle m’a révélé que la décision venait « d’en haut ». J’étais dépassé par le fait que la Justice d’alors ait pu ainsi se compromettre avec un criminel économique.
On sait que cette affaire a pris une certaine tournure, quand vous avez accusé Evariste Méambly d’avoir « contribuer à l’instabilité du pays » en quoi ces choses sont-elles liées?
Les choses ont pris cette tournure et les liens entre elles sont apparus quand ma résidence a été visitée par de miliciens pendant la crise postélectorale, le 12 avril à 20 heures. Ils ont séquestré ma famille et moi avant de menacer de nous éliminer. Ils m’ont pris et ont voulu m’abattre dans mon jardin. Mais Dieu était avec moi car, lorsque nous sommes parvenus au niveau de mon portail, il y a eu une chaude discussion entre eux. Certains ont été pris de compassion pour moi, à la vue de ma famille, et ont refusé d’avoir mon sang sur les mains dans une affaire qui ne leur paraissait pas claire. Ils ont alors décidé de revoir mon sort. Au lieu de me tuer, ils m’ont demandé de leur donner la somme d’un million. Nous sommes montés dans ma chambre et je leur remis une enveloppe contenant 530.000 FCFA, en plus d’objets de valeur. C’est ainsi qu’ils m’ont épargné la vie et sont repartis. Mais avant de quitter les lieux, ils m’ont dit qu’ils agissaient pour le compte d’un « boss » qui ne voulait plus me voir en vie. Après leur départ, nous avons quitté la maison sur insistance de ma femme.
Mais avez-vous la preuve ceux qui vous ont agressé venaient de la résidence des Méambly ?
Au départ, je n’ai pas fait le lien. Mais après que nous soyons allés nous mettre à l’abri quelque temps, je suis revenu. Je tentais de comprendre. Et c’est-là que j’ai découvert, le 30 avril, le véhicule de mes agresseurs devant la résidence familiale Méambly, qui était occupée par les FRCI. Je me suis renseigné et je me suis fait dire que cette voiture a été arrachée aux miliciens qui sévissaient dans le quartier. Ce que je dis peut être vérifié auprès de la population. En me renseignant, j’ai pu savoir que les éléments qui sont venus chez moi sont des miliciens qui occupaient la résidence de Méambly et l’hôtel Méambly. Je n’accuse pas, ce sont des faits qui sont établis. D’ailleurs, les gens pourront confirmer, que début mars 2010, l’inscription « Famille Méambly » sur la villa familiale de M. Méambly a été effacée. Ce qui a nous paru un peu suspect. Trois jours plus tard, nous avons vu plusieurs 4X4 y défiler. C’était pour des dépôts d’armes. Les riverains du 17é arrondissement de Yopougon, comme moi, ont suivi l’évolution. En mars, des miliciens ont prit possession de cette résidence et y ont installé un barrage Ils contrôlaient les pièces des véhicules, de passagers et même des passants. Autour du 10 avril, ces miliciens ont commencé à sévir dans le quartier en s’invitant même dans les domiciles des habitants qui étaient terrorisés comme moi. La tentative d’assassinat qui me visait par des miliciens qui étaient logés dans la résidence de Méambly et les actes de terreur que ceux-ci ont posés ne permettent-ils pas de dire que Méambly a participé à l’instabilité du pays ? C’est lui-même qui a établit le lien entre ces affaires, en envoya nt des miliciens pour me tuer! J’ai porté d’ailleurs plainte pour tous ces agissements.
Nous avons appris que Méambly a été arrêté puis relaché, alors qu’il tentait de s’en prendre à vous. Est-ce vrai ?
Effectivement, Méambly qui bénéficie curieusement d’une garde rapprochée, en dépit des actes qu’il a commis a réussi à se faire accompagner d’éléments fortement armée dans le but de m’enlever, probablement. Cinq hommes armés ont été commis pour cette besogne. Heureusement que les Frci ont été prompts. Alertés à temps, elles ont constaté la forfaiture de Méambly qui a aussitôt été appréhendé, avant d’être relâché plus tard. Méambly veut absolument me faire taire, pour m’empêcher de continuer à dénoncer son imposture. Il met ma vie en danger et il sera tenu pour responsable de tout ce que pourrait m’arriver.
Vous auriez-été entendu dernièrement par la Brigade de recherche dans cette affaire…
Il faut préciser que ma convocation en ce lieu n’est pas directement liée à l’affaire du détournement des 3,3 milliards par Méambly. Celui -ci me reproche plutôt de l’avoir « diffamé et porté atteinte à son intégrité » en l’accusant d’avoir hébergé des miliciens et de tenter de me nuire. En fait, acculé par cette affaire, Méambly est allé reformuler ma propre plainte, celle que j’ai déposée à ce sujet contre lui le 13 juillet 2011 au 17 é arrondissement de Yopougon, pour la diriger contre moi. Il contre-attaque pour brouiller les pistes. J’ai donc été entendu par la Brigade de recherche et je suis rentré chez moi. Mais je persiste et je signe, il faut que la lumière soit faite sur ce scandale qui a fait perdre 3,3 milliards à l’Etat de Côte d’Ivoire. Le « Conasfor », « Méambly Finances » et « Balance Transit » ont servi d’écran dans cette forfaiture
Vous pensez donc que la lumière n’a pas été suffisamment faite sur cette affaire ?
Après le courrier du garde des sceaux, le dossier n’a plus été appelé. Le garde des sceaux a demandé à ce qu’on nous entende à nouveau, selon l’article 454 du code de procédure pénale. Il a souhaité qu’il y ait une nouvelle instruction pour savoir s’il y a eu ou non dénonciation par le prévenu. Or, il y a bel et bien eu dénonciation de ma part, comme l’a confirmé la douane ivoirienne. Pour la manifestation de la vérité, la justice ivoirienne doit poursuivre cette affaire. Je répète qu’il y a eu une enquête diligentée par le parquet de Yopougon par le biais de la police économique, le procès verbal de la police économique existe et indique clairement que Méambly a reconnu avoir détourné « 2 milliards », selon lui. C’est un cas d’abus de confiance et d’escroquerie, il doit être arrêté. Il a aussi reconnu à la douane avoir pris « 2 milliards » au Trésor et s’est engagé à rembourser. C’est la preuve du crime économique qu’il a perpétré, notamment sous le couvert du Conasfor et de ses sociétés écrans.
Mais on sait que le Conasfor est une structure de soutien aux forces de l’ordre et de défense…
Je voudrais avant tout vous dire qu’aucune des structures de Méambly n’est légale. Hormis « Balance Transit ». Mais dans les livres de la douane le crédit d’enlèvement de cette société n’excède pas 200 millions. Mais qui fait curieusement de gros chiffres. La justice doit regarder de ce côté aussi. « Méambly Finances » n’existe pas et n’a pas de siège social. Pour une société qui brasse des milliards le compte contribuable affiche zéro, et zéro franc d’impôt. D’autres, pour moins que cela, se sont retrouvés en prison. Pourquoi lui n’est pas inquiété. Le Conasfor s’inscrit dans le même chapitre. Ce comité est né de l’utilisation frauduleuse du chèque spécial du trésor N° 02354 du montant de 3.361. 899. 840.000 FCFA. Et je dis haut et fort que tous ceux qui reçoivent quelque chose du Conasfor sont des receleurs dans un pays de droit.
Vous pensez que la justice ne fait pas son travaille ?
Je n’accuse pas la justice en tant qu’institution. Il y a certes eu complicité à ce niveau, mais il ne faut pas désespérer de notre justice. Je rappelle que ce scandale a eu lieu sous l’ancien régime. Mais, moi, Je crois en la justice sous le président Alassane Ouattara parce qu’il tient à la moralité et à une justice impartiale qui combat l’impunité et qui tient à la bonne gouvernance. Ce que les Ivoiriens attendent, c est que ceux qui ont commis des crimes répondent de leurs actes, dès lors que les preuves sont établies. Un crime économique portant sur un montant de trois milliards ne peut pas rester impuni. Les preuves sont-là. Le parquet de Yopougon les a. La police économique les détient également. La douane ivoirienne l’a signifié dans son procès Verbal, et je détiens aussi les mêmes documents. D’ailleurs, la douane a sévi sur le plan civil. Car l’agrément de « Balance transit » a été retiré. C’est la preuve qu’il y a eu détournement d’argent. Je reste convaincu que les nouvelles autorités feront valoir le droit pour réparer le préjudice qui a été causé à l’Etat. C’est vrai qu’au regard des agissements de Méambly, je crains pour ma sécurité. Car, sous l’ancien régime, il a menacé de me faire tuer. Aujourd’hui de retour, il dispose de gardes de corps mis à sa disposition, selon lui, par les nouvelle autorités. Et se vente de ses « relations avec l’actuel Chef d’Etat –major ». Mais je suis convaincu que la diversion ne passera plus avec le Conasfor qui n’est en fait qu’une vaste escroquerie destinée a couvrir sa forfaiture et à rechercher la protection des autorité. Il doit payer pour le détournement des 3,3 milliards.
Sir Alfred, Informateur.net
Note de la rédaction
Pour des raisons de sécurité de l’interviewé, nous n’avons pas publié sa photo. Nous avons joint M. Evariste Méambly pour entendre sa version sur cette affaire de détournement. Mais l’homme n’a pas souhaité se prononcer sur le sujet.
Source: Informateur.net
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