Mathieu Aeschmann | Le Matin
En marge du match qui oppose mercredi soir à Genève (19 h 30) la Côte d’Ivoire à Israël, Didier Drogba s’est plié au rituel de l’interview.
En salle de presse comme dans la surface de réparation, Didier Drogba prend de la place. Il y a déjà cette carrure, celle-là même qui hante les nuits des meilleurs défenseurs de Premier League depuis déjà sept saisons. Et puis la voix, grave, presque gutturale, au service d’un discours certes rodé mais d’où s’échappent quelques vérités fortes. Entouré du sélectionneur François Zahoui et du «maestro» Didier Zokora, l’avant-centre de Chelsea refusera toutes les questions portant sur son club. Pour le reste, il se livre avec franchise et intégrité.
Didier Drogba, vous avez 33 ans, et pourtant on a l’impression que vous ne vieillissez pas. Quel est votre secret?
Merci (éclat de rire)! C’est vrai que les années se succèdent au compteur et que je me sens toujours très bien dans ma tête comme dans mon corps. Probablement que l’envie est la clé. Mon envie de jouer demeure intacte, je suis toujours aussi heureux sur un terrain. Voilà ce qui donne l’impression que je reste jeune. Mais, je vous rassure, malheureusement je vieillis.
Vous revenez en Suisse plus d’un an après votre fracture du bras à Sion contre le Japon. Pas d’appréhension particulière?
Non, pas du tout. Je me sens même très en forme. C’est vrai que le sol suisse ne m’a pas laissé un excellent dernier souvenir. Mais, par contre, j’ai vécu un grand moment en 2006 ici, dans ce même Stade de Genève. Lorsque nous avions réalisé un grand match contre l’Italie, futur champion du monde.
Vous évoluez depuis bientôt dix ans avec les Eléphants. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la sélection ivoirienne?
Je pense qu’il faut dresser un bilan depuis 2002-2003, date à laquelle nous avons presque tout repris à zéro, notamment sur le plan des structures. A partir de cette date, des moyens ont été débloqués pour réunir tous nos talents et obtenir des résultats probants. Témoin nos deux présences consécutives en phase finale de Coupe du monde. En conséquence et même sans titre majeur, la Côte d’Ivoire fait aujourd’hui figure d’exemple avec tous ses joueurs évoluant dans les plus grands clubs européens.
Ce statut de leader africain implique-t-il du coup davantage de pression à gérer lors de vos sorties internationales?
Disons que l’on est attendu partout et que tous nos adversaires rêvent de s’offrir la Côte d’Ivoire. Alors, comme un match de foot est déjà compliqué au départ, cette motivation supplémentaire chez nos adversaires rend les choses encore plus délicates. Mais on apprend et on s’adapte.
Un petit coup d’œil dans le rétroviseur, si vous le permettez. Entre le junior de Vannes il y a vingt ans et la star d’aujourd’hui, quelle est la qualité que vous possédiez déjà et celle que vous avez le plus développée?
Je crois que j’ai pu compter dès le départ sur ma passion dévorante pour le football, à mon sens la plus essentielle des qualités. Ensuite, j’ai travaillé la constance, la gagne et, surtout, cette faculté de savoir mettre une personnalité forte au service du collectif. Maintenant, pour ce qui est de mes qualités purement footballistiques, vous savez, c’est très difficile de jeter un regard sur soi-même.
Vous jouissez d’un statut d’icône en Côte d’Ivoire, on se souvient de votre appel au calme en 2006. Est-ce que vous pourriez envisager après votre carrière un engagement politique à l’image de celui de George Weah au Liberia?
L’idée de George est belle, car il souhaite avant tout aider son peuple. Il a ses convictions, se donne les moyens de les mettre en pratique, notamment en suivant des cours aux Etats-Unis. En plus, je pense qu’il faut arrêter de penser qu’un footballeur ne sait que taper dans un ballon. Un ancien professionnel me semble tout à fait capable d’occuper des postes de ministre ou de chef d’entreprise.»
Est-ce à dire que vous êtes tenté par cette reconversion?
En réalité, non. Simplement parce que la politique n’est pas vraiment mon fort. Rappelons que, lors de cet appel à mes concitoyens, je n’étais que le porte-parole du groupe. Alors, engagement de bonne volonté, oui. Mais carrière politique, non.
Un joueur servettien, Xavier Kouassi, vit sa première sélection. Un mot sur le petit nouveau?
Accueillir des jeunes comme lui prouve que la Côte d’Ivoire n’investit pas uniquement dans son équipe A, comme ce fut trop souvent le cas en Afrique. Xavier fait partie de ceux qui prendront un jour la relève. C’est bien qu’il découvre le haut niveau, fasse des erreurs pour apprendre et, qui sait, mener une belle campagne olympique en 2012. Ensuite nous pourrons peut-être laisser aux jeunes les clés de la sélection… dans dix ans (rires).
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