DESTRUCTION DE MAQUIS A ABIDJAN : Adieu Princesse !

Après plus d’une vingtaine d’années de « bons et loyaux services », la fameuse rue Princesse d’Abidjan en Côte d’Ivoire a cessé d’exister. Elle a « rendu l’âme » le 5 août dernier, rasée au bulldozer dans le cadre de l’opération « pays propre » initiée par les nouvelles autorités ivoiriennes. Triste fin pour une rue mythique qui était devenue un lieu incontournable pour les amateurs de la bonne ambiance, des bons mets et des belles de nuit. Adieu donc (rue) Princesse ! Malgré la promesse de sa renaissance sous réserve de respect strict de la loi faite par les autorités, il est fini le temps où tout Abidjanais, tout Ivoirien, ou tout étranger de passage dans la capitale économique était poussé à y faire un tour pour boire un coup et manger dans les nombreux maquis et restaurants.

Et, si l’envie le prenait, il pouvait se trémousser au son de la musique en vogue dans une des boîtes de nuit. On se rappelle la virée qu’y avait faite en 2008 l’ancien ministre socialiste français Jack Lang en compagnie du « camarade » Laurent Gbagbo, alors chef de l’Etat de la Côte d’Ivoire. La renommée de cette rue lui a aussi valu un film éponyme du réalisateur franco-ivoirien Henri Duparc, décédé en 2006. La rue Princesse était à Abidjan ce que Pigalle est à Paris et, dans une certaine mesure, l’avenue Kwamé N’Krumah à notre capitale Ouagadougou.

En un mot, elle était semblable à ces coins « chauds » que l’on trouve dans bon nombre de capitales africaines et qui font leur spécificité. Mais la rue Princesse, ce n’était pas seulement (malheureusement) ce côté ambiance et bonne bouffe. Elle avait aussi une face hideuse avec la prostitution, l’insalubrité et les trafics en tout genre. Depuis le 5 août, tout cela est bien fini au grand bonheur des riverains de cette rue. Le pouvoir de Alassane Dramane Ouattara (ADO) y a mis un holà. A en croire les témoignages de « victimes », il n’y a pas eu un préavis digne de ce nom (moins de 24 heures) leur permettant de chercher un nouveau point de chute. D’où des interrogations sur les véritables intentions de cette opération de salubrité publique.

En effet, la méthode cavalière utilisée par les autorités peut laisser penser à un règlement de comptes, d’autant que ce lieu mythique était un fief du président déchu Laurent Gbagbo, Yopougon. On se rappelle la destruction, au lendemain de l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités, d’un autre endroit devenu lui aussi mythique sous l’ère Gbagbo : la Sorbonne, un haut lieu de diatribes anti-françaises, surtout pendant la crise postélectorale. Mais les esprits n’avaient pas été aussi marqués en ce temps qu’actuellement parce que la Sorbonne, bien que célèbre, n’est pas comparable à la rue Princesse. Il n’y a pas que ceux qui y gagnaient leur vie à la rue Princesse, qui regrettent sa destruction. Il y a aussi tous ceux pour qui elle était devenue un passage, un détour obligé.

Il ne s’agit pas de condamner l’opération « pays propre » des nouvelles autorités, mais de s’interroger sur la manière avec laquelle elle a été menée, qui pourrait entamer son bien-fondé. Après la rue Princesse, à quel autre lieu insalubre le pouvoir d’Abidjan va-t-il s’attaquer ? Les bulldozers fonceront-ils aussi sur tous ces quartiers insalubres ? Si tel n’est pas le cas, on peut douter de la sincérité de l’opération, qui pourrait cacher des arrière-pensées politiques.

Séni DABO

Le Pays

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.