Source: Lhumanite.fr
Une soixantaine de partisans de Laurent Gbagbo sont incarcérés ou placés en « résidence surveillée » dans le nord du pays, sous la garde de chefs de guerre, la plupart hors de toute procédure judiciaire.
Entourés d’hommes en uniforme qui les filment, sous les hurlements d’un chef militaire des FRCI au langage peu amène, les détenus s’allongent à terre, contraints d’exécuter, jusqu’à épuisement, une série de pompes. Pas de violences physiques, mais une volonté affichée d’humilier. La scène, filmée et postée sur Internet en juillet, se passe à Bouna, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire. Parmi les prisonniers, on reconnaît Pascal Affi Nguessan, président du Front populaire ivoirien, le parti de Laurent Gbagbo, ou encore Michel Gbagbo, fils du président déchu.
Comme eux, une soixantaine de personnes, appréhendées par les FRCI lors de l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril dernier, sont maintenues en détention dans le nord de la Côte d’Ivoire, à Bouna, Boundiali, Katiola, Odienné. Dans un cadre juridique pour le moins flou, sans contacts avec l’extérieur et sous la garde de chefs de guerre peu soucieux de légalité et de dignité des personnes. Des responsables politiques, des députés, des syndicalistes, des anciens ministres, l’ancien directeur de la BCEAO, ou encore des membres de la famille de Laurent Gbagbo sont ainsi incarcérés. Mais seuls vingt-quatre d’entre eux sont formellement inculpés pour infraction à caractère économique ou atteinte à la sûreté de l’État. Les autres, fait valoir le gouvernement ivoirien, sont placés en « détention préventive » ou font l’objet de « mesures administratives » censées prévenir d’éventuelles « menaces ». L’ancien président ivoirien, lui, est officiellement placé en « résidence surveillée » à Korhogo, où il n’a pu s’entretenir avec ses avocats depuis le 26 mai, date de son unique entrevue avec eux.
Plusieurs ONG s’alarment des conditions de détention et de l’état de santé de ces prisonniers, qui ont finalement pu recevoir, en juillet, la visite du CICR. Lequel se refuse à communiquer, indiquant que ses « observations, recommandations et préoccupations » seront « traitées de manière confidentielle avec les autorités détentrices pour s’assurer que les détenus seront traités correctement ». Plus explicite, la Confédération syndicale internationale (CSI) dénonce le « régime particulièrement pénible » auquel est astreint Basile Mahan Gahé, secrétaire général de la centrale syndicale Dignité. Kidnappé en mai à son domicile d’Abidjan par des hommes en armes, le syndicaliste a été place au secret pendant plusieurs jours dans un commissariat, avant d’être transféré à l’hôtel Pergola, transformé en lieu de détention, puis, le 9 juillet, dans le nord du pays, à Boundiali. Une mission du Bureau international du travail à Abidjan « a pu constater qu’il n’existait aucune procédure judiciaire », indique la CSI, qui exprime « sa plus profonde inquiétude pour l’intégrité du syndicaliste ». Son état de santé, comme celui de Maurice Lohourignon, directeur de l’aménagement du territoire, « s’est brutalement dégradé », confirme la sénatrice communiste Nicole Borvo Cohen-Seat, dans une lettre adressée le 20 juillet à Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères. La Française Jacqueline Chamois, mère de Michel Gbagbo, le fils aîné du président déchu, se désespère quant à elle de la passivité des autorités françaises. « Mon fils n’a commis aucun crime. Seule sa filiation lui est reprochée. Alors qu’il est ressortissant français, mes lettres à Nicolas Sarkozy et à Alain Juppé sont restées sans réponse », témoigne-t-elle.
Dans un pays toujours livré à la violence, aux exactions, aux pillages et à l’arbitraire des FRCI et de leurs « com’zones », le sort de ces détenus maltraités, errant dans des limbes juridiques, jette une ombre supplémentaire sur le nouveau pouvoir. Et ce malgré les promesses répétées d’Alassane Ouattara sur la « réconciliation » et le « rétablissement de l’État de droit ».
Rosa Moussaoui
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