Limogeage du DG de la RTI: ADO a eu la main lourde

Le limogeage du directeur général de la télévision publique ivoirienne est-il un indicateur de la gouvernance ADO ? Si tel est le cas, on peut se poser bien des questions sur les méthodes du chef de l’Etat ivoirien. En chassant ainsi comme un malpropre un journaliste reconnu pour son professionnalisme, le nouveau régime n’est-il pas en train de laisser entrevoir sa vision du journalisme ?

Servir, rien que servir le maître de céans. C’est peut-être cela l’entendement que le régime d’Abidjan a du rôle d’un média public comme la RTI. Cela frise même le culte de la personnalité que de garder le président une demi-heure dans l’avion pour attendre la télévision. On ne voit cela qu’en Afrique. Certes, le voyage de Alassane Ouattara aux Etats-Unis revêtait un caractère éminemment important. Et donc, son retour devait être entouré de toute la solennité requise, avec notamment la présence de la RTI. Mais aller jusqu’à limoger un pauvre directeur qui vient d’hériter d’une structure renaissante paraît suspect. On ne donnera pas de leçon à ADO, mais il semble bien que si dysfonctionnement il y a eu, c’est d’abord au sein de ses propres services.

Le DG de la RTI apparaît donc comme un bouc-émissaire idéal. Le temps permettra sans doute de mieux cerner les contours de ce clash entre ADO et l’homme de média. Au-delà de la thèse officielle du « dysfonctionnement », il n’est pas exclu de croire que Brou Aka Pascal a payé pour sa rigueur professionnelle. Tous ceux qui ont suivi le face- à-face Gbagbo- Ouattara du second tour, à la RTI, ont vu comment il a officié avec professionnalisme. Ce fut presque une première en Afrique, dont les deux candidats se sont du reste félicités. Le rôle de l’animateur a été déterminant dans le succès de ce duel.

Si l’homme n’a pas changé au contact des ors du pouvoir, il a donc gardé cette objectivité qui l’a rendu célèbre. Or, en Afrique, dans la plupart des pays, le directeur de la télé d’Etat est assimilé à un agent au service uniquement de la propagande du régime. Il doit laisser aux vestiaires certaines convictions professionnelles pour se consacrer entièrement à la promotion de l’image du pouvoir. Alors, Alassane Dramane Ouattara qui se présente comme un démocrate aux antipodes de Laurent Gbagbo doit rassurer les Ivoiriens sur ses véritables intentions. Si le limogeage du DG de la RTI participe de sa volonté de mettre fin au laxisme, on ne peut que l’applaudir.

Mais, s’il s’agit d’une entreprise de prise en main et de caporalisation de la chaîne publique, alors on a tout lieu de s’en inquiéter. ADO doit prouver qu’il ne fait pas partie du cortège des chefs d’Etat qui ne veulent entendre que des journalistes griots chantant leur gloire. Brou Aka Pascal a-t-il refusé de s’abaisser à ce rôle dévalorisant ? A moins qu’il n’ait été victime d’un règlement de comptes ou d’une fuite de responsabilité de ses supérieurs hiérarchiques. Dans tous les cas, ce limogeage est excessif, sauf si la preuve du contraire est établie.

Il est symptomatique des balbutiements liés à un début de mandat difficile. Tout est à reconstruire. Brou Aka Pascal a eu la malchance d’être le cobaye d’une télévision publique qui cherche ses marques. ADO ne s’est sans doute pas encore entouré des hommes et femmes capables de lui indiquer les meilleures voies pour une véritable liberté de presse en Côte d’Ivoire. Un autre défi parmi tant d’autres à relever.

Mahorou KANAZOE

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