Malick NDAW – Sud Quotidien DAKAR
Sa nomination intervenue le 30 mai 2011 à Lomé, le cinquième Gouverneur de la Bceao (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), l’ivoirien Tiémoko Meyliet Koné, a pris ses quartiers de l’Avenue Abdoulaye Fadiga à Dakar-Plateau, ce lundi 1er août 2011 à Dakar, comme nous l’apprend un communiqué laconique de l’Institution. Il remplace ainsi à ce poste, Philippe-Henry Dacoury-Tabley, un proche de Gbagbo, contraint à la démission en janvier dernier, au plus fort de la crise ivoirienne.
Economiste de fonction, le nouveau gouverneur de la Bceao connaît bien la maison dont il est un pur produit pour l’avoir intégré dans les années 80, après ses études supérieures et une formation au Centre d’application technique et professionnelle de la Bceao. Successivement adjoint au directeur national de la Bceao /Côte d`Ivoire, directeur central de l`émission et des opérations financières au siège de la Bceao au Sénégal, directeur national de la Bceao/Côte d`Ivoire, gouverneur suppléant au Fonds monétaire international de 1991 à 1998, conseiller du gouverneur Charles Konan Banny en 2006, directeur du département de l’administration générale et de la formation, contrôleur général, chargé de la supervision des directions opérationnelles de l’inspection, de l’audit interne, du contrôle de gestion et de la prévention des risques, Tiémoko Koné retourne en Côte d’Ivoire où de 2007 à 2010, il est le directeur de cabinet du Premier ministre Guillaume Soro, puis ministre de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat. Technocrate jugé chevronné, discret et rigoureux, le cinquième gouverneur africain de la Bceao a collaboré avec tous ses devanciers notamment Abdoulaye Fadiga, Alassane Ouattara, Charles Konan Banny à l’exception de Philippe Henri Dakoury-Tabley dont il est aujourd’hui le successeur après que celui-ci ait été contraint à la démission en janvier dernier, au plus fort de la crise ivoirienne, pour sa proximité avec l’ex-président Gbagbo.
Agé de 69 ans, marié et père de cinq enfants, Koné Tiémoko Meyliet était jusqu’à sa nomination, le conseiller spécial du président Ouattara, chargé des affaires économiques et monétaires. C’est donc un proche parmi les proches de l’actuel président ivoirien. C’est assez cocasse pour ne pas le relever. Les mêmes causes feraient-ils les mêmes effets ? Sans vouloir préjuger de la compétence du nouveau Gouverneur.
Contexte de crise
Toujours est-il que le nouveau Gouverneur de la Bceao qui sert de banque centrale aux huit pays de l’Uemoa qui sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, arrive dans un contexte assez difficile dans la zone communautaire dont l’impact de la récente crise en Côte d’Ivoire sur les perspectives économiques de l’Union et sur le système financier régional a de quoi inquiéter. Le Comité de politique monétaire s’en est d’ailleurs ému en mars dernier et recommandé aux Etats membres « la mise en œuvre de mesures structurelles de soutien à l’offre».
Ledit Comité s’était dit « préoccupée » par la résurgence des pressions inflationnistes, consécutive au renchérissement des denrées alimentaires importées et à la progression des prix des carburants dans la plupart des pays. Et pour cause.
Le taux d’inflation, en glissement annuel, s’est accru de 2,6 points de pourcentage entre fin septembre 2010 et fin décembre 2010 où il s’est établi à 3,9%. Des tensions inflationnistes qui devraient rester fortes au cours du premier semestre 2011.
Pour les années 2011 et 2012, les perspectives d’inflation sont d’autant plus empreintes d’incertitudes que le contexte actuel de l’Uemoa marqué par les effets de la crise énergétique dans la plupart des pays. D’où la décision du Comité de politique monétaire de maintenir inchangés les taux directeurs de la BCEAO. Ainsi, le taux minimum de soumission aux opérations d’«open market» et le taux des opérations sur le guichet de prêt marginal restent respectivement fixés à 3,25 % et 4,25%. Le niveau du coefficient des réserves obligatoires (7%) a fait l’objet du même maintien depuis le 16 décembre 2010.
De plus, le comité de politique monétaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) fait face à une situation financière de l’institution qui aurait subi un détournement pendant la récente crise ivoirienne d’un montant évalué à quelque 500 milliards de FCfa. Détournement qui reste toutefois à confirmer.
Qui, quoi ?…
Créée le 4 avril 1959, la Bceao a toujours été dirigée par un directeur général français. Le dernier français en est Robert Julienne qui occupa le poste de gouverneur depuis le 28 septembre 1962 jusqu’en 1973. Le siège de la banque était alors à Paris. Avant de passer le flambeau aux africains pour la direction et le siège de la banque, la France exigea la signature le 4 Décembre 1973, d’un nouvel Accord de Coopération et de la nouvelle Convention de Compte d’opérations entre la République Française et l’UMOA. C’est finalement le 15 décembre 1974 que M. Abdoulaye FADIGA sera nommé aux fonctions de Gouverneur de la BCEAO. Ce dernier va œuvrer pour le transfert du siège de la BCEAO de Paris à Dakar en Juin 1978 et l’inaugurer le 26 mai 1979.
Après le décès du Gouverneur Abdoulaye FADIGA, le 11 octobre 1988, M. Alassane Dramane OUATTARA est nommé aux fonctions de Gouverneur de la BCEAO, le 28 octobre 1988. À la suite de la nomination le 07 novembre 1990 de M. Alassane Dramane OUATTARA aux fonctions de Premier Ministre de la République de Côte d’Ivoire, M. Charles Konan BANNY est promu Gouverneur de la BCEAO, par intérim le 04 décembre 1990 .
Le gouverneur est nommé par le conseil des ministres pour un mandat de six années renouvelable. Il doit être choisi de manière à appeler successivement à cette fonction un ressortissant de chacun des Etats membres de l’Union, selon l’article 41 des statuts de la BCEAO. C’est justement cet article qui justifie la volonté des pays membres de voir l’un des leurs à la tête de la banque. Dans le souci de garder la hiérarchie et une bonne solidarité dans les ensembles, le plus souvent des accords tacites sont faits. Il en est ainsi de toutes les grandes organisations au monde. Au terme d’un « gentlemen’s agreement » passé entre Américains et Européens dès 1947, le directeur du FMI est un Européen et celui de la Banque mondiale, un Américain.
Aussi, il sera difficile de vouloir déchoir un ivoirien du poste du gouverneur de la BCEAO au regard du poids économique de la Côte d’Ivoire dans la sous-région.
Tout compte fait, le choix du gouverneur de la BCEAO doit porter sur un intellectuel dont la probité ne souffre d’aucun doute et la vision portée sur la recherche de l’intérêt général de la communauté. Mais en vérité, le véritable débat est celui d’une monnaie décolonisée.
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