Source: Nord-Sud
Alors que l’on se rapproche à grands pas de la fin de l’année, rien de concret n’indique que la Commission électorale indépendante pourra dispenser les Ivoiriens d’un report des législatives.
Le doute s’installe. Les Ivoiriens (re) commencent à se poser des questions sur la capacité de la Commission électorale indépendante (Cei) à les conduire aux urnes pour les législatives attendues à la fin de l’année 2011, comme l’annoncent les nouvelles autorités. En dépit de l’immensité des tâches à réaliser, rien de concret ne semble poindre à l’horizon. Aussi bien sur les plans structurel que technique, la Cei paraît confinée dans un immobilisme de mauvais aloi qui inquiète plus d’un Ivoirien.
C’est que, le vent de changement qui a soufflé sur l’exécutif ivoirien, a provoqué un mini-séisme qui impose du coup, un jeu de chaises musicales à la Cei. Si le départ de Laurent Gbagbo du pouvoir a ouvert la voie au départ de certains commissaires centraux estampillés ‘’Lmp’’, force est de constater que d’autres partis ont rappelé leurs représentants au sein de l’organe électoral.
Le budget des législatives, toujours attendu
Du fait de cette situation, les réunions techniques de la Cei ont du mal à se tenir. Comment organiser les législatives sans réunions préparatoires ? Pour lever cette hypothèque, le président de l’institution a décidé de faire de la reprise des activités de la Cei, son cheval de bataille. De source proche de l’organe électoral, la recomposition est d’ailleurs en bonne voie. Les nouveaux commissaires devraient prêter incessamment serment, pour permettre à l’organe électoral, de recommencer à fonctionner comme il se doit. Sauf que les questions des agents du secrétariat général de la Cei, menacés de licenciement et des arriérés de salaires dus aux commissaires locaux et aux responsables administratifs, enrhument cette reprise déjà timide. « Nous n’avons aucune information sur le début de paiement de nos arriérés qui concernent la session du 6 novembre au 6 décembre 2010».
Ces arriérés de primes et salaires (75.000 F. Cfa, en moyenne par agent) avoisineraient les 900 millions F Cfa. En plus de cette somme à rechercher par ces temps de vaches maigres, s’ajoutent les moyens financiers nécessaires pour l’organisation des législatives. Pour les opérations réalisées jusque-là, c’est la bagatelle de 40 milliards F. Cfa qui a été dépensée.
Et, pour l’organisation des législatives, la facture pourrait atteindre les 10 milliards F. Cfa, selon une indiscrétion. Mais, de source proche de l’Union européenne, la question financière ne devrait pas constituer un problème insurmontable. « L’Etat a les capacités de financer l’organisation des législatives surtout que l’essentiel du matériel électoral à l’intérieur du pays a été sauvegardé », assure notre source indiscrète proche de la Cei, persuadée que, par ailleurs, les ‘’amis de la Côte d’Ivoire’’ ne la laisseront pas tomber. Le hic, c’est que la Cei se fait attendre sur le sujet. Elle tarde à déposer son budget pour les législatives sur la table du ministre de l’Economie et des Finances. Les décaissements, pour environ 1,2 milliard F. Cfa, devraient servir à réparer les dégâts liés aux actes de vandalisme de la crise post-électorale. Ce chapitre budgétaire devrait également prendre en compte, le renouvellement du parc-auto de la Cei, pillé lors des violences de l’après-présidentielle ainsi que le règlement du passif dû aux imprimeurs qui ont produit les documents électoraux du scrutin présidentiel.
Sur le plan technique, la question du nouveau découpage électoral semble être la préoccupation majeure qui pourrait faire glisser la Cei. En effet, de sources proches du ministère de l’Intérieur, cette tâche relève exclusivement de l’organe électoral. « C’est à la commission électorale qu’il appartient de proposer un découpage qui sera avalisé par le gouvernement. C’est la même loi qui a créé la commission électorale indépendante qui lui confie le soin de proposer au gouvernement, le découpage qui lui convient », renseigne Bamba Cheick Daniel, directeur de cabinet du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko. Tenant compte de l’évolution démographique et de la taille des circonscriptions, il appartient à la Cei de proposer un nouveau découpage. Une tâche sur laquelle Youssouf Bakayoko et son équipe ne compte pas se dérober. Dès que les conditions d’une réunion seront réunies, la question du découpage électoral devrait figurer en bonne place, assure Bamba Yacouba, désormais vice-président de la Cei.
L’autre dossier chaud sur le plan technique qui devrait donner des migraines à Youssouf Bakayoko, est celui de la révision de la liste électorale définitive.
Des pétitionnaires recalés ?
Pour éviter un énième report de la présidentielle en octobre 2010, les principaux acteurs politiques ivoiriens étaient convenus, lors du dernier Cpc (réunion du Cadre permanent de concertation, un organe de l’Accord politique de Ouagadougou), de remettre à plus tard, le règlement du litige concernant 55.000 personnes sur la liste électorale définitive. Sur elles, pesaient des soupçons de filiation étrangère. A tête froide, les acteurs politiques s’étaient engagés à étudier leur cas pour les législatives. « Réitérant la recommandation adoptée lors de la 6è Réunion du Cpc et relative à la situation des pétitionnaires concernés par les erreurs matérielles consécutives à leur enrôlement, les membres du Cpc recommandent que les pétitionnaires, au nombre de 55.000 environ, ajournés de la liste électorale définitive suite à l’opération de vérification par l’état-civil de la liste électorale provisoire, puissent faire l’objet, après l’élection présidentielle, d’un examen minutieux de leur statut par un Comité technique ad hoc en même temps que tous les cas de doublons et autres catégories d’erreurs», lit-on au chapitre 9 du communiqué final ayant sanctionné la réunion du Cpc du 22 septembre 2010.
Mais, la réalité impose de constater qu’à cinq mois des législatives, aucun début de solution n’est proposé à ces pétitionnaires qui espèrent figurer sur la liste électorale. Car, en plus de ce contingent de pétitionnaires recalés à la présidentielle 2010, 22.000 autres Ivoiriens attendent de savoir s’ils pourront être autorisés à prendre part aux législatives ou pas. Ces personnes qui ont été enrôlées lors des audiences foraines, ont été omises des différentes listes. Au terme du processus d’identification, elles n’ont obtenu ni carte d’identité, ni carte d’électeur. « Si rien n’est décidé dès maintenant, c’est ce qui pourrait nous créer des difficultés», admet Issouf Bamba, président de la Cei régionale du Haut-Sassandra. Si l’on en croit M. Bamba, la solution la plus réaliste, consisterait à ‘’sacrifier’’ à nouveau ces recalés. La logistique nécessaire au traitement de leur cas aurait été pillée lors des heures chaudes de la crise post-électorale.
Youssouf Bakayoko et ses compagnons attendent-ils d’engager tous ces chantiers avant de présenter leur chronogramme ? « Il n’y a pas d’inquiétudes à avoir. Nous sommes dorénavant bien outillés dans l’organisation des élections. Et avec les cinq mois qui nous séparent de la fin de l’année, nous avons une bonne marge pour pouvoir tenir les délais », assure Bamba Yacouba. Sans doute que le gouvernement dirait la même chose en ce qui concerne les contingences sécuritaires.
Marc Dossa
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