Un rapport d’Amnesty International publié jeudi 28 juillet dénonce la situation de près de 700 000 déplacés qui ne peuvent rentrer chez eux.
C’est un tableau noir qui trône sur la place de Zeaglo, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Quelques lignes écrites à la craie par des témoins scrupuleux, qui relatent les exactions commises dans le village. On y lit qu’un homme et sa femme, enceinte, ont été tués dans la nuit du 20 mai avec leurs quatre enfants par un groupe armé de kalachnikovs. Et qu’« à travers ce drame, nous pouvons retenir que l’insécurité est totale à Zeaglo. Les victimes réclament la justice. »
La photo a été prise par les chercheurs d’ Amnesty International, qui publient aujourd’hui un rapport intitulé « Nous voulons rentrer chez nous, mais nous ne pouvons pas ». Ce tableau noir illustre le sentiment d’insécurité diffus qui étreint toujours l’ouest et le sud du pays. Et qui empêche encore 670 000 personnes de rentrer chez elles, selon la dernière estimation du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies – sur une population de 21 millions.
Il s’agit principalement de Guérés, une ethnie réputée proche de l’ancien président Laurent Gbagbo et grande gagnante du concept d’« ivoirité » élaboré au milieu des années 1990 par des proches du président d’alors, Henri Konan Bédié, selon lequel les terres devaient appartenir aux « vrais » Ivoiriens.
« Les victimes d’hier sont devenues les bourreaux d’aujourd’hui »
Mais l’heure de la revanche a sonné. « Les victimes d’hier sont devenues les bourreaux d’aujourd’hui », résume Salvatore Sagues, l’un des rapporteurs d’Amnesty. Les Dioulas, c’est-à-dire les personnes originaires du nord de la Côte d’Ivoire ou des États de la sous-région (Burkina Faso, Mali, Guinée, Sénégal, etc.), pillent des terres qui leur ont peut-être appartenu un jour.
« La question de l’ivoirité, et donc la question de la propriété des terres, structure toute la vie politique ivoirienne depuis vingt ans, explique Salvatore Sagues. C’est un problème de cadastre, certes. Mais s’il y existait une force de sécurité impartiale et légitime dans le pays, ces questions pourraient être tranchées. »
Amnesty accuse au contraire les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) d’armer des Dozos, une ethnie de chasseurs traditionnels. Ils empêchent le retour de la population en instaurant un climat d’insécurité permanent et en commettant des exactions qualifiées par l’ONG de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
« Le moment est crucial, assure Salvatore Sagues. Soit le désir pulsionnel de revanche – que nous pouvons comprendre – reste éphémère. Soit nous assistons à l’installation d’un nouveau système de domination. Et la seule solution pour l’empêcher, c’est de favoriser le lancement d’enquêtes impartiales. »
MARION QUILLARD
Commentaires Facebook