Cruauté et crimes crapuleux dans la vie politique africaine

Par Dr Serge-Nicolas NZI

La Cruauté et le crime dans la vie politique africaine

I – Les indépendances africaines ont fait de nous tous, les témoins d’une histoire mouvementée aux côtés de peuples qui aspirent au bonheur et à la liberté. Et pourtant par une sorte d’aberration incroyable et d’une inculture sans nom, nous nous sommes retrouvés assassins de nos valeurs et dans des situations où le pouvoir politique a été souvent utilisé pour faire du mal avec une grande dose de méchanceté et de cruauté criminelle.

Nous allons ici nous attacher à regarder dans le rétroviseur de notre histoire commune, pour nous rappeler des faits qui ont sérieusement entachés la marche de l’homme africain vers la dignité tant recherchée par notre génération et celle de nos pères. Il s’agit ici de se rappeler pour ne pas oublier.

Il s’agit aussi de refuser l’amnésie collective qu’une certaine presse veut imposer aux africains dans le but inavoué de les amener à répéter les mêmes erreurs et les atroces souffrances qui ont si bien viciées nos relations interpersonnelles en nous tirant par le bas.

II – Au commencement étaient les faux complots

L’indépendance nous a conduit au dénuement, à l’aplatissement devant les intérêts étrangers et surtout à la perte de l’estime de nous même sans oublier les dictatures crapuleuses et la barbarie. Des complots on en parle souvent avec amertume chez nous en Afrique. Au début des indépendances les faux complots étaient un moyen facile et presque élégant pour se débarrasser de ceux qui ne partageaient pas la gouvernance et l’orientation du parti unique et la trahison de l’intérêt national.

Cinq faux complots sont durablement dans nos mémoires. Celui du Sénégal, quand le premier ministre Mamadou Dia, fut accusé de complot, arrêté en décembre 1962, condamné à perpétuité pour tentative de coup d’Etat et jeté au bagne dans l’enceinte fortifiée de la prison de Kédougou, avec ses compagnons d’infortune. Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye, et Alioun Tall.

Des avocats de renom avaient en son temps défendu la cause des infortunés de Kédougou, Me Abdoulaye Wade et Robert Badinter entre autres. Le dossier était vide et pourtant la haute cour de justice du Sénégal prononça la Condamnation à l’emprisonnement à perpétuité.
Comment le président Senghor, l’humaniste socialiste, passionné de civilisation gréco-latine, un homme qui a grandit à l’université, qui n’a rien à avoir avec un Bokassa ou Idi Amine Dada…comment le poète Léopold Sedar Senghor, l’homme de pensée a-t-il pu laisser condamner des innocents à 12 ans de prison pour rien du tout ? Tout ce qui brille n’est pas de l’or, nous dit l’adage. La condamnation d’Amadou Dia, reste une page sombre de l’histoire du Sénégal et surtout une des grandes énigmes du système Senghor.

Aujourd’hui nous le savons, Mamadou Dia militait pour un refus de l’aplatissement devant la France et surtout il préparait une sortie planifiée de l’économie arachidière. Cette volonté heurtait les intérêts français. La suite nous la connaissons. Peu rancunier, Amadou Dia manifesta une profonde tristesse à la mort du président Senghor et demanda l’arrêt de la procédure de réhabilitation judiciaire et de révision de son procès qui était en cours.

Finalement, c’est vers Mamadou Dia et Abdou Diouf que vont notre admiration l’un pour sa fidélité au Sénégal et l’autre pour son sens de l’Etat. L’admiration suppose de l’estime et nous ne croyons pas en avoir pour Senghor dans toute sa gloire.

III – Le second faux complot que nous retenons vient de cette République cacaoyère à bout de souffle qu’on appelle la Côte d’Ivoire. C’est dans ce pays que, Félix Houphouët-Boigny et les services français inventèrent sans scrupule les faux complots de 1959 et 1963 pour emprisonner l’aile nationaliste du Parti unique le PDCI RDA. Ainsi la plupart des dirigeants politiques qui l’avaient rejoint se retrouveront dans une prison toute neuve construite dans son village natal pour la circonstance. Houphouët, était en réalité un homme foncièrement méchant, cruel et sans état d’âme.

Brandir des innocents en public au central boxing club de Trechville et les amener à reconnaître des crimes qu’ils n’ont pas commis est répugnant et indigne d’un homme d’Etat. Nous rendons ici un hommage sincère à ces hommes qui sont durablement dans nos cœurs alors que leurs noms sont aujourd’hui méconnus de certains ivoiriens.

De Jean-Baptiste Mockey, à Ernest Boka, de Charles Boza Donwahi, du Pr Joachim Boni, du Dr Amadou Koné, à Gris Camille, de Kacou Aoullou, à Germain Koffi Gadeau, d’Issa Bamba à Etienne Djaument en passant par, Mamadou Sanogo, Lamine Diabaté et Seydou Diara etc.. 13 condamnations à morts furent prononcées contre des innocents par un tribunal d’exception. Houphouët, reconnaîtra lui-même plus tard qu’il n’y avait jamais eu de complot.

IV – Dans le Zaïre de Mobutu, le manifeste de la Nselé qui porta le MPR sur les fonds baptismaux, promettait un monde paradisiaque au peuple Zaïrois, qui a cheminé derrière Mobutu avec ses chants et danses pour déboucher non pas sur la terre promise, mais sur un enfer digne des pires cauchemars de l’homme africain.

Dès 1966, Mobutu démontre son peu de respect pour les lois et les droits de l’homme en particulier. Le 30 mai 1966, le premier ministre Evariste Kimba, est arrêté en compagnie de trois de ses proches, Anany, Emmanuel Bemba et Alexandre Mahamba, ancien ministre de Patrice Lumumba.

Ils seront battus, torturés, brutalisés et traînés devant Mobutu comme des comploteurs, ils ne seront jamais confrontés à leurs accusateurs. Le matin du dimanche de la pentecôte 1966, les quatre hommes sont pendus en public sur un pont qui deviendra plus tard le pont Kasavubu de Kinshasa. C’est à la mémoire des martyrs de la Pentecôte, que le Grand stade de football de Kinshasa s’appelle aujourd’hui le << Stade des martyrs >>.

V – C’est dans ce même registre qu’il faut mentionner ici avec émotion la mort en prison de Joseph Boakye Danquah. Le 8 février 1965 à Accra. L’homme qui vers la fin des années 1940 avait invité, Francis Koffi Kwame Nkrumah, qui était en Angleterre, à venir s’installer en Côte de l’Or pour y jouer un rôle politique majeur.

Les protestations contre ce décès affluent de partout en Afrique et dans le monde. le président Ghanéen qu’on disait homme de compassion, était-il aveugle au point de ne pas voir la souffrance des centaines de gens qu’il avait fait emprisonner en vertu de la loi sur la détention préventive qui permet toutes les arrestations arbitraires ?

Mais le plus grave est derrière, Car les laudateurs de Kwame Nkrumah oublient tous aujourd’hui par amnésie le procès des trois principaux suspects de l’attentat spectaculaire de Kulungugu, le 2 janvier 1962. Les protagonistes de ce procès étaient Adamafio, le secretaire général du CPP, le parti de la convention du peuple, son adjoint Coffie Crabbe et son ministre des affaires étrangères Ako Adjei.

Le débat judiciaire était présidé par un magistrat d’une rare intégrité, Sir Arku Korsah, qui examinait équitablement les charges bien peu convaincantes, retenues contre les accusés. Tout le monde pense cependant qu’ils seront reconnus coupables. Puisse que la presse gouvernementale les présente déjà comme les organisateurs de la tentative d’assassinat contre la personne du président de la République.
Après plusieurs mois de débats, quand en décembre 1963, le tribunal les reconnaît innocents, ce verdict tombe comme une gifle pour le président Kwame Nkrumah. Il refuse cet acquittement qu’il considère comme un affront personnel et décide de réagir vivement et rapidement. Il limoge le juge Korsah, en quarante-huit heures.

Il fait adopter par l’assemblée nationale une loi qui donne au président de la République le pouvoir de réviser tout jugement judiciaire quand l’intérêt national est en jeu. C’est cette atteinte majeure à l’indépendance de la justice qui sera l’une des causes du coup d’Etat militaire du 23 février 1966, qui renversa le régime du Dr Kwame Nkrumah.

VI – Les derniers éléments de cette nature de faux complots nous viennent de la Guinée de Sékou touré. L’arrestation en 1969 de Fodéba Keita, accusé de complot, l’ancien ministre de l’intérieur et de la sécurité de la Guinée fut fusillé le 27 mai 1969.

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Mais l’Afrique entière retient l’arrestation la torture, l’humiliation et la mort dans le camp de la mort de Boiro à Conakry de Boubacar Diallo Telli, ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine (Ndlr. Union Africaine actuelle) et ministre de la justice de la République de Guinée comme un immense gâchis.

Le plus triste c’est la mise en scène du faux complot. Les témoins qu’on trouve pour porter l’accusation et surtout cette confession publique que les dictatures imposent aux accusés. Il n’y a rien d’aussi cruel et indigne dans la vie sociale ou dans la vie politique que contraindre des innocents à s’accuser de crimes qu’ils n’ont pas commis.

C’est dans la nuit du 18 au 19 juillet 1976, que Diallo Telli réveillé en sursaut à son domicile sera arrêté par le commandant du Camp Boiro l’impitoyable Siaka Touré, neveu du président Sékou Touré. Quelques jours plus tard, Sékou Touré proclamera spectaculairement la découverte d’un complot Peul contre la sûreté de l’Etat.

Dès son arrestation, Diallo Telli est soumis à des interrogatoires intensifs, à des séances de torture et à des privations prolongées d’eau et de nourriture. Il occupe la cellule n0 54 du camp Boiro dans la chaleur moite d’une température avoisinant les 45 degrés. La privation d’eau et de nourriture ne tarde pas à faire son effet.

Dans ce genre de cas les médecins nous disent que les symptômes sont inéluctables et terribles pour le corps humain. Surtout pour Diallo Telli était un homme déjà malade à l’époque des faits. La pression sanguine diminue, le pouls ralenti, la peau devient sèche, la gorge se dessèche, le blanc des yeux devient rouge, les mains et les pieds tremblent. Au petit matin du 1er mars 1976, Diallo Telli rend l’âme.

Son corps ne sera même pas rendu à sa famille et sera enseveli le même jour au cimetière de Caporo dans la banlieue de Conakry, sans aucune cérémonie religieuse. C’est l’une des pages sombres de l’histoire de la Guinée.

VII – La palme de la cruauté et du cynisme

A) – Si on devait dénoncer la méthode la plus barbare et la plus cruelle en matière de crime politique, la palme reviendrait sans l’ombre d’une hésitation au Zaïre de Mobutu. L’assassinat de Pierre Mulélé, reste une des taches les plus sombres de l’histoire de l’ancien Zaïre et de cette idéologie criminelle que fut le Mobutisme.

En 1968 Mobutu proclame l’amnistie et demande à tous les opposants et exilés de rejoindre la République qui a besoin de tous ses enfants pour affronter les grands défis du développement et la construction d’une nation prospère pour tous.

Il y a toujours dans la vie politique des hommes suffisamment naïfs pour croire à ces genres de boniments. Exactement comme le poisson qui voit le vers de terre au bout de la ligne sans voir le piège qui mettra fin à sa vie. C’est cela qui justifie que depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, même les enfants de 10 ans savent aujourd’hui que toutes les espèces de poissons ne se méfient pas des appâts.

Le 13 septembre 1968, alors que la guérilla est depuis longtemps vaincue. Pierre Mulélé, ancien ministre de l’éducation nationale du président du mouvement national congolais notre frère le défunt premier ministre Patrice Lumumba arrive à Brazzaville avec sa compagne Léonie Abo et trois autres compagnons. Ils se mettent sous la protection du président Congolais notre frère le Commandant de bataillon parachutiste Marien Ngouabi.

Des négociations sont engagées pour son retour. Le ministre Zaïrois des affaires étrangères, Justin-Marie Bomboko Lukumba, arrive à Brazzaville le 28 septembre 1968 et déclare à la radio << l’amnistie générale décrétée à Kinshasa par le Général Mobutu est valable pour tous. Nous accueillons donc M. Mulélé en frère. Il travaillera avec nous pour la libération totale de notre pays. >>

Quelle belle promesse et quel beau message venant d’une dictature ? Mulélé, malgré les avertissements de ses proches et les conseils des lumumbistes qui lui répètent que Mobutu va le tuer prend le risque de traverser le fleuve, parce que Mobutu a donné sa parole d’honneur.

Quelle est la valeur de la parole de l’homme qui avait livré hier encore Patrice Lumumba aux sécessionnistes Katangais ? N’est-il pas plus sûr de croire à la parole du diable qu’à celle de Mobutu ?

Mulélé est accueilli en grande pompe à Kinshasa. Le général Bobozo, celui qui avait naguère veillé sur Lumumba à Thysville aujourd’hui Mbanza-Ngungu, donne une réception en son honneur. Le soir, il se rend à la résidence de Bomboko, où il passe la nuit. Ses proches, ses fidèles viennent féliciter l’ex- rebelle, tout en lui conseillant d’être sur ses gardes.

Le 2 octobre 1968 à 17 heures, on vient annoncer à Pierre Mulélé que la population l’attend au stade Tata Raphaël et se prépare à le saluer comme un des compagnons de Patrice Lumumba. Ce sera son dernier voyage. Pierre Mulélé, sa compagne Abo, son ami Théodore Bengila, prennent place dans la voiture mise à leur disposition par leur hôte, Justin-Marie Bomboko.

Ils seront conduits au camp militaire Kokolo. Mulélé et Bengila vont être assassinés dans la nuit du 2 octobre 1968. La cruauté et la bestialité avec lesquelles Mulélé et ses compagnons d’infortune vont être mis à mort couvriront à jamais d’ignominie et de honte le régime mobutiste qui a ordonné une telle sauvagerie.

Avant de Mourir, Pierre Mulélé, connaîtra des souffrances extrêmes, raconte Justin Marie Bomboko dans le livre de Ludo Martens : << alors qu’il était vivant, ses bourreaux lui arrachent les oreilles, lui coupent le nez, retirent ses yeux de leurs orbites. Ils lui arrachent les organes génitaux. Alors qu’il est toujours vivant, ils lui amputent les bras et les jambes. Les restes de son corps seront ensuite jetés dans un sac et immergés dans le fleuve Congo. Théodore Bengila a subi le même sort >>.

Ces meurtres cruels illustrent toute la bestialité du président Mobutu et de son régime. Le devoir de mémoire nous impose de revisiter ces témoignages insoutenables pour que les mobutistes d’aujourd’hui sachent que l’Afrique entière se souvient encore de l’horreur qui se dégage aujourd’hui même de la mise à mort cruelle et sadique de Pierre Mulélé.

B) – En Côte d’Ivoire, Houphouët est beaucoup plus subtile que cela, c’est d’ailleurs une différence de taille entre les deux hommes. Les 4000 morts du guébié dans le centre ouest de la Côte d’Ivoire, la répression barbare des irrédentistes du sanwi dans le sud Est de la Côte d’Ivoire, prouvent que les méthodes peuvent changer, mais le résultat est le même car toutes les dictatures sont liberticides et méprisent l’être humain dont ils veulent assurer le bonheur, sur ce point Houphouët et Mobutu sont des semblables.

Trois anciens ministres d’Houphouët-Boigny, qui veulent garder l’anonymat dans ce pays en recomposition qu’est la côte d’ivoire, nous ont livré il y a trois ans à Genève et à Paris où ils étaient de passage des témoignages hallucinants sur des méthodes discrètes pour tuer un adversaire politique sans recourir au meurtre.

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En 1956, à la veille de la loi cadre, Félix Houphouët-Boigny, au nom de l’unité nationale invite les autres partis politiques à rejoindre le PDCI-RDA, ainsi le MSA (le mouvement socialiste Africain) le PPCI, (le parti progressiste de Côte d’Ivoire) EICI, l’entente des indépendants de Côte d’Ivoire) UICI, l’union des indépendants de Côte d’Ivoire) et le BDE, (le bloc démocratique éburnéen) rejoignent le PDCI-RDA.

Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire ne le dit pas assez, mais c’est tout à fait en son honneur d’avoir réussi l’unité par absorption des autres formations politiques du pays dans un grand parti de masse. Le parti unique s’il respecte la diversité du pays et oriente son travail dans le sens d’un vrai dialogue national utile pour construire une nation dans l’union la discipline et le travail en commun aurait éviter à la Côte d’Ivoire les germes de la crise sans fin que connaît ce malheureux pays actuellement.

L’Etat houphouëtiste, aurait pu être un immense creuset pour l’unité des ivoiriens. Cela pouvait se faire au sein du parti, de créer et d’entretenir chez l’ivoirien le sentiment d’appartenance a une entité territoriale commune afin qu’il soit habité par le sentiment que les autres hommes et femmes qui ne sont ni de sa famille, ni de sa tribu, mais qui partagent avec lui le même destin, sont ses frères et sœurs.

L’Ivoirité

Au lieu de cela, c’est au sommet du PDCI-RDA et dans les rangs de la section ivoirienne du Rassemblement démocratique africain que l’ivoirité est née, pour achever la déconfiture de la Côte d’Ivoire. Celui qui écrit ces lignes qui fut un témoin anonyme de l’indépendance de ce malheureux pays éprouve aujourd’hui encore une immense honte en pensant à ce maudit concept que fut l’ivoirité et sa responsabilité dans la faillite d’un de nos Etats nations d’Afrique, issu de l’occupation coloniale.

Certains transfuges des partis cités plus hauts et certains militants du PDCI-RDA, furent appelés au gouvernement présidé par Félix Houphouët-Boigny, après la fusion librement consentie dans le parti émancipateur et fédérateur qu’était le PDCI-RDA. Certains ont été des victimes du faux complot de 1959 et de 1963. Certains sont restés au gouvernement en croyant avoir la confiance d’Houphouët-Boigny.

Ils avaient été informés par les services de la présidence qu’un compte bancaire était disponible, à leurs intentions auprès d’une banque de la place et qu’ils devaient s’y rendre pour les formalités d’usage. La banque les informa qu’elle était à leur disposition pour tous les retraits nécessaires à leurs installations et à leurs besoins personnels.

Comme dans la vie ici bas il y a toujours des gens pour croire comme les poissons que le verre de terre qui est au bout de la ligne, est à manger gratuitement ils s’y engouffrèrent dans la brèche. Achetant voitures, maisons, envoyant leurs enfants étudier en Europe, alignant et entretenant aussi des maîtresses sans parler des petites filles, modèles portables et démontables dont nos hommes politiques africains sont si friands.

Cela peut durer trois, quatre ou cinq ans. Et puis un beau matin l’ancien transfuge qui se croyait bien intégré dans la hiérarchie du parti Etat et du gouvernement se retrouve à la porte. Le trésor public continue de lui payer son salaire pendant 6 mois. Entre temps il reçoit une mise en demeure de la banque qui depuis des années était muette, l’invitant à payer les retraits effectués sur le compte dont-il est le titulaire.

Trois mois après son éviction du gouvernement, il a le feu aux fesses car les huissiers sont à ses trousses, ils ont en mains des avis de saisis du tribunal pour dettes impayées. L’ancien ministre cherche alors à rencontrer le président. Mais tous ses collaborateurs lui disent que le président est occupé et n’a pas le temps pour lui.

Son cas est un problème privé entre une banque et son client et on ne doit pas déranger le président pour des choses aussi sordides. Le président est injoignable et le plus humiliant c’est surtout les français collaborateurs du président, qui travaillent au palais présidentiel du pays, qui sont chargés de le recevoir pour lui infliger cette ultime humiliation qui survient comme une estocade. C’est-à-dire la mise à mort du taureau par le matador dans une arène tauromachique.

La grande différence est que dans l’arène de la corrida, le matador se présente lui-même face au taureau et ne laisse pas le sale boulot à ses sherpas et autres mercenaires de la coopération humiliante issues de la relation paternaliste et incestueuse qu’on entretien avec l’ancien occupant dont le but est l’instauration d’un régime de démission nationale dans nos pays africains.
Le président Félix Houphouët-Boigny, avait dit un jour en plein conseil national que certains ministres impliqués dans des surfacturations, avaient été écartés du gouvernement, trois mois après on les voyait vendre les quelques petites villas qu’ils avaient.

C’est de cette situation dont-il faisait allusion. Certains anciens ministres étaient devenus tellement pauvres qu’ils prenaient le bus avec le commun des ivoiriens. Cette façon de faire est plus que cruelle et relève d’une méchanceté politique et d’un cynisme digne des observations de Nicolas Machiavel à la cour du prince Laurent II de Médicis à Florence dans la période de la renaissance italienne.

VIII – Postulat de conclusion

Pourquoi le crime, la combine mafieuse, les faux complots, le tribalisme, la corruption et la prédation, sont si enracinés dans la vie politique de nos malheureux pays africains ? Vaste question qui débouche souvent sur une seule tentative de réponse.

Nous avons donné trop de place au crime, au mensonge, à l’ethnisme et à la vénalité. Les leçons qui se dégagent de notre histoire commune ont donc valeur de démonstration acquise. Tuer pour gouverner se termine toujours mal. Qu’en est-il de Samuel Doe, l’homme qui avec ses compagnons, après avoir tué le président William Tolbert dans son lit, avaient cru bon de l’éventrer et de défenestrer son corps au petit matin du 12 avril 1980.

Cette image des membres du gouvernement libériens, dénudés, traînés dans les rues et fusillés en public sur la plage de Monrovia sonne aujourd’hui encore comme une malédiction, qui fait du crime le moyen le plus simple de régler nos problèmes de gouvernance.

Le premier président Togolais, Sylvanus Olympio fut assassiné, le 13 janvier 1963, par un sergent qui a revendiqué lui-même le crime sous le couvert d’une mutinerie. L’impunité fut totale pour le coupable qui fonda une dynastie au sommet de l’Etat Togolais.

Joseph Thomas Mboya, plus connu sous le nom de Tom Mboya, ministre de la planification économique et du développement du Kenya fut assassiné le 5 juillet 1969, peu avant 13 heures à sa sortie de la Pharmacie channi sur l’avenue Moi, à Nairobi capitale du Kenya. Cependant ni le procès bâclé et la pendaison dans le plus grand secret du coupable de la version officielle de l’assassinat, n’ont fait jusqu’à ce jour l’objet d’une enquête sérieuse.

Notre frère le capitaine Para commando, Isidore Noël Thomas Sankara et ses collaborateurs furent tués, à la grenade et à la kalachnikov par une soldatesque ethno politique, le 15 octobre 1987 à Ouagadougou, sans qu’aucune enquête ne soit menée pour déterminer les circonstances de leurs morts. Les assassins circulent librement aujourd’hui encore, ils sont vivants et bien joufflus et se prélassent dans une impunité totale au sommet d’un pays mis au pas par les armes et la combine mafieuse.

Le 13 avril 1964, Félix Houphouët-Boigny, informe la nation qu’Ernest Boka, président de la Cour suprême de Côte d’Ivoire s’est suicidé dans la nuit du 5 au 6 avril dans la prison concentrationnaire de Yamoussoukro Assabou.
Il s’est donné la mort en utilisant le pantalon de son pyjama pour se pendre au tuyau de la douche. Puis il donnât lecture de la lettre de confession d’Ernest BOKA. Confession dans laquelle le défunt s’accuse de malversations, de militantisme communiste, d’être une pourriture et une ordure. Plus le mensonge est gros, plus il passe.

La leçon à retenir est qu’il ne faut rien attendre de positifs de la part d’un homme politique qui a recours à des méthodes aussi sordides et crapuleuses pour régler les affaires d’Etat. Un cercueil plombé et un détachement militaire accompagnèrent les restes mortuaires d’Ernest Boka dans son village à Grand-Morié dans la région d’Agboville. Nous parlons ici de faits réels et non d’un roman.

Bien sûr on trouvera aujourd’hui des nostalgiques de l’houphouëtisme et des petits braillards pour dire que c’est du passé. Justement le passé ne passe pas tant que les mêmes causes visibles et palpables s’additionnent devant nous pour répéter le passé qui nous poursuit comme une malédiction pour achever la noyade collective de l’Etat nation dont nous sommes les fils.

C’est justement pour réparer cette injustice criminelle que le président Henri Konan Bédié, édifia durant son règne un mausolée à Grand-Morié, pour donner une sépulture décente à ce grand serviteur de l’Etat de Côte d’Ivoire, que le régime d’Houphouët-Boigny, avait torturé, humilié et calomnié jusque dans la mort.

Ephémère, tout est éphémère ici bas. Nos parents malinkés disent souvent que plus tu grimpes haut, plus le risque de ta chute devient plus grand. C’est pourquoi il est bon aujourd’hui en Afrique, que tout ceux qui préparent et organisent les faux complots et des crimes d’Etat, se souviennent du sort et de la fin de vie que l’histoire réserva à Grégoire Philippe Yacé, le 29 novembre 1998 dans une clinique d’Abidjan.

L’homme tout puissant qui fut en Côte d’Ivoire le commissaire du gouvernement auprès du tribunal d’exception qui condamna les innocents du faux complot de 1963, avait fini son existence dans l’isolement, l’indifférence et la maladie.

Faut-il rappeler ici le sort tragique de Siaka Touré, l’ancien commandant du camp Boiro de Conakry qui fut fusillé par le nouveau régime de Lansana Conté. Ne parlons même pas de l’exécution sans procès d’Ismaël Touré, le président du tribunal révolutionnaire de Guinée, qui condamna tant de personnes à la mort.

Tous ceux qui préparent des faux complots et des assassinats crapuleux pour régler des comptes ethno politiques doivent savoir à l’avance qu’on ne sort jamais indemne d’une confrontation aussi indigne avec le diable, la mort, le crime et le sang des innocents.

Nicolas Machiavel, dans sa dédicace du Prince à Laurent II de Médicis, que nous évoquions plus haut, résume mieux dans ce sens notre propos :
<< Il ne faut pas que l’on m’impute à présomption, moi un homme de basse condition, d’oser donner des règles de conduite à ceux qui gouvernent. Mais comme ceux qui ont à considérer des montagnes se placent dans la plaine, et sur les lieux élevés lorsqu’ils veulent considérer une plaine, de même, je pense qu’il faut être prince pour bien connaître la nature et le caractère du peuple, et être du peuple pour bien connaître les princes. >>

Telles sont les réflexions que nous inspirent, la cruauté, le crime et le sang dans la vie politique africaine à une époque ou des Républiques inachevées et avariées, incapables de payer les salaires des fonctionnaires à la fin du mois, cherchent par la coercition, le mensonge et la bassesse à prétexter pour tuer et plaire ainsi au maître du jour. Exactement comme le chien qui, se roule dans la poussière pour recevoir une caresse de son maître.
Merci de votre aimable attention.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication
Lugano (Suisse)
Tel. 004179.246.53.53 Mail. nzinicolas@yahoo.fr

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