Sorti du pays peu avant le 11 avril 2011 et devenu « wanted » en côte d’Ivoire, pour avoir soutenu le régime du président déchu, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, qui a renoué avec ses habitudes « fescistes » reste toujours introuvable. Et là où les services secrets ivoiriens, africains, voire français ont du mal à le localiser, malgré toutes les menaces d’extradition suite au mandat d’arrêt international lancé contre lui par la justice ivoirienne, c’est un Charles Blé Goudé, rayonnant, décontracté, costume bleu ciel et cravate aux rayures rouges et assis dans un jardin, devant un arbre du voyageur, qui est apparu dans une vidéo présentée au cours d’un rassemblement des Ivoiriens d’Europe. C’était à Paris, le 16 juillet 2011.
« Je salue la mobilisation du 2 juillet à Paris (…) Nous avons vu les images et cela nous a fait chaud au cœur. Je n’étais pas ici avec vous. J’étais en brousse, là où vous savez », lance sans détour, Patrice Kouté, le responsable de la branche européenne du congrès panafricain des jeunes et des patriotes (Cojep), présidé par Charles Blé Goudé et membre de la galaxie patriotique, fer de lance de la mobilisation dans les milieux étudiants en Côte d’Ivoire pendant la crise post-électorale. Et comme si cela ne suffisait pas, Patrice Kouté dévoilera, peu après la projection, l’identité de celle-là même qui aurait goupillé toutes les interventions du leader des jeunes patriotes dans la presse internationale récemment.
« En Côte d’Ivoire, le pouvoir actuel essaie de museler tout ce qui est opposant. Nous avons décidé de donner de la voix. Nous avons commencé avec le site du cojep, dans Jeune Afrique et sur Rfi. Aujourd’hui, c’est un élément audiovisuel. Il faut que les Ivoiriens, les africains, le monde entier sache comment vit le leader et là où il est (…) » a-t-il ajouté, répondant à la presse sur l’opportunité de ce message vidéo.
Pub médiatique ou stratégie de communication, là où les médias occidentaux ont décidé de boycotter Charles Blé Goudé, depuis la chute du président Gbagbo, mais aussi là où tous les services secrets sont mis à contribution pour le dénicher par tous les moyens ?
En tout cas, si la qualité des images de cette vidéo est loin d’un projet de professionnel en audiovisuel, la foule venue nombreuse ce jour voir le n°1 de la mobilisation en Côte d’Ivoire est repartie satisfaite :
« C’est un message d’espoir que nous venons d’écouter. Cela nous requinque davantage et nous sommes heureux que notre chef est en vie et n’a pas perdu un seul ride ni verbe » nous ont confié la quasi-totalité des personnes présentes à ce rassemblement.
Avant la projection, le Cojep Europe, en collaboration avec tous les mouvements de résistances sur la place parisienne ont organisé une conférence débat sur « le nouvel ordre mondial et la problématique des états africains : les cas de la Côte d’Ivoire et de la Lybie ».
Traité par d’imminents intellectuels africains et français dont Michel Galy (science po), Calixte Beyala (écrivaine panafricaine engagée) et Alain Toussaint (journaliste, Conseiller de Gbagbo), le sujet aurait aussi retenu l’attention du président du cojep, depuis son exil au moment de l’enregistrement de ce message vidéo autour du 9 juillet, selon les responsables du Cojep-Europe.
(…)Si le professeur de science politique, Michel Galy, a qualifié de « coup porté aux indépendances », les interventions militaires en Lybie et en Côte d’Ivoire, devant le printemps arabe qui est en cours et bientôt le printemps africain, Calixte Beyala, elle saluera d’entrée, la résistance de la diaspora ivoirienne depuis l’arrestation de l’ex-président Laurent Gbagbo, avant de donner la source de son engagement aux côtés de cette résistance :
« Après la chute de Gbagbo, un jour je lisais un édito de mon ami Béchir Ben Yamine dans Jeune Afrique. Un édito si violent contre Laurent Gbagbo…Il achevait : S’il y avait un seul être humain sur terre capable de défendre Laurent Gbagbo, alors qu’il écrive (…) Il était 5heures du matin ; il fallait que j’aille me coucher. Je montai l’escalier, allumai mon ordinateur et j’écrivis : Laurent Gbagbo n’est pas seul », explique-t-elle non sans provoquer l’émotion dans la salle qui entonnait « bravo Calixte, Calixte, Calixte, Calixte ! »
Dans cet article qui abordait la question de la souveraineté, dira-t-elle « il m’a paru incongru et hors sens que l’on bafoue le conseil constitutionnel d’un pays ». Après 20 minutes d’exposé, Calixte, émue et en colère s’est levé de son siège et a invité la jeunesse africaine à aller au-delà du nationalisme pour atteindre le panafricanisme. Aussi c’est devant une salle bondée, qu’elle demandera pardon publiquement aux ivoiriens « pour tout le mal que mon pays la France, a commis chez vous ».
« Je ne paie pas mes impôts pour que mon pays aille bombarder des civils en Afrique » a-t-elle martelé avant d’inviter tous les africains binationaux comme elle à la rejoindre dans le « Mouvement des Africains-Français » qu’elle dirige.
Selon la française d’origine Camerounaise, il y a 10 millions d’africains français, mais inorganisés. « L’UMP et le PS revendiquent ensemble 400 000 adhérents. Avec 1 million d’adhérents, nous devenons le premier parti de France ».
Enfin, celle qui veut désormais porter la voix de l’Afrique dans les médias occidentaux mais aussi dans les urnes en 2012 en France estime que c’est par cette unique façon que la France rendra les clés de prison de l’Afrique qu’elle garde depuis les indépendances octroyées : « les clés de la prison de Laurent Gbagbo ne sont pas à Abidjan, ni à Korhogo, mais à Paris…Nous allons leur demander de nous rendre ces clés et cela avec nos bulletins de votes ici même en France ».
Quant à Toussaint Alain, il dénoncera « la croisade pour la démocratie entre guillemets sur des territoires qui sont convoités depuis des décennies au moment où les ressources se raréfient en Europe, avec la crise financière en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal et la récession économique en France ». Avant de révéler « comment en moins de trois mois, l’actuel pouvoir ivoirien aurait emprunté auprès de la France, 2300 milliards de Fcfa…des engagements de souveraineté pour payer les salaires alors que depuis une décennie le président Gbagbo avait compté sur les ressources internes ».
Enfin, parlant du prétexte de la question sécuritaire avancée par la France pour justifier sa présence militaire en Côte d’Ivoire, le Conseiller de Gbagbo dévoilera le projet « Africom » des américains dans le monde.
Pour lui, si l’axe Washington-Londres-Paris est devenu fluide depuis un moment sur les questions africaines, c’est aussi parce que là où la France veut s’appuyer sur l’ONU pour ses « sales besognes » en Afrique, les américains en retour auraient besoin de la contribution de l’ancienne métropole des 14 pays africains francophones, pour voir leur projet de lutte contre la nébuleuse Al-Quaïda au Maghreb islamique (AQMI), se réaliser. « Des négociations sont en cours pour l’installation d’une base militaire américaine en Côte d’Ivoire, après l’Allemagne et l’Afrique australe » a-t-il informé.
Cette information aurait-elle un lien avec le prochain voyage du président Alassane Ouattara aux USA, après sa rencontre avec le gotha occidental au sommet de Deauville au mois de mai dernier ?
En tout cas, si cette énième mobilisation des ivoiriens pro-Gbagbo à Paris et cette fois-ci, initiée par un mouvement proche du leader des jeunes patriotes a beaucoup instruit, par la qualité des échanges, elle aura marqué aussi le réveil, d’une organisation (Cojep-Europe), longtemps endormie.
Philippe Kouhon, journaliste indépendant
Philippe.kouhon@gmail.com
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