Disparues du paysage abidjanais pour non paiement de leurs soldes, les balayeuses sont réapparues dans les rues d`Abidjan, à la faveur du changement de régime. L`on croyait que cette fois-ci allait être la bonne, car le nouveau régime a fait de la bonne gouvernance son cheval de bataille. Mais, hélas ! Les vielles traditions, dit-on, ont la peau dure. Bon nombre de ces balayeuses travaillent sans percevoir de sou. Une bombe à retardement encore pour cette Côte d`Ivoire qui sort meurtrie d`une grave crise. Après trois mois sans salaire, dame Maïga a décidé de laisser tomber son boulot. Aujourd`hui (NDRL mardi 19 juillet 2011) est donc son dernier jour sur le tronçon pharmacie de Kaïra- pharmacie du canal, à Koumassi Remblais. Les usagers de cette voie ne verront plus sa silhouette en train de balayer chaque matin la voirie avec une de ses collègues. « La patronne a décidé de nous payer demain (NDRL le 20 juillet). Si ce n`est pas le cas, je laisse tomber. Je retourne à mon ancienne commerce », nous indique-t-elle.
Vendeuse de savon de fabrication artisanale «kabakourou », dame Maïga confie avoir vu en ce job de balayeuse de rue, une occasion de se faire rapidement de l`argent. L`offre était alléchante. « On nous a proposé 2000F la journée.
C`était intéressant. J`ai laissé mon commerce pour m`engager. Mais depuis que nous avons commencé à travailler, nous ne sommes pas encore payées. Chaque mois, la patronne nous fait savoir que l`argent n`est pas encore disponible. Pendant ce temps, je suis obligée de m`endetter pour subvenir aux besoins de mes enfants », relate-t-elle, en larmes. La balayeuse affirme avoir été embauchée par une certaine dame du nom de Tina, responsable de l`ONG « watch my world ». Les agents de cette structure sont reconnaissables par leurs tenues de travail à la couleur orange, estampillées du slogan « watch my world » en blanc. Chaque matin, ils balaient les rues et nettoient les caniveaux avec abnégation. Pourtant, depuis un bon moment, c`est la grogne en leur sein. Et pour cause, ils travaillent sans percevoir de salaire. Encadreur d`une équipe de balayeuses, K J ne dit pas autre chose. «Nous avons commencé le travail le 14 avril 2011. Nous avons même ramassé des cadavres dans la rue. Il était prévu que nous ayons nos trois mois de paie le 20 juin dernier. Mais la date n`a pas été respectée. La patronne a promis nous payer le 20 juillet. Mais aux dernières nouvelles, nous avons appris que cette échéance ne sera pas encore respectée car l`argent, dit-on, n`est pas disponible », dénonce-t-il. Lasses de ne rien percevoir, les femmes, ajoute-t-il, ont prévu de manifester si les responsables ne respectaient pas leurs engagements. Travaillant au Plateau, toujours pour le compte de la même structure, Ouattara Fanta n`est pas mieux lotie. Elle aussi travaille depuis trois mois, sans salaire. « Au début, il était prévu qu`on recevra 2000 F par jour. Après, on nous a demandé de travailler trois mois d`abord et qu`on allait recevoir les trois mois de salaire ensemble. Et ensuite, qu`on allait être payées régulièrement chaque mois.
Mais on n`a encore rien reçu », nous indique-t-elle, non sans ajouter qu`elle et plusieurs collègues comptent abandonner le job après leur paie.
La confusion totale
Voulant connaître les raison de ce long retard dans le paiement des agents, nous avons joint au téléphone dame Tina. Mais elle sest refusée à tout commentaire. « Je ne suis pas la responsable, voyez cela avec nos patrons », nous a-t-elle répondu. A la question de savoir si elle pouvait nous donner le contact d`un des responsables, elle a répondu ne pas en avoir, avant de nous raccrocher au nez, prétextant être occupée. Au ministère de la salubrité, on affirme ne pas être concerné par la situation. « En principe, ce sont les mairies et les districts qui donnent le marché à des structures qu`elles choisissent. Mais au lendemain de la crise électorale, certaines ONG, qui ont indiqué faire du bénévolat, sont apparues dans les rues.
Aujourd`hui, elles demandent à être intégrées. Mais, cela pose un problème, car les maries qui donnent le marché disent quelles (ONG) n ont pas les compétences requises. Nous en sommes donc à cette situation de confusion », expliqué M Azoumana Bamba, conseiller technique de la ministre Anne Désirée Ouloto. Du côté des mairies, on reconnaît le travail de bénévolat effectué par des ONG pour rendre les rue d`Abidjan propres. Certaines structures ayant par la suite négocié avec l`Etat ou avec des collectivités décentralisées pour avoir des conventions. Pour autant, les choses, indique le maire de Treichville, François Albert
Amichia, par ailleurs président de l`Union des Villes et Communes de Côte d`Ivoire (UVICOCI) ne peuvent pas continuer ainsi. « Nous avons un cadre juridique et institutionnel.
Les choses ne peuvent se faire de cette manière. Au bout d`un moment, le personnel s`est trouvé confronté à un non paiement de salaire, parce que les promoteurs ont été obligés de préfinancer eux-mêmes les activités. Mais il fallait que l`Etat ou les collectivités prennent le relais. Nous en avons discuté à l`atelier de Grand-Bassam sur la gestion des ordures. Ils ont
fait du bon travail dans l`urgence. Mais nous allons maintenant renégocier les termes du contrat. Nous allons voir comment, dans le cadre du programme présidentiel d`urgence, quelque chose peut être dégagée pour les payer. Après on verra avec le PUIR, le ministre de la salubrité et l`UVICOCI ce qui peut être fait pour rendre nos villes propres », explique François Amichia, non sans préciser que la priorité pour les maires est d`employer les jeunes de leurs communes pour faire la pré collecte des ordures. « Si avec les ONG, nous arrivons à une entente dans ce cadre là, il n`y aura pas de problème », conclu-t-il. Comme quoi le
problème reste entier.
Dao Maïmouna
Le Patriote
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