Par Dr Dieth Alexis. Vienne. Autriche
Mamadou Koulibaly est un libéral. Ce n’est pas un socialiste comme en témoigne l’aveu de taille révélé par l’interview accordée à l’équipe d’UnMondeLibre.org. Il y déclare ceci : « Nous travaillons à promouvoir le libéralisme c’est à dire les libertés et les droits des individus, l’économie de marché, l’entreprise privée, la propriété privée sur le fondement d’un état de droit sachant que les libertés ne peuvent s’exprimer et s’accroître qu’à travers un cadre institutionnel adapté. » Cet engagement clairement libéral s’appuie sur des convictions. Mamadou Koulibaly croit que le libéralisme est une force de progrès et d’émancipation des individus et des peuples. Il soutient que « les pays les plus avancés sont ceux qui font la promotion de ces valeurs et de ces principes ». Et le lecteur étonné apprend au détour de cette surprenante interview que Mamadou Koulibaly, ex n°2 du FPI, parti socialiste, était depuis l’année dernière et probablement bien avant la crise post-électorale le créateur du think-tank libéral, Audace Institut Afrique laboratoire des idées et du programme libéral qui devait être mis en pratique dans un gouvernement libéral. Mamadou Koulibaly prend le parti de la liberté de l’homme, entrepreneur, propriétaire et créateur de richesses, contre l’Etat interventionniste, planificateur et organisateur de l’économie. Il défend la propriété privée, l’entreprise privée et l’économie de marché, contre la propriété collective, la nationalisation de l’économie sous la tutelle d’un Etat entrepreneur. Il prône la responsabilité de l’individu contre la dissolution de l’individu et la négation de la responsabilité personnelle dans une société globale, holiste et un régime politique étatique. Or Mamadou Koulibaly, l’universitaire et le théoricien de l’économie, qui proclame cette déclaration d’intention libérale que son précédent engagement irréductible dans un parti d’obédience socialiste, ethniciste et antilibéral, semble pourtant démentir, fait face à un praticien de l’économie libérale qui a fait ses armes et ses preuves au FMI et conduit concrètement en Côte d’Ivoire une politique libérale qui aux dires des spécialistes, selon les critères d’appréciation libéraux, a été plutôt couronnée de succès.
Le libéralisme de Mamadou Koulibaly se veut-il donc plus authentique que le libéralisme de Ouattara? S’il se veut plus authentique c’est qu’il intègre la concurrence et la recherche du profit maximum, aiguillons de l’éclosion des talents individuels qui conduisent aux inégalités et aux clivages sociaux. Comment pourra-t-il alors concilier la liberté et l’égalité dans un libéralisme authentique ? Devant cette déclaration et ce virage à 90 degré de l’ancien n°2 du FPI, à la réputation de puriste, dans un parti qui s’affichait comme socialiste et nationaliste, le lecteur décontenancé ne manque pas de se poser des questions. Le FPI n’était-il qu’une coquille vide et une machine à produire des faussetés qui a servi des illusions aux Ivoiriens tout au long de sa magistrature catastrophique ? Le socialisme proclamé de manière tonitruante était-il autre chose qu’un masque populiste dissimulant un libéralisme de droite inavoué et une extrême droite ethniciste et xénophobe décomplexée responsable de la catastrophe dont la Côte d’Ivoire essaie péniblement de se relever ? La position de Mamadou Koulibaly, qui se proclame désormais ouvertement libéral, ne manque pas d’étonner d’autant plus que la propagande politique du FPI a été centrée sur la dénonciation du capitalisme impérialiste et colonialiste et du libéralisme dominateur et oppresseur. Le socialisme du FPI dissimulait-il un libéralisme de gauche, libérateur, si l’on peut oser cette expression pour tenter de rendre intelligible la conversion libérale surprenante du n° 2 d’un parti qui portait son gauchisme tonitruant comme une cocarde et qui se voulait le pourfendeur du libéralisme ? Mamadou Koulibaly suit-il l’air du temps à l’heure de l’échec des socialismes, du repli de l’Etat et de la conversion des socialismes à l’économie de marché? Propose-t-il aux Ivoiriens un libéralisme qui serait libérateur et autonomisant parce qu’il pense que le libéralisme de Alassane Dramane Ouattara est un libéralisme inauthentique et aliénant ? Ayant depuis toujours récusé l’ethnicisme du FPI et s’étant maintenant détaché de l’emprise de l’extrême droite ethniciste et xénophobe du FPI, Mamadou Koulibaly veut-il tout simplement renouveler le projet socialiste du FPI en tentant une audacieuse synthèse de l’égalité et la liberté sous la forme d’une social-démocratie ivoirienne ? Un libéralisme de gauche semblerait donc être une gageure à tenir qui permettrait de réaliser la synthèse harmonieuse de la liberté et de l’égalité. La crise de la social-démocratie atteste cependant de la difficulté de réaliser cette troisième voie. Doit-on penser que Mamadou Koulibaly se propose de relever ce défi en Côte d’Ivoire ? Cette question est d’autant plus pertinente que la position de Mamadou Koulibaly qui crée un deuxième parti libéral dans le paysage politique qui en compte déjà un, en l’occurrence le parti au pouvoir, est anachronique. Quel intérêt y-a-t-il à créer un parti d’opposition libéral alors que le parti présidentiel est déjà un parti libéral ? La vie démocratique repose sur la confrontation des projets de société et des programmes, des valeurs, sur la critique du gouvernement et sur le contrôle du pouvoir par une opposition vigilante. Un parti d’opposition ne se vide-t-il pas de sa substance dès lors qu’il s’annonce comme étant, quant au programme et au projet de société, l’alter ego du parti au pouvoir ? Faut-il alors supposer qu’en proposant un programme et un projet de société libéral, centré sur la promotion de la liberté individuelle et collective et sur le bien-être et l’autonomie de l’Ivoirien, Mamadou Koulibaly dénie à Ouattara l’obédience libérale ? Ou rejoue-t-il sur un autre air l’antienne mensongère, éculée et dissonante du FPI, en proposant au peuple ivoirien un libéralisme national endogène contre un libéralisme exogène, extraverti, téléguidé par l’étranger et par les multinationales du capitalisme international ?
Dr Dieth Alexis
Vienne. Autriche : alexis.dieth@free.fr
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