‘’ Avec les erreurs tactiques et politiques que nous avions accumulées, il fallait changer de stratégie’’
Parti en mission pour le compte du FPI dans le cadre d’une réunion de l’International Socialiste qui se tenait à Athènes en Grèce, William Ateby SGA chargé des reformes juridiques au Front Populaire Ivoirien, n’a pu regagner sa terre natale du fait de la crise post-électorale. Dans cette interview, l’ami du professeur Koulibaly Mamadou ressasse les valeurs qui incarnent le nouveau président de Liberté et Démocratie pour la République (LIDER). Le dernier né des partis politiques ivoiriens, qui a vu le jour, le lundi 11 juillet 2011.Ilest important de savoir que cette interview a été validée seulement le jour même de l’annonce de Mamadou Koulibaly, et avant celle-ci.
Bonjour Monsieur le député ou ex-député. Comment voulez-vous qu’on vous présente ?
Je pense que ceux qui parlent de l’ex-député plaisantent. Je demeure député comme l’ensemble des élus du parlement ivoirien qui siège depuis les dernières élections législatives de décembre 2000 et janvier 2001.
Mais, pour le nouveau régime vous n’êtes plus député puisque le mandat des élus a pris fin de toutes les façons ?
Il n’appartient pas à un régime de décider quand le mandat des élus prend fin. C’est la Constitution et la loi électorale qui régissent la vie politique, la vie institutionnelle dans un Etat qui décident quand et comment prend fin le mandat des parlementaires. En l’espèce, en Côte d’Ivoire, le mandat des parlementaires prend fin au moment de l’élection, du renouvellement du parlement siégeant. Vous conviendrez avec moi, que les élections parlementaires n’ayant pas pu se faire jusque-là pour des raisons que nous connaissons tous, l’actuel parlement demeure en fonction.
Il se trouve que vous êtes parti d’Abidjan avant la chute de GBAGBO. Pourquoi ?
Pour la simple raison que j’étais en mission pour le compte du FPI. En effet, le Premier Ministre Pascal Affi N’GUESSAN président du FPI m’a désigné pour représenter le parti à une réunion de l’International Socialiste qui se tenait à Athènes en Grèce. J’y étais d’ailleurs avec le ministre Assoa ADOU. Après cette réunion, j’ai marqué une escale à Paris pour rencontrer un certain nombre de responsables des ONG internationales des droits humains. C’est ce que je faisais à Paris, quand la situation s’est du coup gravement détériorée, empêchant mon retour à Abidjan.
Bon, parlons de la Côte d’Ivoire. On vous a connu comme un ami, voire un proche du Président Mamadou KOULIBALY. Lors de la crise dite du concours de police, vous aviez été à ses côtés, mais durant la crise post-électorale alors que lui adoptait le profil bas, vous étiez au devant de la lutte. Qu’est ce qui n’a pas marché entre vous et le président Mamadou KOULIBALY ?
Je suis vraiment un ami, un proche du président Mamadou KOULIBALY et je le suis encore plus aujourd’hui qu’il y a quelques temps. En réalité, je ne crois pas qu’on puisse dire que le Président Mamadou KOULIBALY ait adopté le profil bas durant la campagne et la crise postélectorale. En réalité, il n’était pas très écouté et ses avis et approches n’étaient pas pris en compte. Souvenez-vous que, c’est lui et moi, qui avons animé le premier débat du second tour du candidat Laurent GBAGBO. Le brio avec lequel nous avons réussi cette tâche face aux contradicteurs du RHDP a amené certaines personnes à proposer que le président Mamadou KOULIBALY encadre tous ceux qui iraient à des débats pour le compte de LMP. Des séances de travail devaient donc avoir lieu chez lui, avec tous ceux qui iraient à ces débats télévisés. Malheureusement, alors qu’il attendait chez lui certaines personnes pour les préparer pour le
second débat télévisé, la Direction Nationale de Campagne a estimé qu’une telle tâche n’était pas nécessaire et que le président Mamadou KOULIBALY devait trouver autre chose pour s’occuper. Il en a été ainsi plusieurs fois au cours de la campagne électorale. Pendant la crise post-électorale, il a entrepris des démarches avec le camp Ouattara pour parvenir à un accord et éviter ainsi, la tragédie que nous avons connue. Il a même dans ce cadre rencontré le Président Ouattara en compagnie du député BRISSI. Malheureusement, je crois qu’il n’a pas eu le soutien nécessaire pour que ses initiatives parviennent aux fins souhaitées. A un moment donné, il a estimé qu’un certain discours n’était plus efficace et qu’avec les erreurs tactiques et politiques que nous avions accumulées il fallait changer de stratégie. Vous convenez, qu’il n’y a jamais eu de désaccord entre le président Mamadou KOULIBALY et moi,
pour qu’on se pose la question de savoir qu’est ce qui a ou n’a pas marché entre nous?
Votre nom a été cité dans les incitations à la violence, dans les pillages des domiciles. Qu’avez-vous fait exactement ?
Je pense que ceux qui me citent dans les pillages ne souhaitent qu’une seule chose : me livrer à la vindicte des FRCI. Ils espèrent ainsi par ma mort me voir absent à jamais de l’espace politique ivoirien. C’est le cas notamment du Ministre ADJOUMANI qui, sans aucune preuve, sans aucun indice de quelle que nature que ce soit, veut faire de moi, un des responsables des pillages qu’auraient subis les militants du RHDP. Je voudrais rappeler que quand la presse a révélé que le domicile du Gouverneur AMONDJI membre de la direction du FPI ainsi que ceux des responsables du RHDP ont été pillées, j’ai animé une conférence de presse au siège du FPI, pour condamner ces pillages quels qu’en soient les auteurs et demander aux jeunes se réclamant du FPI, de LMP de s’abstenir de poser tout acte de cette nature.
Croyez-vous que, si les domiciles des pro-Ouattara n’avaient pas été pillés, le vôtre et ceux des pro-Gbagbo l’auraient été ?
Je crois qu’on ne peut pas dire que les pillages dont nous avons été victimes sont la conséquence des pillages qu’auraient subis les pro-Ouattara. Déjà en 2002, au moment de la prise des villes du nord et du centre par les forces nouvelles de l’époque, des domiciles de nombreux citoyens avaient été pillés; aussi bien les politiques que non politiques. Quel responsable du RDR à cette époque-là avait eu son domicile pillé pour que ces pillages apparaissent comme des représailles contre les victimes de l’époque. Au surplus, les pillages qui ont suivi ce tragique 11 Avril n’ont pas concerné que les pro-Gbagbo. Des militants du PDCI ont également vu leurs domiciles pillés. Je crois que les auteurs de ces pillages ont agi comme si les domiciles pillés étaient les butins de guerre et c’est une grande majorité d’Ivoiriens, d’habitants de la Côte d’Ivoire, politiques ou non qui en sont les victimes.
Comment voyez-vous votre avenir et celui du FPI ?
Mon avenir, je le vois radieux tout comme celui du FPI et au-delà celui de la Côte d’Ivoire. Je suis convaincu que la gloire à venir de la Côte d’Ivoire sera dix mille (10 000) fois plus grande que les gloires passées.
Serez-vous encore candidat pour être député à Yopougon ?
Absolument, je serai candidat aux prochaines élections législatives à Yopougon quand elles se tiendront. Certes, la décision définitive de candidature appartient au parti qui désigne les candidats. En ce qui me concerne, je suis prêt et mon équipe de campagne est déjà sur le terrain.
Mamadou KOULIBALY est le Président du FPI par intérim, comment jugez-vous ses initiatives et que pensez-vous de l’absence du FPI au Gouvernement?
Je trouve que le président Mamadou KOULIBALY fait preuve d’un courage exceptionnel, d’une grande capacité d’analyse et de méthode. Je le soutiens avec force et conviction pour tous les actes qu’il a eu à poser jusque là. En fait, je me rends compte qu’il est resté constant méthodiquement et rigoureux depuis Marcoussis et malheureusement cette constance et cette rigueur ont parfois fait défaut à l’ensemble du FPI. L’absence du FPI au gouvernement est la conséquence de cette rigueur, cette constance dans la pertinence de l’analyse politique. Je suis persuadé qu’avec certains actes posés par le président Mamadou KOULIBALY, ceux qui ne le connaissent pas et ceux qui n’avaient pas saisi la pertinence de ses actes qui avaient même annoncé que le président Mamadou KOULIBALY serait entré au gouvernement, se rendent compte qu’ils se sont trompés sur l’homme et j’espère qu’ils se ressaisiront.
La question du sort du Président GBAGBO ne va-t-il pas pousser le parti à refuser de se réorganiser et à se laisser instrumentaliser par le camp Ouattara ?
Je crois qu’il n’en sera pas ainsi. Le Président GBAGBO nous enseignait déjà pour la lutte pour la démocratie en Côte d’Ivoire que : « si l’un des nôtres venait à tomber sur le champs d’honneur, les autres camarades devaient enjamber son corps et continuer le combat » Beaucoup des nôtres sont certes tombés ; et certains autres ,dont le Président du parti Affi N’GUESSAN, le Président fondateur du parti Laurent GBAGBO et d’autres illustres militants sont en prison. Nous devons non seulement pour leur libération, réorganiser le parti, mais aussi, pour faire fasse aux exigences et aux défis actuels. C’est pourquoi, je suis de ceux qui souhaitent la tenue d’un congrès, ou au moins d’une convention pour remettre toutes les structures du parti en ordre de bataille.
Avec le recul, croyez-vous que votre camp aurait pu éviter la défaite dans cette crise ?
Je crois que la défaite de mon camp n’est pas une défaite électorale, mais, une défaite militaire et politique ; et même la défaite militaire est la conséquence de mauvaises décisions politiques. Nous aurions effectivement pu éviter la défaite et la crise qui s’en est suivie, si nous avions été plus rigoureux dans l’analyse et le choix des décisions politiques. Regardez vous-même où nous ont conduit les accords de Ouaga!
Le camp Ouattara reproche aux militants du FPI de rappeler ce qu’ils subissent, de ne penser qu’aux victimes de leur camp et d’oublier ce que les autres ont subi et ce que les pro-Gbagbo ont fait subir. Qu’en pensez-vous ?
Je crois qu’il faut reconnaitre que les ivoiriens de tous les camps ont souffert de cette crise et continuent d’en souffrir. Nous n’aurions jamais dû en tant qu’enfants de ce pays, emprunter le chemin périlleux de la violence qui nous a conduit à de telles tragédies. Mais, comme la réconciliation ; la vraie se nourrit de justice et de vérité, il faut quand même reconnaitre que la tentative de coup d’Etat revendiquée par le MPCI à l’époque par la voix de Soro Guillaume reste le principal point de départ de tout ce que nous avons subi.
En pleine crise électorale, alors que près de deux cent morts (200) avaient été déjà annoncés après la marche sur la RTI, Laurent GBAGBO célébrait et honorait une quarantaine de FDS morts au combat sans aucun mot pour les victimes d’Abobo ou d’ailleurs. Etait-ce juste de la part d’un Etat ?
Je ne me souviens pas exactement des conditions dans lesquelles a eu lieu cet hommage, mais je pense, qu’il aurait fallu si tel n’a pas été le cas, que tous les morts quel que soit leur camp soient honorés afin de conjurer collectivement le mauvais sort.
Il y a encore trop de haine et de sentiments de rejet dans le pays selon des observateurs. Alors avez-vous espoir en la réconciliation entre les Ivoiriens et à l’avenir du FPI ?
Il y a effectivement trop de haine et de rejet et il faut travailler à extirper cette haine du cœur des Ivoiriens. Je crois en l’avenir du FPI et en la réconciliation entre les ivoiriens pour peu que nous excluons définitivement la violence comme mode d’expression politique. Je m’inscris dans cette vision qui exclut la violence et souhaite seulement que le Président Ouattara et son gouvernement créent rapidement les conditions de l’Etat de droit pour que chacun d’entre nous puisse vaquer à ses occupations dans une Côte d’Ivoire paisible et sécurisée.
Réalisée par Charles Kouassi
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