La nouvelle est tombée crue et drue pour certains. Mais, pour bien d`observateurs de la scène politique ivoirienne, il n`y avait aucune surprise. Certes, on ne pouvait pas deviner quand cela arriverait. Mais, on s`attendait plus ou moins déjà au résultat d`hier, la démission du Pr. Mamadou Koulibaly du Front Populaire Ivoirien (FPI). Formation politique au sein de laquelle il aura fait toutes ses classes, pendant au moins deux décennies. Les derniers développement de l`actualité ont, sans doute, précipité la décision de l`éminent agrégé d`Économie, dont pouvait encore se prévaloir l`ex-parti au pouvoir. Mais, à la vérité, il y a longtemps, bien longtemps que l`homme préparait ce jour. Ce jour décisif où il a, enfin, osé franchir le rubicond pour rompre les amarres avec ses anciens camarades de parti. Du moins, ceux qui ne daigneront pas le rejoindre dans sa nouvelle aventure politique à la tête de « Liberté et Démocratie pour la République« (LIDER). Point n`est besoin de le dire, ils sont nombreux qui ne vendaient pas cher la peau de Mamadou Koulibaly, qui s`est illustré, depuis un bon moment, comme un trublion au FPI. Le député de Koumassi passe aux yeux de tous, certes, pour un iconoclaste, mais bien de ses partisans gardent de lui l`image d`un camarade indiscipliné pour ses positions souvent aux antipodes de la ligne directrice arrêtée par sa famille politique. Jusqu`à sa déclaration de sortie d`hier, Mamadou Koulibaly apparaît comme l`enfant de la famille, jaloux de sa liberté, qui n`a jamais voulu s`obliger à se soumettre au dogmatique que requiert parfois le militantisme politique. D`abord, à travers des chroniques dans les colonnes de certains confrères, l`homme arborant les attributs du professeur, et donc de l`intellectuel, avait commencé par se faire remarquer dans des pamphlets à faire penser plus d`un quant à ses relations avec ses camarades de parti. On se rappelle le titre « De la Refondation à la refondation« et bien d`autres contributions de presse dans lesquelles le brillant professeur n`hésite pas à reprendre sans ménagement aucun (hélas) les membres de sa propre formation politique . Au point où, pour le régime d`alors, l`homme avait commencé à apparaître gênant. Lui qui, au-delà de son simple titre de professeur dont il s`affuble pour jouir de sa liberté, est bien une personnalité, le président de l`Assemblée nationale, donc la deuxième personnalité de l`Etat, en plus d`être la quatrième de son parti alors au pouvoir. Il ne le faisait pas savoir ouvertement, mais à la vérité, Mamadou Koulibaly avait commencé par ne plus se sentir au FPI. Le 3ème vice-président du président Affi N`guessan va finir par lâcher du leste et dénoncer les comportements de ses propres camarades et de son parti dont il soulignera ne plus comprendre la conduite, parvenu au pouvoir avec beaucoup de promesses et de bonnes intentions servies aux Ivoiriens. Le fait marquant, qui va définitivement sceller le destin politique du député Koulibaly, c`est bien l`affaire Tagro. Cette affaire éclatée en juin dernier, lorsque invité à la tribune d`une organisation de la société civile, le 3ème vice-président du FPI n`arrivera plus à se contenir pour lâcher publiquement une bombe dans son propre jardin. A savoir, la dénonciation de pratiques peu recommandables au sein ministère de l`Intérieur dirigé alors par son camarade de parti, feu Désiré Tagro, pris comme un exemple de la mauvaise gouvernance qu`il reproche à son parti. En sous-main, cette affaire révèle déjà la guerre de positionnement au FPI pour l`après-Gbagbo. Plusieurs clans, il ne faut pas le cacher, avaient commencé à se livrer une guerre froide dans le parti au pouvoir sous le regard indifférent de leur mentor Laurent Gbagbo, bien au fait pourtant de tout ce qui se passait autour de lui. La tournure de l`affaire Tagro va être une occasion pour les uns de régler son cas au « bruyant« professeur qui gagnera, certes, en admirateurs au sein de son parti, mais aussi suscitera des pourfendeurs dont la liste va commencer déjà à s`allonger. De l`affaire Tagro, Mamadou Koulibaly a laissé beaucoup de plumes au FPI où on le prendra plus tard pour l`un des artisans de la défaite du candidat Laurent Gbagbo. Ses dénonciations ayant été faites juste à quelques mois du premier tour de l`élection présidentielle du 31 octobre 2010 que gagnera difficilement, du reste, le tenant du pouvoir crédité d`un score loin de ce qu`avaient prédit les sondages. Au sortir de cette affaire Tagro, pour le Pr. Koulibaly, les dés étaient déjà joués. Le FPI et l`appareil de la refondation ne faisaient plus l`affaire. Le vice-président du parti au pouvoir va marquer un premier pas de son affranchissement de ses ex-camarades quand il porte sur les fonts baptismaux le 28 juillet 2010, une structure propre à lui qu`il intitule « l`Institut Audace Afrique« . Structure au travers de laquelle il donne libre cours à ses idéaux, sans risque de se faire rappeler à l`ordre par un quelconque clan. D`ailleurs, en août, alors que tous les barons de la « Refondation« convergent vers Yamoussoukro pour le colloque international marquant les festivités du cinquantenaire de la Côte d`Ivoire, Mamadou Koulibaly choisit, lui, de se retirer avec des camarades à Grand-Bassam pour un séminaire portant sensiblement sur le même sujet. A la veille des élections, on entendra et on lira rarement le professeur devenu soudain aphone sur instruction, disait-on, de la haut. A savoir du couple présidentiel, qui lui aurait intimé l`ordre de « la fermer« pour ne pas avoir à gêner les campagnes. Apparemment entré dans les rangs, l`éminent cadre du FPI a gardé sa patience jusqu`aux lendemains des résultats des élections perdues avec le départ brutal et honteux de Laurent Gbagbo. Avant de réapparaitre sur la scène comme un pompier pour sauver à sa manière les restes de son parti, décapité après la perte brutale du pouvoir. Porté au-devant de l`histoire par les événements, Mamadou Koulibaly pouvait rêver son heure sonnée. Il va tenter le coup de grâce pour opérer la catharsis de sa formation politique, mais surtout conforter son positionnement. Mais, une fois encore, le député de Koumassi bute sur les caciques, qui resteront sourds à ses appels. Ayant assez rongé ses freins, finalement, il ne restait plus qu`une solution à l`enfant d`Azaguié : prendre son destin en main au-delà du FPI, en faisant valoir ses acquis au sein de cette formation politique. L`actuel chef du Parlement ivoirien, qui préparait ce moment depuis longtemps dans l`ombre, pense son temps venu. Celui de capitaliser son étoffe d`homme d`Etat au Parlement, mais aussi l`adhésion populaire à ses idées et à son franc parler, qui le font passer désormais pour un dirigeant rigoureux, propre à l`image de ceux dont la Côte d`Ivoire a besoin. Le député de Koumassi ne cache pas ses ambitions futures, et l`on l`entrevoit déjà comme le « farouche adversaire« de Alassane Ouattara à la présidentielle de 2015, comme il l`a plus où moins laissé entendre dans un discours récemment. Voilà qui explique sa liberté prise vis-à-vis du FPI, sans rompre avec le CNRD dont il caresse le secret de positionner comme le leader gagnant pour les présidentielles à venir.
Félix D.BONY
L’Inter
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