Source: Soir Info par KIKIE Ahou Nazaire
Depuis le lundi dernier 4 juillet, Jean-Noël Abéhi, le célèbre commandant d’escadron blindé d’Agban, a disparu des tablettes de la gendarmerie nationale et de l’armée. Mieux, les autorités militaires expliquent que le déserteur a pu également franchir les frontières du pays, pour se « reloger » dans un autre Etat. Lequel? Les sources ne l’indiquent pas. Mais en tout cas, cet état de fait courrouce sérieusement les autorités militaires au plus haut point, et même l’exécutif. Vu que c’est un véritable pied-de-nez pour notre système de sécurité à qui cette fuite, démontre plus ou moins que sa fiabilité est pour l’heure à prendre avec peu de considération. Et si l’affaire est fortement gênante pour le nouveau régime, c’est bien parce que le commandant Jean-Noël Abéhi n’est pas n’importe qui. C’est un ‘’guerrier plein’’ qui, fidèle au régime de Gbagbo, aura montré sa grande capacité de résistance à toute épreuve. Au plus fort de la crise, dans les combats opposant forces pro-Ouattara à celles de Laurent Gbagbo, Abéhi et son unité de la gendarmerie avait montré une résistance farouche que ses adversaires, par honnêteté selon nos sources, ne sauraient lui dénier. Abéhi aura donc été, contrairement à ses supérieurs Mangou et Kassaraté, l’un des derniers à abdiquer et à déposer les armes, quand le régime Gbagbo et son grand chef se sont écroulés. Alors, un tel homme en fuite, représente forcément aux yeux du pouvoir, non seulement une non reconnaissance de celui-ci, mais un réel danger. Vu que l’on est convaincu que depuis sa tanière, il n’est pas exclu, que ce soldat entre en contact avec de nombreux autres comme lui en fuite, pour préparer des choses pouvant mettre à mal la sûreté de l’Etat. C’est pourquoi, au niveau de la hiérarchie militaire, il importe à tous les prix, de mettre la main sur lui. D’ailleurs, le commissaire du gouvernement Ange Kessi Kouamé indiquait, dans notre parution d’hier : « Nous allons lancer un mandat d’arrêt contre lui, s’il est vraiment en fuite. Six fois il a été convoqué, six fois il s’est dérobé. Nous allons tout mettre en œuvre pour le retrouver, le ramener et le mettre à la disposition de la justice ivoirienne ». Alors, l’opinion pourra comprendre la fuite pour le moins rocambolesque, de Jean Noël Abéhi. Si fuite bien entendu, il y a eu. En attendant d’y parvenir, dans cette affaire, il y en a un qui est forcément dans une position d’inconfort total. Celui-là, c’est bien entendu l’ex-premier Ministre Charles Konan Banny, désigné par le Président de la République Alassane Ouattara, comme le président de la commission « Dialogue-Vérité-Réconciliation ». Oui, parce qu’on se souvient que c’est bien lui, alors qu’Abéhi ne faisait jusque-là pas du tout allégeance au Chef de l’Etat Alassane Ouattara, qui l’avait débusqué. Et au nom justement de cette réconciliation voulue par le Président de la République, il l’avait convaincu et conduit, le lundi 16 mai 2011, devant Soro Guillaume, l’actuel locataire de la Primature.
L’embarras
A l’occasion de cette cérémonie historique et mémorable, Banny s’était fait accompagner de Nanan N’goran Koffi 2, chef du canton Faafouê de Gossan et de Konan Lucien, porte-parole du Roi des Baoulé. La présence de ces deux hautes personnalités traditionnelles, nous dit-on, n’était pas fortuite. Celles-ci avaient pesé dans la balance pour faire sortir Abéhi de la « brousse ». Vu que l’un des géniteurs de ce commandant serait originaire du centre du pays. Banny, heureux et fier d’avoir réalisé l’un des meilleurs coups de l’année, pendant que certains s’y opposaient fermement, avait solennellement, ce jour-là, pris la parole dans le bureau du Premier Ministre: « La réconciliation ne pourra pas se faire sans nos enfants, sans nos jeunes qui sont dans la carrière militaire et qui, à un moment donné, se sont battus , peut être les uns contre les autres, pour des causes qu’ils ont crues justes. Mon rôle, c’est de faire en sorte que tous les enfants de Côte d’Ivoire se retrouvent. Aujourd’hui, je suis venu avec un des fils de Côte d’Ivoire qui s’est battu pour la République, voir le Premier Ministre pour qu’il se mette à la disposition de la République. Je veux parler du commandant Abéhi… ». Mais voilà que juste un peu plus d’un mois après, les choses sont toutes autres. Abéhi est porté disparu et on le dit en fuite. Du coup, Banny qui avait juré de la totale disposition du commandant Abéhi à la République, se trouve très mal à l’aise. Mal à l’aise pour avoir plus ou moins été trahi. Et mal à l’aise pour avoir finalement réalisé devant Soro, un coup qui s’avère à présent un bide, un flop. Qu’est-ce que le Premier ministre et le Chef de l’Etat vont-ils penser de lui? De gros soucis assurément pour celui dont le tandem avec Gbagbo avait vite foiré. Mais enfin, quelle garantie Banny lui-même avait-il donné à l’ex-patron des blindés d’Agban, pour que ce dernier sorte de son « trou » ? Et quelle garantie avait-il également donné à Soro, pour le convaincre de ce qu’Abéhi avait définitivement opté pour la nouvelle République ? Des questions majeures, pour l’heure sans réponse. Reste à espérer, pour la parole et l’honneur de Banny, que Jean Noël Abéhi n’a pas fui, comme cela se dit en ce moment.
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