Source: Le Nouvel Observateur
Le directeur de l’hôtel Novotel, torturé et tué avec trois hommes d’affaires par des partisans de Laurent Gbagbo, était-il la cible ? Agathe Logeart et Christophe Boltanski dévoilent une autre piste sur fond de racket et de financement occultes – (Extrait de l’enquête parue dans « le Nouvel Observateur » du 30 juin 2011)Une voix comme un souffle ténu, qui vous parle du bout du monde. Elle dit : « Il n’y a pas de mots. Je ne sais pas comment sortir de tout cela. Ni si un jour je vais en sortir. J’attends. Avant, j’attendais de savoir s’il était vivant. Maintenant, j’attends la vérité. » Karine Perrelle était une jolie jeune femme blonde de 44 ans, amoureuse de son compagnon, Stéphane Frantz di Rippel, directeur de l’hôtel Novotel à Abidjan. Les photos de leur couple, joyeux, les yeux dans les yeux, sont sur sa page Facebook. Un « interrogatoire sévère »
Le 4 avril dernier, en même temps que l’homme d’affaires franco-ivoirien Yves Lambelin et de deux de ses collaborateurs, Chelliah Pandian, malaisien, et Raoul Adeossi, béninois, Stéphane Frantz di Rippel a été enlevé de son hôtel par un commando armé. Personne ne les a plus jamais revus. Deux informations judiciaires ont été ouvertes, l’une à Abidjan, confiée à la juge Delphine Cissé, l’autre à Paris, où la juge Patricia Simon – qui s’est rendue en Côte d’Ivoire pendant près de trois semaines, de la mi-mai au début juin, avec une dizaine de policiers – a confirmé aux familles que les quatre otages sont morts le jour même de leur enlèvement après « un interrogatoire sévère ».
Pourquoi avoir fait disparaître les corps dans le plus grand secret ?
En Afrique, dit Karine Perrelle, « on sait bien ce que cela veut dire, ‘interrogatoire sévère' ». En bon français, on appelle ça de la torture. Les ossements de deux corps, découverts dans la lagune par les enquêteurs français, ont permis d’identifier le seul Yves Lambelin grâce à son ADN et à une dent en or. Karine Perrelle, désormais, ressemble à son propre fantôme, pâle, évanescente. Elle est retournée vivre à Lomé, au Togo, où elle s’était réfugiée quand, en Côte d’Ivoire, la guerre civile avait tout bouleversé. Pourquoi cet enlèvement, pourquoi ces « interrogatoires sévères » suivis d’une immédiate mise à mort ? Pourquoi a-t-on aussitôt fait disparaître les corps dans le plus grand secret ? Longtemps, on a pensé que le commando cherchait des journalistes et, de préférence, des Français, accusés alors de tous les maux. Mais les choses paraissent bien plus compliquées. Et si Stéphane Frantz di Rippel n’était que la victime collatérale d’un confit dans lequel il n’avait rien à faire ?[…]
Agathe Logeart et Christophe Boltanski-Le Nouvel Observateur
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