Le président Ouattara a hérité d’un pays en faillite qu’il faut reconstruire. Or les travailleurs et les syndicalistes ont des revendications, du reste justifiées, dans leurs tiroirs. Que faire pour ne pas que le Front social s’embrase et n’annihile pas les efforts de reconstruction ? Dossier.
Les dernières années de gouvernance de Laurent Gbagbo ont été marquées par des revendications tous azimuts des travailleurs. Chacun voulait soit une augmentation de salaire soit un ajustement ou un glissement catégoriel. Ces grèves avaient fini par agacer l’ancien président qui a lâché ces bouts de phrases qui ont fait le tour du monde. » Il y en a qui disent il faut qu’on augmente les salaires. Je n’augmenterai rien et je voudrais le dire très solennellement ici. Je n’augmenterai rien ». C’était le 6 janvier 2010 face au corps diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire. De 2000 à 2010, le pays a enregistré 83 grèves. Si on totalise les jours où les travailleurs ne se sont pas présentés à leurs postes pour raison de grève ou d’arrêt de travail, ça donne 18 mois. En clair, 18 mois où les gens ont été payés à ne rien faire. C’était sous le régime de la refondation.
C’est dans ces conditions que Ouattara est arrivé au pouvoir. Des conditions calamiteuses liées à la volonté de son prédécesseur de s’accrocher au fauteuil présidentiel. Ce dernier a imposé une guerre à la Côte d’Ivoire, qui a détruit le tissu économique et les infrastructures de base. Ouattara hérite donc d’un pays où tout est en ruine, un pays en faillite. Il n’y a pas d’universités. Les hôpitaux sont un état lamentable, la route est dégradée, il y a des inondations partout, les entreprises ont été pillées, les prisons, les commissariats et les tribunaux sont à reconstruire. En même temps que Ouattara doit réhabiliter les infrastructures de base, il doit faire face aux promesses non tenues de Gbagbo envers les travailleurs.
Où se trouve la priorité ?
Ouattara a été élu sur la base du programme « vivre ensemble », qui devrait être mis en œuvre à partir de l’existant. Il n’était pas prévu qu’il vienne par exemple reconstruire entièrement l’université d’Abobo-Adjamé, il n’était pas prévu qu’il vienne refaire la maison de la télévision ivoirienne ni reconstruire le laboratoire Lanada ou l’Anader dont les directions générales ont été complètement mises à sac.
La question qui se pose avec acuité est de savoir s’il faut d’abord reconstruire l’université d’Abobo-Adjamé ou revaloriser les salaires des enseignants et des chercheurs. Entre reconstruire l’Anader ou le Lanada et augmenter les salaires des agents quelle doit être la priorité d’un gouvernement qui se veut responsable? Où se trouve l’urgence ? A dire vrai, Ouattara n’a pas la tâche aisée. Gbagbo a multiplié les problèmes du pays par dix avant de se faire capturer.
C’est pourquoi, les Ivoiriens dans un sursaut d’orgueil doivent donner un vrai délai de grâce à Ouattara. Il faut lui donner au moins deux ans pour lui permettre de remettre le pays sur les rails du développement. « On ne se bat pas au chevet d’une mère malade », a-t-on coutume de le dire. La Côte d’Ivoire est couchée. Tous les clignotants sociaux économiques sont au rouge. Le successeur de Gbagbo sait que la situation est très difficile pour les foyers, c’est pourquoi il a fait quelques gestes pour atténuer les souffrances de ses concitoyens. Il a annulé la patente 2011 pour les véhicules, autos et motos qui représente près de 5 milliards de Fcfa . De même, il a allégé la fiscalité et les conditions de paiement des taxes par les entreprises. Il prévoit de dédommager les entreprises qui ont été pillées. Ce sont autant d’actes qui devraient amener les travailleurs à comprendre que dans l’intérêt supérieur de la nation, tous doivent resserrer la ceinture et recréer la richesse avant qu’on pose le problème de sa redistribution. Gbagbo avait dit qu’il n’augmentait le salaire de personne malgré le contexte favorable de l’époque et on l’a laissé faire. Il faut donc aider Ouattara à aider les Ivoiriens.
Traoré M. Ahmed dans Nord-Sud
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