Par Hamadou ZIAO L’Inter
L’accord politique de Ouagadougou (APO), dont la signature le 04 mars 2007 avait été saluée par les Ivoiriens et même la communauté internationale, s’était distingué de tous les accords signés dans le cadre du règlement du conflit ivoirien, comme le plus bon et le plus adapté. Ce compromis politique avait, notons-le, été obtenu après un mois d’âpres discussions dans la capitale burkinabé, entre le camp de Laurent Gbagbo alors au pouvoir et l’ex-rébellion dirigée par Guillaume Soro. Tant bien que mal, l’accord parrainé par le président Blaise Compaoré a ramené le calme et une relative paix en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens avaient, sous la conduite de l’Apo, appris à se refaire confiance après de durs moments de crise. C’est également avec cet accord que la question identitaire en Côte d’Ivoire, définie comme la mère de la crise, a connu une solution. La belligérance entre les militaires des deux camps avait été stoppée net. Le clou reste certainement les élections présidentielles démocratiques qui ont été organisées le 31 octobre 2010, avec la participation de 14 candidats. Mais l’APO sera brusquement freiné dans ce bel élan pour la restauration de la Côte d’Ivoire, par les violents affrontements post-électoraux après le second tour de l’élection présidentielle le 28 novembre 2010. Le retour des armes dans l’arène politique, le retour de la méfiance entre les populations ivoiriennes, le discours de la haine et la fracture sociale meublaient désormais le quotidien des Ivoiriens. Autant de maux que la mise en oeuvre du compromis de Ouagadougou avait pourtant effacés. Aujourd’hui, la nouvelle donne politique depuis le 11 avril 2011 impose que l’on s’interroge sur l’utilité de cet accord, dont l’application n’avait pas été terminée pour le retour de la paix en Côte d’Ivoire, quand on sait que c’est finalement par la force des armes que les protagonistes de la crise ont réglé leurs comptes. En un mot, l’accord politique de Ouagadougou est-il mort ou encore vivant après le 11 avril 2011, date de la chute de Laurent Gbagbo, l’un des signataires de ce compromis politique ? Peut-on continuer d’appliquer l’APO, alors que l’ancien chef de l’Etat qui avait un droit de regard sur sa mise en oeuvre se trouve en prison ?
Des signes de survie
A priori, on pourrait déduire que l’APO est mort après le 11 avril 2011, car censé ramener la paix, c’est finalement la guerre qui a eu raison de cet accord. Mais certains signes indiquent que l’accord de Ouagadougou continue d’avoir une place dans la gestion des affaires en Côte d’Ivoire. Des pans entiers du texte de Ouagadougou n’ont pas été mis en oeuvre, quand la guerre est survenue. Il s’agit par exemple du chantier du désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des ex-combattants, du démantèlement des milices, de la refonte de l’armée, qui sont contenus dans le quatrième accord complémentaire. Le signe le plus évident que l’accord politique de Ouagadougou est encore de mise, c’est le maintien en Côte d’Ivoire du représentant spécial du facilitateur du dialogue direct, M. Boureima Badini. L’émissaire du président Blaise Compaoré continue de surperviser la mise en oeuvre de certains chapitres de l’Apo. Il a pris une part active au séminaire de reflexion sur la mise en place de la nouvelle armée ivoirienne qui s’est tenu à Bassam du 22 au 24 juin dernière. Récemment au cours d’une audience avec le nouveau président de la Cour suprême, Mamadou Koné, Boureima Badini a évoqué l’accord de Ouagadougou, notamment ses volets qui n’ont pas été exécutés. « Il reste des pans, notamment le volet militaire qui concerne le 4ème accord complémentaire qui gagnerait à être revisité aujourd’hui. Nous allons voir comment prendre cela à bras le corps pour permettre une sortie de crise harmonieuse et définitive. Actuellement, ce qui est important, c’est la sécurité », a-t-il dit, rappelant que son hôte du jour, Koné Mamadou, a été un acteur important dans l’élaboration et la mise en oeuvre de l’accord de Ouagadougou, en tant qu’ancien ministre de la Justice qui a organisé les audiences foraines et l’identification. Outre le président Koné Mamadou, Bouréima Badini a dit avoir déjà rencontré le président de la République Alassane Ouattara et le Premier ministre Guillaume Soro pour voir avec eux comment « réorienter » l’APO. Cette réorientation devrait concerner les chapitres suspendus de l’accord, dont l’un des plus importants est l’unicité des caisses de l’Etat qui n’est pas encore effective dans les zones centre nord et ouest sous contrôle des Forces nouvelles. Du côté de l’ancien régime, le N°2 Mamadou Koulibaly, qui tente de remettre l’ancien parti au pouvoir sur pied, avait proposé une reflexion sur le statut actuel de l’accord de Ouagadougou après la crise. Ce sont là autant de signes qui indiquent que l’APO a résisté à la tempête du 11 avril. Le hic cependant, c’est que l’un des acteurs majeurs et signataire de cet accord, l’ex-président Laurent Gbagbo, qui en est même l’initiateur, se trouve en prison. L’ancien chef de l’Etat, son Premier ministre d’alors Guillaume Soro, le président Bédié et l’actuel président Alassane Ouattara se retrouvaient périodiquement avec le facilitateur Compoaré pour faire le point de la mise en oeuvre, au Cadre Permanent de Concertation (CPC). Cette structure d’évaluation de l’APO se trouve aujourd’hui handicapée, voire bloquée dans son fonctionnement avec l’emprisonnement de Laurent Gbagbo.
Hamadou ZIAO
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