L’Inter par TRA BI Charles L.
Sorti vainqueur du bras de fer politique avec Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara est,
depuis plus de deux mois déjà, à la tâche. Le nouvel homme fort de la Côte d’Ivoire a
hérité d’une situation politico-militaire tendue, pas du tout de nature à lui faciliter la
gouvernance. Les dossiers politico-juridiciaires en cours pour décider du sort de
l’ancien président Gbagbo et de ses partisans, s’ils sont mal négociés, pourraient jouer
un mauvais tour au pouvoir Ouattara, comme l’ont connu les régimes Bédié, Guéi et
Gbagbo. En 1999, ce sont des tensions politiques qui avaient coûté son pouvoir à
l’ancien président Henri Konan Bédié. Pour avoir jeté en prison de hauts dirigeants du
Rassemblement des Républicains (RDR), parti qui formait l’opposition significative
avec le Front populaire ivoirien (FPI), M. Bédié, alors chef de l’Etat, venait de porter
un sale coup à la cohésion polico-sociale du pays. Le successeur d’Houphouët Boigny
venait ainsi de créer un environnement propice à la déstabilisation du pays. Les
contestations politiques de décembre 99 vont, en effet, aboutir à un coup d’Etat. De
décembre 99 à octobre 2000, les dix mois de pouvoir de feu le général Robert Guéi,
parvenu à la tête de l’Etat en chassant Bédié du pouvoir, avaient été également
marqués par de fortes contestations politiques. L’ancien général de l’armée était face à
des hommes politiques de gros calibre à qui il mettait les bâtons dans les roues. Bédié
forcé à l’exil en 99, les militants du PDCI étaient sur le pied de guerre. Alassane
Ouattara, à qui le coup d’Etat de 99 semblait profiter, rentre au pays, allait se heurter
aux calculs politiques du général Guéi qui voulait être candidat. Laurent Gbagbo, lui,
jouait les »boulangers » pour dribbler tout le monde. Les contestations polico-
militaires qui ont suivi dans le pays avaient valu à Guéi plusieurs complots dont celui
du »cheval blanc ». Le tout allait déboucher en 2000 sur des élections calamiteuses
remportées par Laurent Gbagbo. Le champion du FPI, élu président de la
République, va avoir à gérer une puissante opposition menée à la fois par Henri
Konan Bédié et Alassane Ouattara, deux poids lourds bien implantés tant à l’extérieur
qu’à l’intérieur du pays. Le général Guéi, contraint d’accepter le verdict des urnes des
élections d’octobre 2000 suite à la pression de la rue, va se convertir en homme
politique avec la création, en février 2001, de l’Union pour la démocratie et la
paix(UDPCI). L’ancien chef d’état-major d’Houphouët »va mettre la main » sur l’Ouest
du pays pour en faire son bastion politique. Malgré l’organisation d’un forum de
réconciliation nationale, Laurent Gbagbo n’avait pas réussi à mettre fin aux tensions
politiques en Côte d’Ivoire. Et c’est sans surprise pour des observateurs avertis qu’en
septembre 2002, une rébellion éclatait dans le nord du pays pour contraindre Gbagbo
au partage du pouvoir. Les élections de novembre 2010, après huit années de crise
polico-militaire, ont abouti à l’accession d’Alassane Ouattara à la magistrature
suprême, dans des conditions beaucoup plus difficiles au regard de l’ampleur des
dégâts matériels et humains. Il s’est créé une grande méfiance entre vainqueurs et
vaincus. La question sécuritaire est plus que préoccupante. L’actuel chef de l’Etat a
vraisemblablement des dossiers juridico-politiques plus délicats à gérer aujourd’hui
que Bédié, Guéi et Gbagbo hier. Droits de l’homme, justice à deux vitesses, exil des
militaires et des opposants, poursuite contre des anciens dirigeants dont l’ancien
président Gbagbo et son épouse etc., sont autant de dossiers chauds dont la mauvaise
gestion constitue une menace pour la présidence d’Alassane Ouattara. Des causes
similaires pouvant souvent produire les mêmes effets, il est à craindre que, comme
sous Bédié, Guéi et Gbagbo, le pouvoir d’Alassane Ouattara ne connaisse à son tour
des secousses.
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