Au pays des caïmans sacrés, Laurent Gbagbo se débattrait avec d’autres reptiles: des mambas et des juges. Texte et dessin inédits du dessinateur burkinabè Damien Glez.
Le livre de la Genèse semble avoir déjà décrit la scène dans le chapitre 3, verset 7. Peu de temps après avoir vu le serpent, «leurs yeux s’ouvrirent et ils virent qu’ils étaient nus». Enseignement biblique que devrait méditer le fervent Laurent Gbagbo?
Qui sont ces serpents qui sifflent dans sa cellule?
Dans leur exil nordiste, les proches de l’ancien chef de l’Etat ivoirien seraient, en effet, cernés par des serpents, aux dires de leurs avocats. Si c’était avéré, ce serait peut-être un signe divin pour rappeler à l’enfant de Mama que lui et sa compagne, comme Adam et Eve, sont dénudés, dévêtus du faste et des prérogatives du pouvoir. Ce pouvoir qui, comme le fruit de l’arbre de la Genèse, semblait «bon à manger» à «la femme». Simone «prit de son fruit et en mangea, et en donna aussi à son mari auprès d’elle, et il en mangea».
Au cas où la vue d’un serpent n’aurait été qu’un rêve de Laurent Gbagbo, il y aurait tout autant lieu de s’inquiéter. Dans l’interprétation des songes, voir ramper le reptile évoquerait la trahison, la séparation ou les ennuis de santé. Gbagbo a déjà été servi en matière de trahison. Il se trouve déjà à distance de ses deux épouses. Côté intégrité physique, la famille d’Amadou Gon Coulibaly, secrétaire général de la présidence, veillerait à ce que Gbagbo ne soit pas empoisonné. Laurent n’a plus qu’à surveiller sa tension et son taux de cholestérol…
Dans la moins pessimiste des hypothèses, les rêves de serpents traduisent le désir inassouvi d’harmonie sexuelle. Le «Christ de Mama», en résidence surveillée, se verrait imposer un régime monacal…
Des conditions de détention «inhumaines»
Les conditions de vie de Laurent Gbabgo, mais aussi de ses proches, sont au cœur d’une polémique que tentent d’alimenter les avocats Ciré Clédor Ly, Lucie Bourthoumieux, Jean Serges Gbougnon et Toussaint Dako Zahui. Ceux-ci affirment qu’en effet, «les détenus cohabitent avec des serpents mamba» dans le nord de la Côte d’Ivoire. Plus globalement, ils qualifient «d’inhumaines» les conditions d’incarcération dans «des cellules infectes d’une prison poreuse aux intempéries». Les droits de l’homme y seraient gravement violés. À Korhogo, le président déchu n’aurait pas accès aux médias, ne pourrait pas circuler librement et ne recevrait aucune visite extérieure. Il aurait même attendu 42 jours avant de rencontrer ses avocats.
Jérémiades illégitimes? À la décharge de Koudou, il est vrai qu’en Afrique, il faut aux chefs d’Etat déculottés des années, voire des décennies, avant d’assister à leur procès. Il vaut mieux que les ressorts ne sortent pas des matelas. Laurent Gbagbo doit rêver du confort dévolu à Hissène Habré…
Emboîtant le pas aux avocats, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) s’est émue des conditions «précaires» de détention des partisans de Laurent Gbagbo. Peu explicitement critique sur le «Guantagbagbo», L’Onuci évoque tout de même la prison civile de Bouna où se trouve notamment le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’guessan, depuis le 26 avril 2011.
Véritable… serpent de mer, le débat sur le confort est le cheval de Troie de celui sur la légitimité de l’incarcération. L’anecdote des serpents est une occasion pour les avocats d’affirmer que celle-ci, jusqu’à preuve du contraire, est un «enlèvement, une séquestration et une détention arbitraire pour des raisons politiques».
Ils demandent à examiner un décret d’assignation à résidence ou un acte judiciaire. À défaut de quoi, le collectif dit avoir reçu «mandats directs et impératifs» pour traîner l’Etat ivoirien en justice pour violation de la Constitution, de la Loi organique sur l’Assemblée nationale de Côte d’ivoire et surtout des règles du droit communautaire et du droit international.
Entre manque d’information et jargon juridique, le peuple ivoirien se laisse aller à colporter des rumeurs qui sont autant d’instruments d’intoxication. Le bouche-à-oreille colporte ainsi que depuis Korhogo, Laurent Gbagbo aurait confié, en parabole, qu’il regretterait avoir épousé Simone Ehivet installée, elle, à Odienné. Il se languirait de sa seconde femme, Nady Bamba, actuellement à l’extérieur de la Côte d’Ivoire.
Il aurait, par ailleurs, demandé une bibliographie de son adversaire politique ancestral, Félix Houphouët-Boigny. Pour d’autres «titrologues» de l’oralité, Laurent Gbagbo aurait même été hospitalisé d’urgence à la Polyclinique internationale Sainte Anne-Marie, à Abidjan, à cause de coups et blessures infligés par ses geôliers.
Il en va ainsi de la rumeur: persifleuse comme un serpent de la région des Savanes.
Damien Glez
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