La visite du Cdt Issiaka Ouattara aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire du groupement tactique 5 de Daloa dont il assure le commandement, dimanche, a pris l’allure d’une mise en garde. Après avoir reçu les honneurs d’une section des Frci à l’entrée-est du 2e bataillon, le Cdt Wattao s’est immédiatement dirigé sur la place d’armes où il était attendu par tous les troupes constituant les Frci de Daloa, sous les ordres du lieutenant Bamba Ben. D’entrée, il a fait savoir à ses troupes être venu pour les informer, car un militaire mal informé est un danger. Pour le Cdt du groupement tactique 5, l’heure est venue pour reconstituer la nouvelle armée. Aussi a-t-il menacé de radiation, les ex-Fds qui ne viennent pas au travail. « Que les anciens cessent le double jeu auquel ils s’adonnent. Fini le désordre ? Les absents pointés sans motif seront radiés de l’armée. Appelez ceux qui sont cachés et tous les réticents. Que chacun comprenne une fois pour toutes que c’est Alassane Ouattara, le président de la République. Et il est le président de tout le monde », a-t-i déclaré. Aux officiers, il a recommandé de se mettre à leurs places d’officiers. « C’est à vous qu’il reviendra de diriger. Nous, on est là pour appuyer ceux qui ont fait des études. Moi, je ne viendrai jamais commander ici à Daloa. Je compte sur vous pour rendre service à l’Etat de Côte d’Ivoire », a ajouté le Cdt Wattao. Devant les éléments des Frci, le Cdt Wattao est revenu sur la conduite à tenir dans l’exercice de leurs fonctions. « Nous n’allons plus accepter les dérapages. Plus de descente dans les villages pour exercer des représailles sur les populations. Plus de barrages sauvages. Car, il n’y a plus d’affaire Gbagbo Laurent ni affaire Alassane Ouattara. Tout cela relève désormais du passé », a insisté Wattao. Et de conclure que c’est à ce seul prix que la paix reviendra et que la confiance s’installera entre l’armée et la population.
Bayo Fatim à Daloa
Nord-Sud
Bouchons dans les rues d’Abidjan – Embouteillages, Frci au secours…
Les rues d’Abidjan sont devenues des bouchons indescriptibles depuis l’appel à la reprise du travail lancé par les nouvelles autorités. Devant l’impuissance des policiers, des forces républicaines de Côte d’Ivoire (frci) essayent tant bien que mal de réguler la circulation. À la place des coups de sifflet, les chauffeurs têtus ont souvent droit à des coups de poing. Reportage.
Boulevard Latrille, Deux-Plateaux, il est 18h30. Dans une fanfare de klaxons de voitures de tout genre, les automobilistes tentent de passer le « carrefour-Duncan », au mépris du feu tricolore. Ceux qui viennent d’Angré sont immobilisés au point de croisement par des véhicules venant d’ « Adjamé-zoo ». Nez de voiture contre portière, pare-choc contre pare-choc. C’est une mêlée inextricable. De part et d’autre, ce sont de longues processions de véhicules avec à bord, des gens fatigués, furieux et impatients de rentrer chez eux, où d’aller honorer leur rendez-vous. On ignore si le phénomène est dû à l’appel à la reprise du travail lancé par les nouvelles autorités, ou à un accroissement (soudain) du parc-automobile. Mais c’est ainsi tous les jours, aux heures de pointe : des embouteillages monstrueux.
Des coups de poing et des tirs en l’air
Dans la matinée, des policiers de l’unité de régulation (urc) essayent d’instaurer un semblant d’ordre. Mais à partir de l’après-midi, la plupart partent sans prévenir pour échapper au goulet. Les Frci sont donc appelées à la rescousse. Comme on ne tarde pas à le voir, au carrefour-Duncan. Vêtus de treillis Frci, la kalachnikov accrochée à l’épaule, ces soldats emploient leur méthode à eux, sans sifflet, sans papillon et aucun stylo dans la poche. « Toi, là-bas, recule !… », lance l’un d’eux à un chauffeur. Ils sont quatre à ce carrefour. Deux de chaque côté de la route. Soudain, l’un d’eux arme son fusil et se dirige vers un chauffeur de wôrô-wôrô récalcitrant qui veut traverser le carrefour malgré l’ordre d’attendre lancé par le caporal-chef Frci. Par son geste, il obstrue le passage à d’autres véhicules qui avaient le feu vert. « B…qui t’a dit de passer!… » Le chauffeur fait difficilement la marche arrière. Dans le wôrô-wôrô que nous avons emprunté en partance pour Cocody, les passagers commencent à se plaindre parce que la longue file de voitures n’avance pas. « Mais où sont les filles qui régulent la circulation ? », s’interrogent certains. « Ce n’est pas le rôle des Frci çà, ajoute un passager. La preuve, elles n’arrivent pas à s’en sortir». Soudain, un chauffeur de taxi qui vient d’ « Adjamé-zoo », aperçoit une brèche au niveau du carrefour. L’aubaine ! Il accélère, manque de percuter une voiture, et s’engouffre, au grand dam des frci. Le chauffeur qui veut sortir de ce bouchon continue de forcer le passage vers le Vallon. Un des militaires court vers lui, l’empoigne par les cols de sa chemise, par-dessus la portière. « Espèce de c…sors de là ! » Le chauffeur descend. C’est un type costaud. Au lieu de s’excuser, il s’en prend à l’élément des Frci qui l’a obligé à mettre pied à terre. Mal lui en a pris. Les autres militaires oublient la régulation de la circulation et courent prêter main-forte à leur gars. Sous la ruée des coups de poings qui pleuvent sur lui, le chauffeur de taxi rentre dans son véhicule. Mais ses bourreaux continuent de le cogner au volant. L’un d’eux tire même en l’air pour montrer que ses nerfs sont à vif. Heureusement pour le chauffeur, il réussit à trouver un trou de passage. Il laisse tout son poids aller sur l’accélérateur et file en trombe. A ce carrefour, personne ne veut contrarier les « régulateurs », après ce qu’ils viennent de voir. Et très vite, les chauffeurs suivent les consignes. Bientôt, le bouchon s’estompe au grand soulagement de tous. Alors qu’il quitte le carrefour, notre chauffeur de wôrô-wôrô ne manque pas d’humour : « Leur méthode est souvent efficace. Il faut cela pour que les chauffeurs de wôrô-wôrô et de taxi soient droits sur la route ».
Une dame parmi les passagers lui fait comprendre qu’on ne régule pas la circulation avec une arme. Alors, le chauffeur lui raconte cette anecdote : « une fois, je venais de Cocody, j’ai été bloqué au niveau de Pétro-ivoire dans un embouteillage. Les Frci ont tenté de mettre de l’ordre au carrefour, sans succès. L’un d’eux s’est énervé parce que les chauffeurs ne suivaient pas ses consignes. Il a tiré des rafales en l’air. Les minutes d’après, il n’y avait plus de véhicules autour de lui : le carrefour était vide.» Le commandant Silué F., du 12ème arrondissement des Deux-Plateaux envoie régulièrement ses éléments réguler la circulation quelquefois, avec des policiers. C’est un acte volontaire, selon lui. Ses points : l’hyper-marché Sococé et le « carrefour-Duncan ». Il s’agit pour lui de permettre aux habitants de rentrer vite chez eux. Quant aux débordements de certains Frci pendant ce service sur la voie publique, Silué explique que ces derniers n’ont pas subi de formation à ce niveau. Il n’empêche, leur méthode est efficace. En quittant le « carrefour-Duncan », c’est tout le boulevard Latrille qui est gagné par l’engorgement, jusqu’à Cocody. Aux heures de pointe, ces embouteillages gagnent tous les grands axes de la capitale économique. Le boulevard lagunaire, le boulevard de Marseille, Adjamé-Liberté, etc. La commune du Plateau demeure la plus touchée. Ces désagréments occasionnent les retards au travail, et, malheureusement pour certains, ce sont d’importants rendez-vous manqués. Au point où on se demande : où sont passées les charmantes filles de l’Urc avec leurs motos chatoyantes?
Raphaël Tanoh
Nord-Sud
Racket, vol de véhicules, usage abusif d’armes à feu… – Faut-il brûler les Frci ?
Face aux dérives de certains éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire, des voix s’élèvent pour demander d’expédier au purgatoire, les héros d’hier, dans leur ensemble. Mauvais procès ou volonté d’en finir avec une gangrène en ces moments de changements ?
La période de grâce est, semble-t-il, terminée pour les ‘’libérateurs’’ de la Côte d’Ivoire. Désormais, plus de tolérance pour les écarts de comportement. Mieux, sur un air de levée de boucliers, la chasse est ouverte contre les brebis galeuses qui ternissent l’image des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci), la nouvelle armée ivoirienne. Et, dans cette opération de restauration de l’honneur et de la dignité des sauveurs de la démocratie ivoirienne, le patron de la grande muette n’hésite pas à laisser son manteau de chef du gouvernement, pour conduire en personne, la chasse. Mais, comment en est-on arrivé-là ?
Après avoir grandement contribué à chasser du pouvoir Laurent Gbagbo et son régime de la ‘’Refondation’’, les Frci, selon plusieurs rapports officiels et officieux, ont commencé à se rendre coupables d’actes répréhensibles. Pêle-mêle, on leur impute des actes de rackets, d’érection de barrages illégaux, de braquages, de vol de véhicules, d’utilisation abusive d’armes à feu et de non-port de tenues règlementaires. Si les populations ont longtemps gardé le silence sur ces dérives, depuis quelques semaines, des voix s’élèvent pour condamner les dérapages. « Ce n’est plus un secret. Certains éléments des Frci se sont spécialisés dans le racket des populations. Pour le voyageur qui prend la route, pour l’intérieur du pays, c’est l’anxiété. Pour mieux appréhender cette dure réalité, nous nous sommes décidés à prendre la route le lundi 23 mai dernier. Nous étions en partance pour San-Pedro à partir de Bouaké. Après notre départ de la capitale de la Paix à 6 heures du matin, nous atteignons la ville portuaire aux environs de minuit », rapportait Nord-Sud Quotidien dans son édition du 1er juin dernier ; un reportage étayé par des témoignages d’usagers de la route. « A chaque groupe, il faut donner 1000 francs comme levée de barrage. Je viens de payer 5000 francs. 1000 francs pour les policiers, les gendarmes, la douane, les eaux et forêts et les Frci », a confié un transporteur, au journaliste de Nord-Sud Quotidien. Ces pratiques sont devenues monnaie courante au point que ce reportage n’est qu’un cas parmi des milliers rapportés chaque jour. Ces condamnations, devenues récurrentes, ont requis l’intervention de toute la hiérarchie des forces républicaines. « Dites la vérité aux jeunes gens. Ils n’ont pas combattu. S’il y avait 8 mille combattants à Abobo, nous n’aurions pas eu besoin d’aller chercher des jeunes au Nord pour venir combattre à Abidjan. Arrêtez de prendre de l’argent avec les jeunes gens pour leur faire croire qu’ils seront militaires. Nous apprenons trop de choses sur Abobo », « Ne jouez pas avec les grades. Ils sont très importants dans l’armée. Ne devient pas commandant qui veut. Tous ceux qui sont dans les commissariats et les brigades se font appeler commandant. Nous ne pouvons le tolérer », ont dû dire, vendredi dernier, le commandant Koné Zackaria et l’ancien ministre, Koné Messemba, pour mettre le holà à la pagaille qui régnait dans la gestion des effectifs à Abobo. Une démarche épousée par Ouattara Issiaka, le week-end dernier, à Boguédia (Daloa). « Des instructions seront données aux responsables des Frci pour l’instauration de la sécurité dans toutes les zones », a promis Wattao aux populations de Krikoréa auxquelles il a rendu visite, dimanche dernier. Mais, de toute évidence, il n’y a pas que sous ce prisme négatif qu’il faut appréhender les Frci. Sinon, ce serait oublier le rôle important qu’elles ont joué pour le rétablissement de la démocratie en Côte d’Ivoire. C’est au moment où toutes les issues pour une sortie de crise paraissaient bouchées que, sous l’instigation du Premier ministre, Guillaume Soro, elles ont enclenché le processus de libération du pays. Parties de l’Ouest le 23 février et de l’Est le 29 mars derniers, elles ont conquis toutes les villes de l’intérieur du pays, sous le contrôle des forces pro-Gbagbo avant de libérer totalement le pays avec la capture de l’ancien chef de l’Etat ivoirien, le 11 avril. Une offensive qui, si elle n’avait pas été engagée, aurait fait plus de victimes que les 1.500 comptabilisées par certaines sources.
Et, quand bien même les soldats, pour la plupart, ne sont pas payés, n’ont jamais rechigné à la tâche. Ils ont pallié, depuis le changement de régime, l’absence des forces officielles de police et de gendarmerie.
D’ailleurs, les dérapages de départ qu’on leur imputait, notamment les vols de véhicules, les perquisitions musclées, la conduite dangereuse, ont, peu à peu, commencé à s’estomper. Les dérives constatées en ce moment ne sont que l’œuvre des brebis égarées, en général des jeunes désœuvrés qui ont rejoint le combat à la dernière minute. Or, comme chacun le sait, qui a le pouvoir, est tenté d’en abuser.
En somme, en dépit des dérives condamnables dont certains des leurs se rendent coupables, les Frci sont loin d’être les démons qu’une certaine opinion tente de caricaturer. « Les étrangers qui étaient traqués tous les jours par les forces pro-Gbagbo, vivent plus tranquillement depuis l’arrivée des Frci », constate un observateur, persuadé que cela est un point positif à mettre à l’actif de la nouvelle armée ivoirienne. C’est pour éviter que les mauvais grains ne jettent l’opprobre sur l’ensemble de la corporation que la hiérarchie des Frci a engagé une croisade contre eux.
Marc Dossa
Nord-Sud
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