Bceao: Au-delà de l’audit de Wade
Fraîchement porté à la tête de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), l’ivoirien Koné Tiémoko Meyliet devrait faire face déjà à un dossier chaud.
L’audit de l’institution commune aux 8 Etats membres demandé par le président sénégalais Abdoulaye Wade viserait à “cerner les aspects liés aux opérations illégales” de l`ex-président ivoirien Laurent Gbagbo. Wade a également proposé que la BCEAO, “en tant qu`institution principalement victime de ces actes illégaux, porte plainte”, indexant directement l’ancien Gouverneur Philippe Henri Dacoury Tabley qui aurait, selon lui, viré au lendemain de son limogeage beaucoup d’argent à Gbagbo. 500 milliards Fcfa, au dire du Président Sénégalais, 300 selon Alassane Ouattara qui tiendrait l’information du Gouverneur intérimaire, le burkinabé Jean Baptiste Compaoré. Vraisemblablement, les Chefs d’Etats réunis au dernier sommet de l’Uemoa à Lomé le 30 mai n’ont pas fait que plébisciter Koné Tiémoko. Ils ont décidé de renouer avec la transparence et la rigueur qui ont fait de la Bceao l’une des banques centrales les mieux gérées.
Un audit qui devrait en appeler un autre
Cependant, en demandant cet audit, dont il faut louer l’opportunité et saluer l’initiative, le Président Sénégalais a t- il conscience qu’il donne ainsi un coup de pied dans la fourmilière ? En effet, l’atteinte à la respectabilité de la Bceao ne date pas de la crise post électorale. Elle ne se limite pas non plus aux retraits illégaux effectués par le camp Gbagbo. L’audit qui va faire la lumière sur ces actes qui ont causé préjudice à la Bceao devrait remonter bien plus loin. Notamment en 2003. Au cours de cette année, quatre vols ont été perpétrés dans des succursales de la BCEAO au nord de la Côte d’Ivoire : deux par des Français et deux par des membres de l’ex rebellion. Le 23 septembre 2003, ceux-ci avaient braqué l’agence de Bouaké (centre), emportant quelque 20 milliards de FCFA et faisant une trentaine de morts. Un autre groupe a attaqué celle de Korhogo en août de la même année et ont empoché un montant qui n’avait pas été revélé, à cette époque. La succursale de Man qui faisait l’objet d’une surveillance accrue de la part des militaires français avait, elle aussi été visitée par les casseurs de Banque. Dont 12 militaires français de l’opération Licorne qui tentaient d’y soustraire 65 millions de FCFA alors qu’ils étaient censés la garder. Des actes sans précédent dans l’histoire de l’institution commune aux 8 États membres de l’Uemoa. Alors ministre de l’économie et des Finances, Paul-Antoine Bohoun Bouabré, avait expliqué que, selon les règles de la BCEAO, c’est au pays hôte d’assurer la sécurité des agences, mais que depuis la crise, les agences ivoiriennes n’étaient plus sous contrôle du gouvernement ivoirien.
Si les militaires français ont été remis entre les mains de la justice de leur pays, il n’en a pas été de même pour les autres casseurs qui jouissent, jusqu’à présent d’une quasi immunité. La lumière n’a jamais été faite sur ces faits, pourtant très graves. Les enquêtes paresseusement menées n’ont conduit à aucune arrestation en Côte d’Ivoire. Seul le Mali avait opéré une. Celle d’un certain Abdoulaye Traoré dit AB qui serait un chef de l’ex rébellion ivoirienne. Ce dernier, à l’époque devrait revéler les noms des autres auteurs, coauteurs ou commanditaires des différents casses, parmi lesquels ceux de responsables de l’ex rébellion, mais aussi d’importantes personnalités de la sous région, et même de militaires français. Mais l’affaire a semble t- il été passée par perte et profit. On n’a plus entendu parler de AB. Alors que cette affaire éclaboussait tous les États membres, aucun audit n’avait été reclammé par aucun Chef d’Etat.
Il est vrai, à l’époque, la situation socio politique ivoirienne était des plus volatiles et on a préferé faire primer la solution politique sur celle de la justice et du droit. Aujourd’hui, où, semble t- il les choses reviennent dans l’ordre en Côte d’Ivoire et qu’on parle d’auditer la Bceao, l’occasion serait belle de remonter jusqu’à ces différents crimes et délits qui ont écorné son image. A moins de décider de les hiérarchiser ou de faire une discrimination entre ceux qui lui ont porté atteinte. En somme, il ne serait pas juste de ne s’arreter qu’aux retraits illégaux de Gbagbo dans cet audit.
Par Jean-Louis GBANGBO
Le Journal De L’Economie
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