De la démocratie et du travail comme panacées à la dégénérescence de l’Afrique

L’Afrique se meurt, se délite progressivement sous le regard complice de ses fils et filles, sujette à de récurrentes crises politiques. Les coups d’Etat à répétition, les rebellions avec leurs cortèges interminables de dégâts matériels, de désordre, de crimes humains et économiques odieux, d’atteintes aux droits les plus imprescriptibles de l’individu humain en sont des manifestations visibles, palpables. Toutefois, comme l’indiquent les principes du déterminisme selon lesquels rien ne se produit sans cause, réfutant ainsi la notion du hasard, s’est-on véritablement donné le temps de mener à ce sujet une réflexion critique de sorte à faire émerger les mobiles réels qui astreignent ce continent si riche du point de vue du potentiel humain et des ressources naturelles à un aussi sinistre destin fait quintessentiellement d’abjectes et méprisables contradictions permanentes génératrices de calamités, de malheurs ? Est-ce un honneur que d’être à la merci et à la remorque d’autres continents moins nantis ? Cet amour pour la misère, cette volupté à s’adonner à des actes ignobles, scandaleux et idiots réfractaires aux piliers fondateurs du développement, du progrès sont-ils ontologiques, marqués de façon indélébile dans l’être profond de l’homme noir ? Face à cette déliquescence progressive de nos valeurs, de nos acquis, faut-il se résigner, rester là à gémir sur son sort en attendant un décret divin salvateur ?

En tant que digne fils de l’Afrique, nous nous insurgeons contre l’attitude coupable et défaitiste de l’africain qui frise un renoncement à soi, comme si le continent africain était condamné par une funeste fatalité à jouer les seconds rôles dans ce monde, à s’accommoder et à faire avec tout ce qu’il y a comme abominations sur cette planète terre. Or, de façon visible, ce continent est l’un des mieux lotis, dotés au plan des prédispositions naturelles. On ne saurait donc objectivement accuser la transcendance de n’avoir pas été généreux à notre endroit. Une plongée heuristique au cœur des maux qui minent l’Afrique permet de décrypter deux facteurs majeurs auxquels ils sont consubstantiels : un mépris prononcé pour le travail, surtout le travail bien fait et un rejet systématique des valeurs démocratiques auxquelles sont substituées des formes de régences absolutistes, totalitaires.

En effet, de façon volontaire ou inconsciente, l’africain a développé un attachement passionnel, pathologique à la paresse, répugnant ainsi l’effort physique ou intellectuel, le travail ou toute autre activité pénible au profit d’activités qu’on pourrait qualifier d’inessentielles du point de vue de l’élévation morale, du perfectionnement intellectuel, du confort matériel. Le tout, couronné par une gestion latitudinaire, permissive du temps. Le cas de la Côte d’Ivoire dont nous sommes originaire, est un exemple saisissant. Ce peuple naguère si vaillant et si laborieux sous la conduite éclairée du père fondateur de la nation ivoirienne SEM Félix HOUPHOUËT-BOIGNY et de son premier Ministre Monsieur Alassane Dramane OUATTARA, puis du Président Henri Konan BEDIE qui s’est inscrit dans le sillon défini par son prédécesseur, peut-être avec moins de réussites, s’est progressivement écarté des valeurs du travail au point même de les avoir en horreur avec l’avènement du régime frontiste sous la férule du guide suprême, Christ de Mama, Monsieur Laurent GBAGBO, ex-Président de la République de Côte d’Ivoire. La situation, de visu, est plus que dramatique. Toutefois, cela n’étonne guère lorsqu’on est instruit du fait que celui-là même qui était censé incarner les institutions de la République et de veiller à leur respect, Chef suprême de l’armée et garant de la bonne marche de la nation, a de l’aversion pour le travail. Vus son statut et sa stature, ne se rendre au bureau qu’à partir de 10 heures ou 11 heures du matin, pour en repartir seulement quelques 3 heures ou 4 heures après, à destination de son domicile n’est certainement pas un bon exemple pour ceux qu’on gouverne. Cette attitude à la limite de l’acceptable a fait école dans notre administration où l’on ne travaille que deux jours sur les cinq réglementairement requis hebdomadairement, les autres étant illégalement destinés à se rendre soit aux funérailles soit en week-end avec des véhicules administratifs achetés et entretenus avec l’argent du contribuable. Ce qui naturellement conduit inéluctablement à une paralysie dans l’exécution des tâches, des dossiers et naturellement à une gabegie dans la gestion des ressources de l’Etat. Qui plus est, on n’a aucun égard pour la notion du temps qui du reste structure notre existence en tant que cadre dans lequel se déroule cette existence. Nous avons un rapport laxiste au temps comme si on avait de l’ascendance sur lui, comme si on avait le pouvoir de le dompter et de le soumettre à nos caprices. Or, le temps est la marque de notre finitude, « le signe de notre impuissance » selon les termes de Jules LAGNEAU. Ce qui revient à dire qu’en s’adonnant à une gestion relâchée de ce facteur déterminant, on risque de se surprendre un matin entre les griffes de la mort, instance dernière et fatale de notre séjour temporel, sans avoir rien conçu de substantiel, de proverbial pour la postérité. La ponctualité ne revêt désormais aucune importance aux yeux de l’ivoirien et de l’africain en général. Vous fixez un rendez-vous d’affaires ou une réunion à 14 heures et sans remords, sans la moindre once de rigueur sur soi-même, on se présente à 16 heures ou à 17 heures avec quelquefois l’air massacrant assorti de propos discourtois comme si on était fondé dans sa démarche, on avait, selon les dispositions légales et morales, le plein droit de se conduire ainsi. Cette gestion scabreuse du temps a été, comme susdit, l’une des failles déterminantes du système frontiste ayant concouru pour beaucoup au cinglant revers enregistré par Monsieur Laurent GBAGBO, à la suite du dernier scrutin présidentiel. Bouffi de rancunes et très peu porté sur les choses utiles, en accédant à la magistrature à la faveur d’un accident historique, le chef de file de la refondation a consacré un laps temporel inutilement outrancier à des règlements éhontés de compte, des exécutions extrajudiciaires, la persécution quasi-permanente de ses adversaires politiques, la course endiablée à l’enrichissement illicite et la luxure, faisant de ce fait fi des attentes réelles de son peuple sourdement miné par la disette, la maladie, l’insécurité.

Quant aux valeurs de la démocratie comme doctrine humaniste élevant l’homme au statut d’être ‘’absolu’’ dont le mieux-être et le bonheur priment sur tout, on y croit pas trop sous les tropiques. Quand bien même, on feint d’y accorder quelque importance, ce n’est qu’hypocritement, en accord avec les préceptes machiavéliens, juste pour assouvir ses fins démagogiques et mieux endoctriner le peuple. Thomas HOBBES, penseur et théoricien politique anglais préférait un régime politique absolu à la démocratie pour des raisons nobles : la nature humaine, caractérisée essentiellement par un élan outrancier à l’égoïsme, à la barbarie et à la violence, opter pour un exercice démocratique synonyme pour lui de libertinage, serait ouvrir la boîte de pandore de l’anarchie, de la permissivité et ses corollaires d’insécurité, de crimes, de conflit généralisé de chacun contre chacun. Ainsi HOBBES jeta son dévolu sur une conduite autocratique, dirigiste du pouvoir d’Etat pour les méritoires leitmotive de l’ordre, de la stabilité, de la justice et de l’harmonie au sein de la cité. Mais se fixer à un tel argument comme justificatif aux dérives messianiques et fascisantes des ‘’dieux’’ des tropiques, despotes devant l’Eternel, ne saurait résister à une offensive analytique sérieuse car, loin d’être préoccupés par le souci d’ordre et de stabilité, ces indécrottables tyrans, à travers les répressions scélérates et sauvages dirigées contre tous ceux qui leur sont idéologiquement opposés, les dénis de droits et de justice les plus élémentaires, ne visent, en réalité, qu’à mettre à l’abri de tout tsunami politique, leurs intérêts égoïstes et égocentriques, à protéger leur fauteuil qu’ils savent, convoités, les avantages fantaisistes et sans fondement juridique accordés à leurs proches (épouses, enfants, tantes, oncles , sœurs, frères, cousins, gendres…) Ainsi nullement favorables au principe de l’alternance démocratique qu’ils louent pourtant par le truchement de discours fleuves dont le ridicule le dispute à la vacuité des concepts qui les structurent, ces iconoclastes aventuriers réussissent à instrumentaliser à des fins bassement politiciennes la naïveté, la candeur, la confiance manifestées à leur endroit par leurs populations qui ne réclament que des conditions de vie sociale et économique viables, acceptables. Mais cela pour combien temps ? Quand vient le moment fatidique où ils sont mis à nu dans leurs manœuvres, leurs manèges machiavéliens, ils imposent à leurs peuples toutes sortes d’humiliations et de souffrances en actionnant leurs machines à tuer, leurs juges, leurs policiers, leurs armées qui, rompant d’avec leur mission régalienne de protection des populations et des biens, s’illustrent tristement par des actes d’une barbarie inqualifiable et inquantifiable. Or, dans une démocratie, le pouvoir ne saurait être l’apanage exclusif d’une famille, d’un clan astreignant ainsi fatalement les autres citoyens, quelquefois aux compétences et au professionnalisme avérés, à inaugurer interminablement les chrysanthèmes. C’est d’ailleurs l’une des causes essentielles justifiant la récurrence des pronunciamientos, des rebellions en Afrique. Si les élections qui sont consacrées comme voies légales et légitimes permettant d’accéder à la magistrature suprême sont vidées de leur substance par des conduites et pratiques au ras des pâquerettes (fraudes, violences…), il serait inconséquent de s’ahurir du fait que des individus ayant été frustrés, bafoués dans leurs droits et leur dignité, s’organisent en bandes armées dans le seul but de revendiquer, de demander réparation ou de requérir l’instauration d’un ordre nouveau comme condition de leur reddition. En toute objectivité, ce n’est nullement donner dans la surenchère surtout que l’objectif visé ici est l’instauration d’une démocratie vraie, sauf dans quelques rares cas où l’on en vient à se parjurer par la suite en tentant de se maintenir contre et envers tous (cas du général GUEI en Côte d’Ivoire, du capitaine Moussa Dadis CAMARA en Guinée), parce que n’ayant pas pu résister à la tentation du pouvoir et aux privilèges affriolants y étant liés. Mais il faut le comprendre une fois pour toutes et il ne peut en être autrement : un esprit n’est véritablement fécond, ne devient intarissable de créativité, de trouvailles, de découvertes révolutionnaires que lorsqu’il est libre, épanouit et en toute logique, peut donc s’éclater dans tous les sens sans restrictions nihilistes, liberticides ; toutefois, est condamné fatalement à s’appauvrir, pis à une inertie stérilisante lorsqu’il est bâillonné et réduit au conformisme, à l’unanimisme, à ne produire qu’un discours tautologique, invariant et invarié. Et nul n’est sans savoir qu’une nation n’est prospère que lorsque ses fils et filles y réfléchissent mieux, rivalisent de compétitivité, d’idées novatrices promptes à impulser le développement, le progrès. Seule une doctrine favorable à une polyphonie de l’espace politique où le citoyen n’encourt aucune foudre en optant pour le parti politique de son choix, lorsqu’il peut se prononcer en toute liberté sur les questions cruciales engageant la vie de sa nation sans être écroué, tué, lorsque les droits fondamentaux, la dignité de l’homme sont respectés, lorsqu’on peut octroyer sa voix au candidat de son choix lors du suffrage universel sans être l’objet de violence, de barbarie, comme c’est le cas dans les Etats développés, technologiquement et scientifiquement avancés, lorsque les résultats de ces consultations électorales sont acceptées de tous les protagonistes, quand bien même on a sous ses ordres les forces armées nationales et même transnationales. Cela ne peut s’obtenir que dans régime démocratique exercé dans ses principes les plus essentiels sans déguisement, sans camouflage. Pour sortir donc de l’ornière, l’Afrique se doit impérativement d’éduquer ses fils et filles aux vertus du travail bien fait et aux valeurs de la démocratie traitant l’homme, valeur suprême, comme une fin et jamais comme un moyen.

DIARRA CHEICKH OUMAR

E-mail : sekdiasek@gmail.com

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