A Bercy, la révolution Tiken

Reggae. L’Ivoirien Tiken Jah Fakoly lance une « Semaine africaine et solidaire ».
lejdd.fr

La Nuit Africaine, hier au Stade de France, s’achève et déjà, samedi, ce sera au tour de Bercy de célébrer l’énergie africaine avec l’ivoirien Tiken Jah Fakoly. La proximité des deux événements, à peine pensable voici quelques années, réjouit ce héros du reggae francophone : « Les deux soirées sont espacées d’une seule semaine, c’est un hasard très positif. On va pouvoir parler de l’Afrique mobilisée et non des misères ou des guerres. Si j’ai choisi la date symbolique du 18 juin, c’est pour lancer un appel : pourquoi l’Afrique est-elle riche et ses habitants sont-ils pauvres? Pourquoi notre histoire n’est-elle pas enseignée alors que nous avons appris la vôtre? Pourquoi l’homme africain n’est-il pas respecté? »

Dans cet esprit, Tiken Jah Fakoly se positionne toujours en militant. African Revolution, son album paru en septembre 2010, se veut doublement révolutionnaire : ouvert aux sonorités traditionnelles à renfort de cordes typiques (ngoni, kora, soukou…) et, bien sûr, musclé de refrains-slogans tendus et indignés : Je ne veux pas de ton pouvoir, Sors de ma télé, Il faut se lever, Laisse-moi m’exprimer, Je dis non etc.
Forum associatif à Bercy

A l’occasion de son grand concert, l’artiste lance aussi une semaine « africaine et solidaire » avec des projections de films, des expositions de photos et de produits éthiques-équitables dans les cinémas MK2 parisiens. Et samedi après-midi, à Bercy avant de laisser place au reggae, cette mobilisation suscitera carrément la tenue d’un forum associatif avec Amnesty, Unicef, Survie ou WWF, les ONG Urgence Afrique, Les Toubabs de Marena, etc. Une trentaine d’organisations sont annoncées. Quant aux recettes de l’événement, elles sont destinées à la construction d’une école en Guinée…

« Depuis deux ans, explique Tiken, mes concerts ont déjà aidé à la construction ou aux réhabilitations d’écoles en Côte D’ivoire, au Burkina, au Mali. La Guinée a aussi besoin de notre action, elle a un fort potentiel mais a longtemps été trop mal gérée. Après une première partie confiée à Didier Awadi, mon concert s’ouvrira d’ailleurs sur les chants d’un grand griot guinéen, Mory Djely. L’éducation, c’est la clé de la révolution. Je fais tout pour que mes enfants soient dans de bonnes écoles et reçoivent, aussi, un savoir africain, notamment le respect des grands frères et le chemin de la religion tel que mon père me l’a transmis. »
Révolutions et réseaux sociaux

Cruciale dans le rastafarisme, la religion reste pourtant peu évoquée dans les chansons de Tiken Jah Fakoly. « C’est vrai, bien qu’elle soit importante. Quand voit comment certains l’utilisent pour attiser les tensions, moi je préfère ne pas en parler. Je suis musulman mais je considère le rastafarisme comme un mouvement de pensée global. Ce qui importe, c’est la justice, l’égalité. Il n’y pas une religion meilleure que l’autre pour ces combats là. » A cet égard, comment voit-il les révolutions amorcées dans le monde arabe? « J’ai appris que, sur Facebook, des milliers de tunisiens m’avaient demandé de m’exprimer pour eux. Depuis, j’ai rencontré des organisateurs qui envisagent un grand concert à Tunis. J’y serais si cela se concrétise. J’espère pouvoir enregistrer un titre qui leur serait spécialement dédié. »

« Leur révolution, je l’ai accueillie avec beaucoup d’espoir. Le peuple a prouvé qu’il pouvait chasser les ingrats, c’est un long chemin qui s’ouvre. En Syrie, ils n’ont pas encore gagné le combat mais ils ont cassé le mythe. C’est une fissure encourageante. Quoiqu’il en soit, il n’y aura pas de retour en arrière. Pendant des décennies, dans la quasi-totalité des pays sous développés, les peuples ont été maintenus dans l’ignorance par les médias d’état. Avec les réseaux sociaux, c’est fini et en Afrique noire comme ailleurs, cela va continuer de changer les choses. Et si les dirigeants persistent à divulguer des mensonges, les gens se révolteront. »
Réconciliation en Côte d’Ivoire

La paix n’en reste pas moins cruciale, notamment en Côte d’Ivoire. « Nous sommes immensément soulagés bien sûr. Non pour la victoire de l’un ou la défaite de l’autre, mais parce que la démocratie a enfin repris ses droits. Maintenant, tout ce qu’on souhaite, c’est que nos conditions de vie s’améliorent dans les cinq ans à venir. » Retournera-t-il s’installer en Côte d’Ivoire, lui qui vit désormais à Bamako, où il a ouvert un studio d’enregistrement et un club de reggae ? « Je me sens bien au Mali mais je me tiens prêt à participer à la réconciliation. Le peuple ivoirien a été divisé, manipulé. Il va falloir un traitement de fond mais je garde espoir. Notre histoire n’est pas violente et nous avons toujours été un peuple hospitalier. Maintenant que les gens ont envie de repasser à la normalité et de se parler, les artistes ont le devoir de soutenir cet élan. »

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