Débutée en avril, à Abidjan, puis en mai à l’intérieur du pays, la gratuité des soins dans les hôpitaux publics avait été suspendue, dimanche. Au grand dam des malades. Les conséquences étaient peu reluisantes dans les centres de santé. Mais heureusement la gratuité a été reconduite hier par le gouverment ivoirien.
Centre hospitalier universitaire de Cocody (chu). Ce mercredi, il est 10h, quand un groupe d’insuffisants-rénaux, très en colère, fait une descente dans les locaux de leur Association en Côte d’Ivoire, au Service d’aide médicale d’urgence (Samu). Ils s’emparent des kits de dialyse, et ne veulent rien savoir lorsque M. Essan, le président de cette association leur dit qu’ils n’en ont pas le droit. C’est l’instinct de survie ! Ces kits qui étaient vendus à 2.500 Fcfa coûtent, aujourd’hui, 25.000 Fcfa. Soit dix fois plus cher. Avec la crise, ces prix sont hors de portée, quand on sait qu’il faut au minimum deux séances de dialyse dans la semaine. C’est donc des insuffisants-rénaux désespérés qui assiègent leurs propres locaux pour s’emparer de ce qui leur permet de rester en vie. Les altercations submergent le Samu. Plutôt que de régler l’affaire entre eux, quelqu’un du bureau des dialysés a la mauvaise idée d’appeler les forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Celles-ci font une descente musclée au Chu. Ils vont vite se rendre compte que c’est un problème entre insuffisants-rénaux, et repartent aussitôt. Mais, des dialysés ont malheureusement été débranchés à cause de cette situation. Ils sont obligés de payer un autre kit de dialyse, à 25.000 Fcfa pour reprendre l’opération. Sans remise. La gratuité a vraiment pris fin dans les hôpitaux publics et les conséquences sont dramatiques.
Il n’y a pas de politique intermédiaire. Le Chu de Cocody qui n’a pas encore renoué avec son affluence d’antan, est revenu à ses anciens coûts. Ces prix ont même dépassé leur seuil habituel quand on prend le cas des kits de dialyse (passé de 2.500 Fcfa à 25.000 Fcfa). Dans le bloc opératoire, pour opérer une hernie, il faut préparer environ 200.000 Fcfa. 43.000 Fcfa pour la consultation, 80.000 Fcfa pour les frais d’ordonnance, 40.000 Fcfa pour l’anesthésie pendant l’opération. Et 6.000 Fcfa pour l’hospitalisation. Dans les halls du bâtiment, au troisième étage, les familles, acculées, sans argent, viennent se renseigner, mais repartent dépitées à la maison avec leur mal. Parce qu’elles sont dans l’incapacité de faire face aux dépenses. Dans le couloir qui mène à la salle d’accouchement, des femmes dorment à même le sol, sur des cartons. Celles qui viennent accoucher doivent s’acquitter de la somme de 30.000 Fcfa. Pour les malheureuses qui doivent passer par une césarienne, c’est 200.000 Fcfa. « J’aurais préféré qu’en revenant à la normalité, les prix soient revus légèrement à la baisse », confie une femme. Qui ajoute, qu’en temps normal, les femmes ont le droit d’accoucher gratuitement. Hélas ! les prix n’ont pas varié. Et des malades préfèrent aller voir ailleurs. Pourquoi pas le tradi-praticien, à en juger par cette conversation qu’un médecin, furieux, a avec un patient, aux urgences médicales : le patient, après s’être fait consulter au Chu, est allé se soigner chez le tradi-praticien du quartier. Conséquence, la maladie s’est aggravée, et il revient voir le médecin pour savoir que faire.
A l’hôpital Félix Houphouet-Boigny, à Abobo, des malades ont été surpris par la suppression de la gratuité dans les hôpitaux publics. C’est le cas de cette famille venue accompagner un garçon de 13 ans qui souffre de fièvre typhoïde. A la consultation, lorsque le médecin leur a dit que la gratuité a pris fin, ils sont repartis. Et l’indignation de certains. « Nous n’avons pas d’argent, le gouvernement doit penser à nous les pauvres et prolonger la gratuité, voire pendant deux mois encore », explique Karim Bakayoko, qui souffre d’un mal de ventre dont il ignore les causes. L’autre conséquence, même indirect de cette reprise des frais : le manque de matériel. La radiologie, par exemple, est hs (hors-service), le blog opératoire chirurgical fonctionne à la moitié de ses capacités. Les malades sont conduits vers la clinique des cours sociaux, à Abobo. Pareil au Chu de Cocody où la direction a affiché cette note : « la radiologie du Chu de Cocody, pour des raisons techniques, a momentanément suspendu ses activités…»
Médecins sans frontière (msf), installé à l’hôpital central d’Abobo, continue tant bien que mal de poursuivre la gratuité. Mais elle ne concerne maintenant que les soins et les pansements (et pourrait prendre fin du jour au lendemain). Cela n’empêche pas les malades de prendre le centre d’assaut, tous les jours. Car, il y a surtout de la nourriture gratuitement. Comme on le dit dans le jargon : « Ivoirien aime cadeau ».
Raphaël Tanoh
Nord-Sud
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