La Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI), la plus grande faîtière des Organisations de la Société Civile en Côte d’Ivoire, a organisé du 07au 08 juin 2011 à l’INADES Formation, un Atelier de réflexion sur le thème: «Mandat et fonctionnement de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation: les propositions de la Convention de la Société Civile Ivoirienne»
Y ont pris part :
-des experts nationaux de la CI-CPI, du MIDH et de la CSCI;
-des experts internationaux venus du Maroc (IER), du Togo(CVJR) et de la FIDH;
– des représentants du PNUD, NDI, SANT’EGIDIO, Centre Carter, CNDHCI et CERAP
Les réflexions ont porté, d’une part sur le mandat et d’autre part sur la composition et le fonctionnement d’une Commission Indépendante Dialogue, Vérité et Réconciliation en Côte d’Ivoire.
I- Au titre du mandat de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation
Les participants proposent que la Commission prenne en compte les événements politiques, économiques, militaires et socio culturels majeurs qui se sont déroulés en Côte d’Ivoire sur la période allant de 1960 à 2011; les événements antérieurs à l’indépendance étant sous le couvert de l’administration coloniale. Les sous périodes à considérer sont celles du monopartisme (1960-1989), la première décennie du multipartisme (1990-1999) et la période d’instabilité politique (2000-2011).
1-1- les évènements majeurs de la période du monopartisme (1960-1989) sont notamment les problèmes de gestion du foncier rural, les grands flux migratoires et le début des problèmes identitaires. En outre, pour les besoins de la réconciliation nationale, l’Etat de Côte d’Ivoire devrait prendre des dispositions liées au devoir de mémoire dans les « Affaires Sanwi et Guébié ».
1-2- Les évènements majeurs de la première décennie du multipartisme (1990-1999) sont liés à l’avènement du multipartisme dans des conditions d’impréparation et de désordre. Les principaux problèmes apparus sont la succession du président Houphouët en 1993, les défiances régulières du pouvoir d’Etat et les répressions, la crise de l’école, les dérives de la presse, la politique d’immigration (cartes d’électeurs distribuées à des étrangers en 1990, cartes de séjour imposées aux mêmes étrangers..), la question de l’ivoirité, la modification du code électoral et de la Constitution, le boycott actif de l’élection présidentielle de 1995 et le coup d’Etat de 1999.
1-3- La période d’instabilité politique (2000-2011) a été marquée par les principaux évènements suivants : révision constitutionnelle de 2000, différentes tentatives de coups d’état, élimination de candidatures à l’élection présidentielle de 2000, conditions chaotiques de la tenue de l’élection présidentielle de 2000 (violences, charnier…), Forum de Réconciliation Nationale de 2001, rébellion armée de 2002 (assassinat du Général Guéi, partition du pays…), juxtaposition du droit commun (législation nationale) et des accords de paix dans la gestion de la crise ivoirienne, fragilisation des institutions nationales, tracasseries policières (tracasseries routières, rackets, impunité…), aggravation des problèmes de l’école ivoirienne (violence, problèmes pédagogiques et sociaux…), généralisation de l’insécurité et de la corruption, problème d’application des conventions internationales (ratification, non respect…..), violations massives des droits humains, violences spécifiques sur les femmes, instrumentalisation des médias, de l’opinion publique, des religions, des groupes ethniques et de la jeunesse, déstabilisation de partis politiques, non respect du code de bonne conduite des partis politiques, compositions et fonctionnements de la CEI et du Conseil Constitutionnel, reports successifs des élections de 2005 jusqu’en 2011, marginalisation de la société civile par la classe politique, affrontements armés post électoraux, destruction de biens publics et privés (pillages…).
Pour traiter tous ces problèmes, la société civile propose que la durée des travaux de la commission n’excède pas 30 mois. Enfin, il serait souhaitable que les conclusions de la CDVR soient publiées au plus tard le 31 décembre 2013 afin que celles-ci soient prises en compte dans l’élaboration d’une nouvelle constitution de la Côte d’Ivoire.
1-4- Les missions de la CDVR devraient être les suivantes :
1. Mener des enquêtes sur les faits majeurs en vue de dresser le tableau le plus complet possible de la nature, des causes de l’étendue et de la gravité des violations des droits humains qui ont eu lieu entre 1960 et 2011.
2. Susciter la participation de toute la population à l’ensemble du processus de réconciliation
3. Recevoir les plaintes des victimes et assurer la confidentialité des dépositions
4. Veiller à la sécurité des victimes, des témoins et des présumés auteurs
5. Donner aux victimes l’occasion de parler des violations qu’elles ont subies
6. Rechercher la vérité sur tous les faits portés à sa connaissance y compris par la confrontation des victimes et des présumés auteurs.
7. Obtenir la repentance des coupables et le pardon des victimes.
8. Proposer des réparations pour toutes les victimes et les ayant droits en vue de leur rendre justice
9. Proposer l’amnistie si cela est nécessaire et en fonction de la gravité des faits incriminés
10. disposer d’un libre accès dans le cadre des enquêtes, à toutes les sources d’informations (archives, registres…)
11. Disposer de pouvoirs de citation à comparaître
12. Proposer des mesures pour prévenir la répétition des abus et des violations graves des droits humains.
13. Promouvoir la culture de la paix par l’éducation, le dialogue, la réconciliation et la cohésion sociale
Certaines recommandations de la CDVR devront être traduites en lois.
II- Au titre de la composition et du fonctionnement de la commission
2-1- Critères de choix et effectif des membres de la Commission
Pour être membre de la commission, il faut être compétent dans son domaine, impartial, indépendant, inspirer confiance et ne pas être récusé par les autres membres de la Commission ou par l’opinion publique. Au regard des expériences et des principes directeurs des commissions « indépendantes vérité, justice et réconciliation » à travers le monde et en Afrique, la commission ivoirienne ne doit pas comprendre de politiciens et de militaires. L’effectif de la Commission ne saurait excéder 20 personnes. Le président de la commission ivoirienne étant un homme politique, la CSCI souhaite que les autres membres soient désignés par consensus, à partir des critères de choix mentionnés plus haut, par les groupes sociaux et selon les quotas suivants : religieux(2), universitaires(3), chefs coutumiers(2), secteur privé(2), centrales syndicales(3), organisations de la société civile(5), organisations de la jeunesse(1). La commission devra comprendre au minimum un tiers (1/3) de femmes. Par ailleurs, elle devra être structurée en commission centrale, en sous-commissions et en antennes régionales.
2-2-Fonctionnement de la Commission
La commission devra adopter un guide de travail et un règlement intérieur. Les décisions de la commission doivent être prises de manière consensuelle ; à défaut, par vote. Le personnel de la commission doit être recruté par appel à candidature. Pour garantir l’autonomie financière de la commission, elle devra être dotée d’un budget autonome prévu par la loi des finances et son compte alimenté intégralement en trésorerie aussitôt après l’adoption du budget.
Fait à Abidjan, le 08 juin 2011,
Pour l’Atelier, le Comité Scientifique
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