“Nous serons bel et bien au gouvernement, les discussions sont en cours”
Le Président, de l’Union des Patriotes pour la Libération Totale de la Côte d’Ivoire, Eugène Djué, s’est inscrit dans la dynamique de réconciliation enclenchée par les nouvelles autorités ivoiriennes. Ses actions sont diversement interprétées par les Ivoiriens. Dans cet entretien, Eugène Djué revient sur la portée de son engagement auprès des nouveaux dirigeants, tout en précisant que, le Fpi participera au gouvernement d’union.
Vous avez entamé une série d’actions en faveur de la réconciliation, est-ce qu’aujourd’hui, l’on peut affirmer que votre voix porte auprès de vos amis de LMP ?
Je vous remercie ! Je peux dire aujourd’hui, que ma voix n’est pas aussi anodine auprès des Ivoiriens et de mes camarades de l’ancienne majorité présidentielle. Je le dis, parce que vous avez dû le constater, les belligérances que nous avons souhaitées voir cesser ont cessé. Aujourd’hui, nous sommes passés de l’accalmie à la normalisation. Nous sommes en train de rentrer progressivement dans un Etat de Droit qui permettra certainement à chacun de nous de nous exprimer. Mais, comprenons que nous venons de très loin. Certes, il reste beaucoup à faire, mais je suis très optimiste pour la suite.
D’où vous est venue cette idée de vous détacher du lot pour épousser les actions de réconciliation ?
Je ne me suis pas détaché du lot et il faut que les gens le sachent. Je ne vais pas me renier du FPI. Je ne me suis pas détaché de Laurent Gbagbo. Je suis Eugène Djué, un Ivoirien, un patriote qui voit la Côte d’Ivoire en difficulté. Les Ivoiriens, comme moi, se demandent comment d’une crise de 10 ans où nous étions en train d’en sortir, selon tout le monde par des élections, on a pu replonger aussi subitement dans la violence. Et face à la peur du néant, du chaos qui se dessine pour notre pays, je crois que chaque Ivoirien doit se demander qu’est ce que je peux faire pour arrêter cette saignée. Quand je me suis posé la question, il se trouve que j’ai une petite voix que j’ai essayée de faire prévaloir. Ce que j’ai pu faire, c’est de contribuer un tant soit peu à réaliser le vœu le plus cher de tous les Ivoiriens. Aujourd’hui, nous assistons à un retour au calme et à la paix.
Est-ce que votre action n’est pas mal vue au sein de votre famille politique, plus particulièrement au sein de la jeunesse patriotique?
L’unanimité n’est pas de ce monde. C’est comme ça, parce que la perfection n’est pas de ce monde. Je considère qu’en tant qu’homme, il est bien évident que certains ne perçoivent pas la portée immédiate de cet acte. Mais, dans mon cas, c’est la majorité que je peux joindre. La majorité des Ivoiriens m’appelle pour me féliciter, m’encourager, et saluer cette initiative. Mais, il est beaucoup trop tôt de faire un bilan. Plus nous avancerons, plus les gens comprendrons l’action en voyant les résultats. Je crois que pour le moment, il y a un peu trop d’émotions. Certains sont peut être encore dans cet état et ne peuvent pas juger sérieusement ce que nous sommes en train de faire. Pour moi, quand on recherche la paix, on ne cherche pas trop à se justifier. On prie que Dieu nous guide, parce que lui seul sait et connait la valeur de ce que nous faisons.
Vous êtes sans ignorer que les Ivoiriens ne sont pas encore sereins. Ils ont peur de certains de vos camarades qui sont à l’extérieur du pays. Quelles sont les actions concrètes que vous mener pour leur retour ?
Justement c’est le problème. La portée de cette action, d’autres le comprendrons après. Aujourd’hui bien évidemment, il y a encore des difficultés. Nous avons beaucoup de militants qui traversent des difficultés dans les quartiers et les villages. Ils sont cachés dans les brousses parce qu’ils ont peur pour leur sécurité. D’autres sont contraints à la clandestinité et d’autres sont même contraints à l’exil. Tout cela pose le problème de sécurité, de la normalisation, de la tolérance, du pardon et donc, c’est par la sensibilisation que nous allons réussir. Il est question d’abord de sensibiliser de notre côté. Il y en a qui sont à l’extérieur, parce qu’ils n’acceptent pas la situation. Il faut qu’ils comprennent que les choses ont changé et qu’ils acceptent la réalité. Il y a de l’autre côté, aussi, des gens qui n’acceptent pas la situation, ils pensent que cette situation est une occasion pour eux de se venger. Il faut leur parler et leur faire comprendre que même si les gens vous ont causé du tort, il ne faut pas se rendre justice. Je suis dans cette logique et donc, c’est le travail de sensibilisation qui doit continuer à travers des appels à la tolérance, au pardon. Il faut discuter et ouvrir des espaces de discussions.
Concrètement, est-ce que vous êtes en contact avec Blé Goudé et le reste des leaders la galaxie patriotique?
Particulièrement non ! Mais je suis en contact avec plusieurs de nos camarades qui cherchent à rentrer avec la seul crainte que les conditions de sécurité ne soient pas encore réunies et donc, nous allons travailler un peu plus là-dessus. Nous en parlons avec les autorités d’ailleurs et donc, nous croyons que très bientôt, les choses iront pour le mieux.
Que pensez-vous de ce que les nouvelles autorités disent : la réconciliation d’accord, mais la justice d’abord ?
Non, je pense que les nouvelles autorités écoutent la Côte d’Ivoire et peut être l’Afrique même. Tous, nous sommes habités par la peur et le doute des réconciliations ratées. En 2001, on en a fait et puis dix ans après, voilà une autre crise. D’aucuns ont donc tendance à dire que si la classe politique n’intervient pas, il risque d’avoir encore une autre réconciliation ratée. Mais, ce qu’il faut faire, c’est d’éviter de brandir la justice comme une menace. En matière de réconciliation, le plus important, c’est que les vérités se sachent et que les gens puissent parler librement sans menace. Si les gens ont peur de l’idée qu’ils seront poursuivis, ils ne viendront pas témoigner. Voilà l’inconvénient de cette utilisation de cette justice comme élément clé de la réconciliation. Pour moi, il ne faut pas une réconciliation sur la base des conséquences de cette crise. Je suis plutôt penché sur les causes. Qu’est ce qui a bien pu emmener les Ivoiriens à arriver à cette situation. Les causes nous permettront de faire en sorte que plus jamais, on ne retombe dans ce qui s’est passé. Il faudrait chercher à savoir, comment un jeune Ivoirien a pu prendre un couteau pour égorger un autre ivoirien ? Comment des Ivoiriens sont-ils arrivés à brûler vifs leurs semblable s? Autant de questions qui devraient guider nos actions de réconciliation.
Pour vous, ce sera un forum de réconciliation de trop ?
Il faut éviter que ce soit encore une réconciliation ratée. C’est-à-dire, il faut éviter les travers de l’impunité, car il y a le risque que les victimes cherchent à se faire justice. Deuxièmement, à il ne faut pas aussi que cette réconciliation soit celle des forts contre des faibles, des vainqueurs contre les vaincus, des bons contre des mauvais. Dans ce cas, on ne se parle plus. Car, le vaincu se prêtera facilement à cette réconciliation sans dire mot. Et l’inconvénient dans ce cas d’espèce, c’est que le vaincu ruminera une vengeance. Je crois que cette réconciliation doit mettre fin à une spirale de violences, à une crise de dix ans, où des gens cherchent à se venger. C’est pourquoi, il faut créer les conditions pour que tous les Ivoiriens rentrent. Et cela ne s’adresse pas à Blé Goudé seulement. On parle de plus 60 000 réfugiés. Que les conditions soient créées pour le retour de tous ces Ivoiriens et qu’on n’arrête momentanément de les menacer avec les affaires de justice. Et que tout le monde prenne part à cette réconciliation et qu’ensemble nous cherchions les causes de ce qui est arrivé à notre cher pays.
Des rumeurs font état de ce que vos amis exilés à l’extérieur du pays, tenteraient de faire un coup d’Etat. Qu’en est-il exactement, vous qui êtes au centre des discussions pour la réconciliation et leur contact avec tous ces gens ?
J’ai vent de ces rumeurs. On m’a même cité des noms. Mais comment pensez-vous que, des gens qui nous sollicitent pour que nous leur apportions au moins 10000fcfa, parce que leurs conditions de vie s’avèrent difficiles puissent envisager de faire un coup d’Etat. Il faut qu’on arrête de se faire peur. C’est pour cela que je me bats pour que mes amis reviennent. Car, tant qu’il y aura des gens à l’extérieur, on fera courir des rumeurs sur leur compte. Je demande à tous mes amis de la galaxie patriotique de rentrer. Je connais les conditions dans lesquelles ils vivent. Pour que certains d’entre eux reviennent, il faut que je leur trouve le transport. Et c’est à ces personnes qu’il est malheureusement reproché de préparer un coup d’Etat. Je demande aux autorités de créer les conditions pour le retour de ces jeunes. Certains d’entre eux ont peur pour leur sécurité immédiate, d’autre pour une reprise de la crise, parce qu’il n’y pas encore de la normalisation. Pour notre part, c’est de travailler au retour de l’Etat de Droit. Nous sommes engagés aux côtés des nouvelles autorités à faire tout ce qu’il faut pour que les choses avancent et le plus rapidement possible.
Peut-on parler de réconciliation sans justice ?
Mettons en avant le pardon, la réconciliation, la cohésion sociale, la tolérance… Mais la justice, quant à elle reste la justice.
L’actualité aujourd’hui, c’est la formation du gouvernement d’union. Le Fpi, au sortir d’une Assemblée Générale extraordinaire, a posé un certain nombre de conditions avant d’intégrer ce gouvernement. Quel est votre avis sur la question ?
Le Fpi n’a pas posé de conditions. Le Front populaire ivoirien n’est pas contre le principe d’une entrée dans un gouvernement d’union. Dans la construction de l’Etat de Droit, le Fpi ne peut pas se mettre en marge, après avoir fait toutes ces déclarations. Aussi, il ne peut pas se mettre au travers de la normalisation de la situation. Ce que j’ai cru entendre à la sortie de la réunion du comité central à laquelle j’ai participé personnellement, c’est que, les conditions sont encore un peu difficiles pour le militant du Front populaire ivoirien. Les Secrétaires et les Fédéraux ne sont pas disponibles, parce qu’ils sont traqués. S’agissant de nos amis qui sont détenus, nous n’avons pas de leur nouvelles, au point où de folles rumeurs sont construites sur leur compte. Ceci, pour dire que ce ne sont pas des conditions que le Fpi a posées, mais plutôt, ce sont des problèmes liées à la normalisation de la situation qui ont été soulevés par les camarades militants. Le Fpi reconnaît qu’une crise a existé dans ce pays et que nous avons été battus
Donc, vous confirmez que votre parti sera dans le gouvernement d’union nationale?
Je le répète, le Fpi sera dans le gouvernement d’union nationale. Le Président par intérim a été mandaté pour rencontrer les nouvelles autorités. Et des démarches sont en cours pour régler les problèmes. Ce que je souhait, c’est que la presse aide le Fpi à ne pas être dans esprit de préalable et de conditions. La libération de Gbagbo n’est pas un préalable pour la participation du Fpi à un gouvernement d’union. Aujourd’hui, la crise est finie. Que tout le monde entre dans la logique de réconciliation tracée par la Président de la République. Nous devons donc décourager toutes ces personnes qui veulent mettre en mal les efforts de la réconciliation entrepris par les nouvelles autorités.
Si ces questions que le Fpi soulève comme vous le dites, ne sont pas traitées avant mi-juin, où le nouveau gouvernement sera connu. Quelle sera la position du votre parti?
Je crois que ces questions seront traitées, car les nouvelles autorités ont montré clairement leur intention d’associer tout le monde à la reconstruction de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, je veux faire cette précision. La position du Fpi, n’est pas un chantage, et ça ne peut pas être du chantage. Mieux, ce n’est pas une intention de bloquer ce pays. Il y a des réalités sur lesquelles, et les autorités, la presse et les ivoiriens doivent se pencher. Car, ce sont des réalités qui sont de nature à ne pas permettre une structure d’aller au gouvernement.
Président que répondez-vous aux Ivoiriens et aux militants de votre parti qui disent que votre action auprès des nouvelles autorités est motivée par des intérêts. En clair, c’est parce que vous êtes en quête de poste qu’aux premières heures, vous vous êtes détaché pour vous rapprocher du camp du Président Alassane Ouattara ?
Cette manière de penser est propre aux Ivoiriens. Vous penser que pour rechercher des postes, on doit se mettre sous les obus ? Et, c’est ce que ce j’ai fait, parce que j’étais plutôt en quête de paix. Moi, durant une vingtaine d’années, j’ai consacré ma vie à œuvrer pour le régime Fpi. Est-ce que les ivoiriens m’ont vu occuper un poste de ministre sous le Président Laurent Gbagbo. Pourquoi les gens peuvent penser que ce sont les postes qui motivent mes actions. Il faut que les Ivoiriens sachent que, Eugène Djué court pour la paix, parce qu’il a vu la guerre. Je ne sais pas si les Ivoiriens ont vécu cette guerre comme moi. Je ne m’attendais pas à cela. Je croyais à ce processus de paix qui devrait se clôturer par les élections et malheureusement c’est la guerre qu’on a connue. Que les Ivoiriens arrêtent de penser à leurs intérêts. Je peux être bien là où je suis et continuer de faire mon travail ou bien être dans un gouvernement et continuer de faire mon travail. Particulièrement, je ne suis pas préoccupé par un poste. Je suis préoccupé par la paix et la réconciliation vraie.
Réalisée par JERÔME N’DRI
Le Mandat
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