Dans l’univers du camp commando d’Abobo, 1600 hommes veillent sur « Bagdad » nuit et jour, le Commandant Konaté Mamadou livre ises secrets

Cela faisait plus de quatre mois que l’on ne pouvait s’aventurer dans les environs du camp commando d’Abobo. L’endroit était redouté par la population à cause du climat de terreur qui régnait dans la commune d’Abobo. Cette circonscription avait été déclarée zone rouge par les tenants du régime sortant. Après la capture de l’ancien président Laurent Gbagbo le 11 avril, notre équipe de reportage a fait une incursion dans cette caserne. Mieux, elle a fait une percée au cœur de « Bagdad » jusqu’au quartier Pk18.

Un camp qui grouille de monde

Il est 9h ce mercredi 4 mai 2011. Nous sommes à l’entrée principale du camp commando avec le commandant Konaté Mamadou, à la tête de 1600 hommes. Souvent armés, arborant, bien évidemment, un ensemble militaire ils font des va-et-vient. A l’intérieur du camp, les Frci, par groupuscules, échangent entre elles. Juste à côté, plusieurs véhicules banalisés, des cargos et un char sont stationnés. Derrière ce décor, la présence de femmes civiles nous interpelle.  » Nous commençons notre tâche à 5h30 pour finir à 18h30 avant d’aller chez nous. Nous sommes sept femmes volontaires qui préparons chaque jour pour ces milliers de soldats. Au regard de leur effectif pléthorique, les repas sont insuffisants  » explique leur chef d’équipe, Abiba Doumbia. Les gendarmes, principaux locataires du camp, en désertant, ont laissé leur infirmerie. Aujourd’hui, les Frci du camp commando d’Abobo en ont fait leur centre de santé. Il est tenu par Fofana Sory, un sergent de la police.  » Il faut avouer qu’il y a un déficit criard de médicaments surtout les produits de première nécessité. Avec la politique de gratuité des médicaments, nous lançons un appel afin que nous puissions en obtenir. Le commandant Konaté Mamadou se bat pour nous comme il peut. Il faut donc appuyer son action « , a noté le surveillant d’unité de soin du camp commando d’Abobo.

La bataille de Pk18 ou la fin du Sergent-chef Ib

Tout a commencé le 16 décembre 2010 dans les encablures du carrefour de N’dotré. Ce jour-là, selon le Commandant Konaté Mamadou, les militants du Rhdp voulaient répondre à l’appel du Premier ministre, Soro Guillaume, pour l’installation du nouveau Directeur général de la Radio télévision ivoirienne (Rti).  » Les marcheurs aux mains nues venaient d’Anyama rejoindre ceux d’Abobo. Arrivés à quelques mètres du carrefour de N’dotré, ils ont essuyé maints coups de kalach. Or il y avait deux snipers embusqués sur un immeuble R+4. C’était la débandade. Face à la détermination des militants, les snipers ont été débusqués et brûlés vifs en face de leur cachette. Pendant que nous étions au quartier « Bois sec » de Pk18, deux combattants et moi avions réussi à mettre en déroute des miliciens et mercenaires. A la suite de cette opération, nous avons pu acquérir nos premières armes qui étaient deux kalach, avec les soldats pro-Gbagbo « , a démontré le chef du camp commando d’Abobo. Après ces précisions, la visite s’est poursuivie. Chemin faisant, des impacts d’obus sont aperçus sur des maisons montrant les effets de la bataille à Pk18. Une habitation criblée de balles est visible en bordure de route. Elle avait enregistré huit personnes tuées sur le champ. Le cap est mis sur la maison où le sergent-chef Ibrahim Coulibaly avait fait des otages. Le bâtiment est au ¾ endommagé par des tirs de lance-roquettes. A l’intérieur des pièces persiste encore l’odeur de sang des hommes d’Ib tués. Notre guide nous indique que le corps de l’ex-putschiste a été retrouvé à côté du portail de son refuge. A Abobo secteur « Bois sec », une villa abandonnée d’un chef milicien nous frappe à l’œil. Puis un vaste espace parsemé de grands arbres réputé être l’aire d’entraînement des tueurs à la solde du patron de Lmp. Toujours à « Bois sec », le quartier général de fortune de Konaté est resté intact. Nous y sommes accueillis par Léon Diabaté, le maître des lieux. C’est après avoir délogé les hommes d’Ib que le commandant Konaté Mamadou a pris fonction au camp commando d’Abobo où il a environ 1600 hommes sous son commandement. Il est aidé dans sa tâche par le commandant de Pk18, Hamed Konaté, le commandant Mohamed Traoré, le lieutenant Vassouleymane Diomandé et Doumbia Vazoumana, son conseiller.

Foumséké Coulibaly
Photo : Patricia Ziahé
Le Nouveau Réveil

Konaté Mamadou (Cdt du camp commando d’Abobo) : “Nous avons combattu avec une machette, une Kalatch et 27 munitions”/Après 4 mois de bataille à Abobo Pk18, le patron du camp commando d’Abobo livre ici ses secrets.

Quelle est l’histoire de l’occupation du camp commandant d’Abobo ?

Je ne suis pas le seul artisan. Il y a eu une coalition. Nous avons 15 groupes au niveau d’Abobo, 15 commandants de secteur dans la commune. Je maîtrise mieux le quartier Pk18. Pour la libération du camp commando d’Abobo presque tous les groupes y ont participé.

Parlez-nous donc du combat épique de Pk18 ?

Le 16 décembre 2010, les militants du Rhdp organisaient une marche pour aller installer Brou Aka Pascal à la télévision. Nous étions tous d’accord pour la libération de la Rti. Lorsque les gens sont sortis pour la marche, les Fds ont ouvert le feu sur eux. Le quartier “Bois sec” d’Abobo était le Qg des miliciens pro-Gbagbo. Ce jour-là nous avions tendu des embuscades aux miliciens, c’est ainsi que nous avions pu récupérer deux kalach avec eux. Et nous avons riposté. Nous étions repérés, il fallait donc se défendre. Chaque fois nous subissions des attaques. Chacun d’entre nous avait des activités quand nous avons quitté la zone Cno où nous avions des problèmes. Nous nous cherchions comme on le dit pour pouvoir survivre. A la suite des attaques répétées, on a été obligé de nous unir afin de défendre la population. C’était injuste de voir que les Fds venaient tuer la population civile. Nous savions manier les armes, il fallait aider les gens et montrer que ceux qui nous ont traités de pro-Ib avaient menti.

Expliquez-nous ce qui s’est passé cette fameuse nuit où les Fds ont essuyé des tirs de combattants qu’ils ne voyaient pas ?

Sincèrement, je n’ai pas participé à ce combat qui s’est passé au Rond point d’Abobo.

Comment votre mouvement a pris forme ?

Nous nous sommes appelés de bouche à oreille. Certains d’entre nous étaient à Yopougon, Marcory. D’autres étaient dans les autres communes. C’est ainsi que nous nous sommes regroupés pour faire partir Gbagbo.

Quel effectif avez-vous sous votre commandement ?

Actuellement, nous sommes en train de regrouper tous les combattants d’Abobo au camp commando. A ce jour, nous avons environ 1600 éléments recensés. Ce n’est pas définitif car nous continuons de lancer un appel aux autres de venir se faire recenser. Ainsi nous allons les présenter au Premier ministre Soro Guillaume, afin que le président Alassane Ouattara puisse nous aider. C’est à ce prix que nous pourrons encadrer les jeunes gens qui savent déjà manier les armes. Nous n’avons pas fait d’école de guerre mais on a pu défier tous les hommes de Gbagbo grâce à notre détermination. Donc Ado peut compter sur nous pour la formation de la nouvelle armée.

Avez-vous de soldats de formation dans ce camp aux côtés des volontaires ?

Je peux vous dire que à Pk18, j’avais déjà 91 éléments Fds ralliés tous grades confondus. Il y avait des capitaines, des commissaires, des lieutenants, des sergents. Ils ont tous rallié à ma cause. Ils sont aujourd’hui au camp. Et ce sont eux qui font l’encadrement des soldats volontaires.

D’où est venue l’appellation commando invisible ?

Au départ, nous n’étions pas nombreux. On tendait des embuscades et on attaquait. Après on disparaissait. Et on était très rapide. Après chaque action chacun rentrait chez lui. C’est-à-dire après un combat si on a pu récupérer des armes nous allions les cacher. Puis on se fond dans la population civile. C’était stratégique. C’est ce que les gens ont qualifié de commando invisible.

Qui dirigeait le commando invisible?

Je ne vais pas vous en parler. Mais c’est vous les journalistes qui aviez donné les appellations commando invisible, commandant Fongnon. C’est vous. Ce n’est pas nous.

Fongnon n’a donc jamais existé ?

Fongnon n’a jamais existé. Nous étions un groupe de commando. On menait les actions et après on disparaissait. Nous avons commencé nos actions avec une seule machette, un kalach et un peu plus de 27 munitions. Et cette kalach était un peu défaillante.

Combien étiez-vous ?

C’est un top secret. Nous n’avons pas besoin de vous le dire.

Le volet mystique a-t-il été au cœur de vos actions ?

Le mysticisme a existé. Je vous le dis. Il y a eu un peu de mysticisme dans le combat. L’invisibilité existe. moi par exemple je suis fils de dozo. Et je sais que chacun a un pouvoir naturel qu’il faut savoir exploiter.

Foumséké Coulibaly
Photo : Patricia Ziahé

Le Nouveau Réveil

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