Interview – Anne Ouloto: “Kadet Bertin est un convoyeur d’armes”

Répondant à Kadet Bertin, ex-conseiller à la Défense de Laurent Gbagbo, qui rejette les accusations de faiseur de coup d’Etat sur les nouvelles autorités, Anne Ouloto, secrétaire à la solidarité du Rdr et porte-parole d’Alassane Ouattara, fait des révélations sur l’homme et parle de ses missions secrètes. Témoin et actrice de la vie politique ivoirienne, elle raconte les grands moments de frayeur et de gloire de ces derniers événements de la crise postélectorale, qualifie de chantage les conditions que pose le Fpi pour entrer dans le gouvernement. Avec un franc-parler, Anne Ouloto dénonce les auteurs du massacre des populations dans l’ouest du pays, tout en invitant les uns et les autres à s’inscrire dans la dynamique de réconciliation nationale et de prévenir « qu’il n’y a pas de développement sans la paix ».
Le président de la République a été investi le 21 mai à Yamoussoukro. En tant que secrétaire national à la solidarité au Rdr, le parti dont il est issu, quels sont les sentiments qui vous animent ?
C’est un sentiment de profonde satisfaction, un sentiment de grande joie, mais également un sentiment personnel de mission accomplie. J’éprouve beaucoup de joie après tant d’années de lutte, de souffrance, d’incertitude, de déception. J’ai été très heureuse et surtout honorée de partager avec le président Ouattara, avec les militants du Rdr et ceux du Rhdp, des moments de travail empreints de convivialité, de solidarité et de fraternité, au-delà de toutes les souffrances connues. Je suis très fière d’avoir été jusqu’au bout de mes ambitions, de la foi que j’ai placée en l’homme, le Président Ouattara, et d’avoir été jusqu’au bout de mes convictions.

L’émotion était à son comble. Des proches collaborateurs du président n’ont pu retenir leurs larmes. C’était aussi votre cas ?
Tout à fait. Cette larme du bonheur, nous l’avons connue également le jour de la prestation de serment ainsi que le jour de l’investiture. Vous savez, ce sont des choses qui ne s’expliquent pas. C’est un moment qu’on ne peut pas décrire. Au moment où j’observais Mme Henriette Diabaté, aujourd’hui Grande Chancelière, porter la grande croix au président de la République, je revivais de façon intense toutes ces années de lutte du RDR. Et dans le même temps, j’ai éprouvé une profonde tristesse parce que beaucoup de nos camarades n’étaient pas à ce rendez-vous. J’ai pleuré en pensant à feus Djeni Kobina, Guédé Guina Frédéric. J’ai pensé à tous ces cadres, à tous ces militants du Rdr qui ont donné de leur poitrine et qui n’ont pas eu l’occasion de voir ce moment de grande satisfaction. C’est aussi cela la vie. C’était des moments très difficiles, mais aussi de profonde satisfaction, de bonheur. Même ceux qui sont partis sont heureux aujourd’hui. Ils peuvent enfin reposer en paix.

Quel est le moment qui vous a vraiment marqué pendant cette cérémonie d’investiture ?
Le moment qui m’a beaucoup marqué, c’est le passage en revue des troupes par le Président de la République. Ce moment m’a marqué parce que je l’avais vécu dans un rêve, lorsque nous étions au Golf hôtel dans l’incertitude. Au moment où la prière était notre unique refuge, j’avais passé quelques jours de jeûne, pendant cette période de grande angoisse. C’était quelques jours après les tueries des femmes d’Abobo. Nous avions été très effondrés. J’avais passé des nuits à pleurer, à prier et à implorer la miséricorde de Dieu pour que ce calvaire prenne fin. Je crois que la réponse était dans ce rêve, où j’avais vu le président en train de passer les troupes en revue. Oui, c’était là le moment le plus fort. Dieu avait fini par trancher et en réalité, je pouvais voir le Président de la République Alassane Ouattara dans sa posture de chef suprême des armées. L’armée est bien à sa disposition. Pour moi, ce moment incarne l’effectivité de l’exercice du pouvoir par le Président de la République. J’en étais heureuse et très émue.

En tout cas, la cérémonie d’investiture s’est achevée, mais d’aucun crient à la mauvaise organisation. Selon vous, qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Votre question est bien délicate. Je ne vais pas faire un procès au comité d’organisation parce que j’estime que l’affaire de l’investiture du président Alassane Dramane Ouattara était l’affaire de tous. Donc, le bilan de l’organisation est le bilan de nous tous. Parce que, membre du comité d’organisation ou non, nous sommes responsables Rhdp et ivoiriens et nous souhaitions une belle fête pour cette cérémonie d’investiture. C’était une mission très difficile. Vous savez, des délégations sont venues du monde entier, de tous les continents, et de toutes les régions du pays. Je plaide en tout cas pour l’indulgence des Ivoiriens. Chez nous, on dit que lorsqu’il y a une fête et qu’on ne casse pas de verre, c’est que la fête n’a pas réussi. Tous ces désagréments causés montrent que la fête a réussi. C’était une expérience très difficile, un défi très difficile à relever. Il appartient désormais aux institutions qui seront mises en place de mieux s’organiser pour que les prochaines organisations soient beaucoup plus parfaites. Donc, il faut qu’on soit indulgent parce que c’était une tâche extrêmement difficile.

Le Rdr votre parti politique a payé un lourd tribut de cette lutte. Selon vous, quel serait le geste fort que le président Alassane Ouattara pourrait poser pour les nombreux disparus et victimes de votre parti ?
C’est une question à laquelle je m’attendais. Vous savez, je suis déjà rassurée pour les familles des victimes et des personnes disparues. Je suis rassurée parce que je suis secrétaire nationale chargée de la solidarité depuis 2006. Donc, cela fait exactement 5 ans que je suis à ce poste. Je vous assure que ces questions relatives aux questions de solidarité, des victimes, des personnes tuées, des martyrs font partie des priorités du président de la République, alors président du Rdr. Chaque année, depuis 2006, le président marque un arrêt pour se souvenir des victimes et des martyrs. Tout le monde l’a vu le faire en sa qualité de président du parti à plus forte raison aujourd’hui en tant que président de la République.

Qu’a-t-il fait concrètement pour soutenir les victimes ?
Le président Ouattara a toujours soutenu les victimes et leurs familles. Il y a des enfants de nos militants martyrs des événements de 2004 et 2006 qui sont aujourd’hui à la charge personnelle du président Ouattara et de son épouse. Ce qui n’est nulle part vu ailleurs. Le président Ouattara a toujours soutenu les blessés, les victimes des manifestations. Toutes les victimes ont bénéficié des soins, d’interventions chirurgicales… Des personnes qui ont des séquelles et handicaps de ces événements, sont encore accompagnées et soutenues.

Va-t-il continuer cette assistance ?
Je sais que le président de la République mettra un point d’honneur dans la gestion des familles des martyrs. Je n’ai aucune inquiétude à ce niveau. Récemment, vous avez vu pendant ces cinq derniers mois de guerre, il a su faire face à des situations dramatiques. Nous avons eu des centaines de blessés et des milliers de morts à gérer. Aujourd’hui, des dispositions sont prises pour que les familles procèdent aux enterrements. Mais mieux, des dispositions avaient été prises pour la prise en charge médicale et sociale des victimes.
Après sa prestation de serment, le président de la République a décrété trois jours de deuil national à l’endroit de tous ces martyrs qui ont été tués pendant ces événements. Je pense que ceci est un signal fort. Et à l’occasion de la prestation de serment, de l’investiture, il a demandé une minute de silence pour toutes ces personnes disparues. Le président de la République est un grand humaniste. C’est un leader qui met l’homme au centre de tout ce qu’il entreprend. Je pense qu’il saura continuer à apaiser les cœurs de toutes ces familles des victimes et saura apporter des solutions aux problèmes de nos blessés, de tous ceux qui vont désormais vivre avec de graves handicaps. Je voudrais rassurer les militants du Rdr. Au-delà de ceux-là, les militants du Rhdp et les Ivoiriens dans leurs ensemble qui portent aujourd’hui les stigmates de cette crise difficile de cinq mois. Pour les militants du Rdr qui ont plus de quinze années de lutte, le président Ouattara nous a demandé de lui préparer un projet qu’il étudiera. Nous lui ferons des propositions. Je pense que les toutes les victimes seront rassurées. Elles ne doivent avoir aucune inquiétude parce que nous connaissons l’homme, sa nature profonde et l’intérêt qu’il accorde à ses semblables. Je pense que cela fait partie de ses priorités. Maintenant, en ce qui concerne la situation sociale des Ivoiriens, des militants du Rdr, nous avons mené le bon combat. Nous sommes aujourd’hui au pouvoir. Nous avons partagé avec le président de la République son ambition pour la Côte d’Ivoire, son rêve d’une Côte d’Ivoire nouvelle. Le président ne saurait en aucune façon oublier ses compagnons d’hier et avec les autres Ivoiriens de jouir de ses projets, de ses solutions pour le bonheur de tous. Au-delà de la vie des militants du Rdr et du Rhdp, c’est la vie des Ivoiriens qui doit changer. Nous devons faire confiance au président de la République qui en a les capacités. Il a partagé pendant la campagne ses projets avec les Ivoiriens. Nous l’avons aidé et avons réussi à amener les Ivoiriens à adopter son projet. C’est la raison pour laquelle il a été élu. Aujourd’hui, place aux actes, aux actions concrètes pour que chacun vive ce changement tant promis pendant la campagne électorale.

La situation des victimes de guerre est au centre des préoccupations du président de la République au point où il avait décrété trois jours de deuil national. Malheureusement, jusqu’à présent, les exactions contre les populations civiles continuent, notamment à l’Ouest. Compte tenu de cette situation, Amnesty International a publié un rapport à travers lequel il accable Alassane Ouattara. Quel commentaire ?
Ils ne peuvent pas porter des accusations contre le président Alassane Ouattara. Ils n’ont pas encore fini de gérer la période du bilan de M. Laurent Gbagbo qui a organisé le massacre des populations. Je pense qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne. Sur ces questions relatives à la sécurité et à la protection des personnes et des biens, le président a donné des instructions très fermes. Et les FRCI que je salue au passage, mettent tout en œuvre pour le respect de ces consignes. Leur tâche est extrêmement difficile en raison des milliers d’armes dangereuses qui avaient été distribuées dans la région du moyen Cavally et partout en Côte d’Ivoire par M. Laurent Gbagbo et ses hommes.
Il ne faut pas non plus oublier que des mercenaires et des miliciens ont été entretenus pendant des années par ce régime. Il ne faut pas l’oublier !
La situation dangereuse et précaire dans laquelle nous vivons est la conséquence des agissements de l’ancien régime. Nous ne voulons pas remuer le couteau dans la plaie ni jeter la pierre à qui que ce soit, mais c’est ici le lieu d’inviter les organisations telles que Amnesty International à traiter les souffrances des Ivoiriens avec un peu plus de décence et de retenue. Il y a une commission d’enquête qui est en train de faire un travail. Attendons ses conclusions. Pour l’heure, le gouvernement mettra tout en œuvre pour assurer avec efficacité la sécurité des personnes et des biens, et c’est à cela qu’il s’emploie depuis des mois. Les Ivoiriens vivent aujourd’hui dans une situation de sécurité relative. Il y a, c’est vrai, encore quelques personnes indélicates et même des éléments infiltrés qui commettent des exactions. Mais, nous devons garder espoir. Dans les deux mois à venir, on aura tourné cette page sombre.

Avez-vous des reproches sur le rapport d’Amnesty international !
Pour en revenir au rapport d’Amnesty, cette organisation devrait revoir sa copie, son approche et sa méthode de travail afin d’éviter d’avoir des conclusions hâtives. Nous attendons d’eux une totale impartialité et objectivité dans le traitement de ce dossier relatif aux violations des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, mais surtout des massacres des populations dans le moyen Cavally. Il faut aider le président de la République pour la manifestation de la vérité. C’est ce que nous attendons d’eux et non de jeter le discrédit sur qui que ce soit.

Dans une de nos parutions, le conseiller à la Défense de l’ex-régime, Kadet Bertin, a rejeté toute accusation faisant de lui un faiseur de coup d’Etat. Qu’en dites-vous ?
Il vaut mieux en rire. Il ne faut pas qu’il oublie que nous sommes tous témoins de l’histoire récente de notre pays. Je suis témoin de la mort du président Houphouët-Boigny, de la création du Rdr, du Front républicain, du Rhdp. J’ai été témoin du coup d’Etat de 1999 et de toutes les tentatives de coup d’Etat. Je suis témoin de beaucoup de choses, dont l’échec du Front républicain. Je suis témoin des causes de cet échec. Quand M. Kadet Bertin, de sa fuite, de son refuge, nie être un faiseur de coups d’Etat, je trouve cela tout simplement rigolo. C’est dommage parce que les Ivoiriens ont besoin de vérité. Pour l’heure, on les invite tout simplement à revenir au pays puisqu’ils ne se reprochent rien. La fuite, c’est l’arme des faibles. M. Kadet Bertin doit revenir ainsi que tous les autres. Il faut qu’on soit tous responsables des actes qu’on a posés ou qu’on continue de poser. C’est la première observation. Dieu merci, le président Alassane Ouattara veut donner à la Côte d’Ivoire un instrument de réconciliation qui sera la commission dialogue, vérité et réconciliation. Au cours des activités de cette commission, les Ivoiriens entendront beaucoup de choses. Qu’ils viennent contribuer à l’éclatement de la vérité. Qui est le Fpi ? Pourquoi le Fpi aujourd’hui a constitué un danger pour la Côte d’Ivoire ? Comment le Fpi est parti du pouvoir ? Les Ivoiriens ont besoin de comprendre pour ne plus jamais retomber dans ces dangereuses dérives. Le président Alassane Ouattara leur tend la main ; qu’ils la saisissent et reviennent. Parlant de coup d’Etat, nous pourrions dire beaucoup de choses. Nous pourrions dire pourquoi le Fpi, après avoir encouragé la création du Front républicain a préféré saboter ce travail. Nous n’avions pas de vision commune tout simplement. Nous étions engagés dans une lutte de conquête de pouvoir par les urnes pendant qu’eux voulaient utiliser le Rdr pour acquérir le pouvoir par les armes. Voilà le fond de la cassure du Front républicain. En 1999, quand il y a eu le coup d’Etat, c’est lui Kadet Bertin accompagné de Lida Kouassi et Odette Sauyet qui se sont retrouvés dans les casernes avec des militaires, des soldats. Je les mets au défi de me donner le nom d’un seul cadre du Rdr présent dans les casernes. Même quand Alassane Ouattara a gagné l’élection en Novembre, tous les journaux écrivaient qu’Alassane Ouattara n’est pas introduit dans les milieux militaires. Cela parce qu’il n’a jamais cherché à accéder au pouvoir par les armes. Il a toujours voulu avoir le pouvoir par les urnes. Je crois que les Ivoiriens sauront beaucoup de choses. Je veux tout simplement dire au Front populaire ivoirien surtout à ses cadres qui sont hors du pays qu’ils cherchent désormais la sagesse. Qu’ils apprennent l’humilité. Les Ivoiriens ont trop souffert. Qu’ils arrêtent de mépriser le peuple de Côte d’Ivoire. S’ils aiment le pays, alors qu’ils reviennent. C’est ensemble que nous allons construire la nouvelle Côte d’Ivoire. C’est ensemble que nous devons nous regarder et nous parler tout en disant des vérités. Il serait sage pour eux et bon pour les Ivoiriens, qu’ils puissent regretter ce qu’ils ont fait au pays. Comment M. Kadet Bertin pourra-t-il démontrer aux Ivoiriens qu’il n’a jamais été ce grand acheteur et convoyeur de ces milliers d’armes distribuées à des jeunes instrumentalisés ? A qui ces armes étaient-elles destinées ? Qui voulaient-ils tuer ? Il faut qu’on lui pose ces questions. Parler de réconciliation, cela ne veut pas dire que nous sommes idiots. C’est parce que nous aimons notre pays que nous parlons de réconciliation et de paix. Pour aller à la réconciliation, nous serons obligés de passer par l’épreuve de vérité, indispensable dans nos traditions africaines comme dans toutes les nations du monde. Sans vérité, pas de pardon, pas de réconciliation, pas de paix. Il nous dira pourquoi ils ont armé des jeunes adolescents, entretenu des milices et envoyé des mercenaires en Côte d’Ivoire. Ils nous diront pourquoi ils ont convoyé des armes, des Mi-24, des orgues de Staline. C’était pour tuer qui ? Des armes avec des balles pointues qui ont tué des femmes d’Abobo. On ne joue pas avec la vérité. S’ils aiment le Fpi, leur parti, qu’ils se ressaisissent et fassent leur mea- culpa, qu’ils demandent pardon au peuple. Alors à ce moment-là, le Fpi vivra.

Avez-vous pensé que ce 11 avril aurait pu arriver un peu plus tôt ?
Si nous regardons les choses selon les hommes, le 11 avril aurait pu arriver plus tôt. Nous sommes profondément croyante et nous pensons que tout ce qui intervient dans la vie de l’homme relève du plan de Dieu. Et nous pensons que c’est ce moment que Dieu a choisi. Nous avons tous vu l’effervescence avec
laquelle les Ivoiriens ont accompagné l’investiture du président de la République. Alassane Dramane Ouattara, en fin de compte, a bénéficié de l’onction de tout le peuple ivoirien sans exclusive. C’est le plan de Dieu. Il a préparé le président Ouattara. Même les cinq mois passés à l’hôtel du Golf relève de ce plan. Et cela nous a permis de renforcer nos liens au sein du Rhdp et même de briser quelques murs de méfiance qui pourraient encore exister entre nous. Il a raffermi les liens entre le président Ouattara et le président Bédié. Je pense que ce ne sont pas 18 années inutiles que nous avons vécues. C’étaient 18 années de préparation au pouvoir, de préparation morale et psychologique. 18 années, c’est vrai que c’est long, mais en fin de compte, nous sommes tous heureux, et on a finalement l’impression que c’était seulement hier.

Cette victoire du président Alassane Ouattara, à qui la dédiez-vous ?
Cette victoire du président Alassane Ouattara, il faut la dédier tout simplement à tous nos martyrs avec à leur tête feu Djéni Kobina Georges, Fondateur et premier Secrétaire Général du Rdr. Nous devons lui dédier cette victoire d’Alassane Ouattara. Durant toutes ces dernières manifestations, nous avons vu le film de la création du Rdr. Nous avons vu l’image de Djéni défiler devant nos yeux. Je pense vraiment que Djéni mérite cette victoire.

Pendant que vous étiez au Golf, quels ont été les moments de frayeur ?
La vie au Golf a été un moment de grande angoisse, une période de profonde tristesse en raison des manifestations de la déchéance morale de notre société. J’ai été profondément choquée de voir les jeunes Ivoiriens brûler leurs semblables ivoiriens ou non. C’est l’horreur qui pendant des jours m’a ôté l’envie de manger, m’a coupé tout sommeil. Cela m’a vraiment angoissé. J’ai vu des Ivoiriens réduits ou rabaissés à l’état animal, bestial. Je pense que c’est quelque chose que je n’oublierai jamais. Ça été la honte de la société ivoirienne. C’était l’expression de l’échec des dix années de régime de M. Laurent Gbagbo. Et ça, les Ivoiriens doivent s’en souvenir en permanence pour dire plus jamais ça. Plus jamais d’Ivoirien qui brûle son semblable, son frère. Plus jamais ça.

Le Fpi a posé comme condition de son entrée au gouvernement la libération de ses cadres incarcérés. Qu’est-ce que vous en pensez ?
C’est tout simplement affligeant ! Je considère qu’il s’agit là d’un honteux et indécent chantage. Il est temps pour ce parti de se remettre en cause, de faire son mea-culpa en reconnaissant ses erreurs, et de demander pardon au peuple. J’en suis profondément attristée. Oui à la réconciliation mais dans le respect de la mémoire de ces milliers de morts et victimes.

De nombreuses exactions et tueries ont été commises à l’Ouest dans le moyen Cavally. Qu’est-ce qui peut expliquer ces massacres ? Et puis en tant qu’originaire de la région, quel appel avez-vous à lancer ?
J’invite dans un premier temps les uns et les autres à attendre les conclusions de la commission d’enquête qui continue en ce moment ses travaux.
Ensuite, je souhaite très sincèrement que les cadres de cette région, se retrouvent pour faire le bilan de cette crise, en comprendre les causes, et en tirer les leçons. Alors seulement, on verra comment tout ce qui nous est arrivé est la conséquence de l’irresponsabilité, du zèle et de la bêtise humaine. Nous devons malheureusement nous en prendre à nous-mêmes. Les cadres du moyen Cavally, ceux issus de l’ex-régime sont les premiers responsables de ce drame à l’ouest.
Enfin, je lance un appel au dialogue, à la vérité et à la réconciliation des fils et des filles de cette région. Si les autres régions ont été épargnées, il aurait pu en être de même chez nous. Tirons-en les conséquences et ressaisissons-nous !

Un message aux Ivoiriens…
Le premier mot que j’ai à dire aux Ivoiriens, c’est merci. Merci aux Ivoiriens d’avoir compris que nous devons privilégier l’intérêt national à l’intérêt partisan. Je crois que les Ivoiriens l’ont compris. C’est la raison pour laquelle le président Ouattara a été élu et a bénéficié de l’onction de tout le peuple de Côte d’Ivoire, des Ivoiriens qui ont su résister et protéger leur vote. Merci aux Ivoiriens qui ont protégé leur président de la République. Merci aux Ivoiriens pour être restés dignes pendant ces moments de souffrance.
Je voudrais en second lieu dire merci aux militants du Rdr. De par mes fonctions au sein du Rdr, je suis très souvent en contact avec les militants. Ceux-ci, au plus fort de cette crise, pendant que nous étions au Golf, nous appelaient et nous envoyaient des messages d’encouragement. Jamais, je n’ai senti chez ces militants le désespoir, le découragement. Au contraire, ils nous disaient ‘‘Tenez bon. C’est pour vous que nous sommes inquiets. Ne fléchissez pas’’. Surtout, le jour où monsieur Gbagbo a demandé le cessez-le-feu, de nombreux militants avaient compris qu’il s’agissait d’une simple ruse, et nous appelaient pour nous demander de rejeter cette demande parce que pour eux c’était là un piège. Ils étaient très alertes et vigilants. Je leur dis grand merci.
La troisième chose que je voulais dire aux Ivoiriens, c’est de se mettre désormais au travail. Donnons-nous la main derrière notre président de la République. Nous avons massivement voté pour lui en faisant confiance à ses solutions. A présent, place au travail pour que notre vie change.
Il faut que tous les Ivoiriens qui aimaient la facilité et qui empruntaient des raccourcis avec des Ong qui n’existent pas, des pasteurs ou autres hommes de Dieu qui n’ont aucune église, ou encore des organisations fantoches, changent de mentalité. Tout cela procède de la paresse et de l’escroquerie morale. Que les Ivoiriens se remettent au travail en créant des activités génératrices de revenus, qui vont leur permettre de vivre dans la dignité. L’Ivoirien aujourd’hui est devenu mendiant. A tous les coins de rue, vous voyez des gens qui vous tendent la main. Ce n’est pas normal.
On peut même commencer par un tout petit commerce, une petite table avec des friandises…et finir par devenir grand commerçant. Tout dépend du sérieux et de la rigueur dans la gestion de notre activité. Dans les villages, des jeunes ne vont plus au champ. Ils sont assis à longueur de journée, s’organisent en association pour racketter les cadres et autres aînés de façon périodique, et puis, plus rien.
Il faut qu’on accepte de changer de mentalité.
On a voulu le changement avec Alassane Ouattara. Cela veut dire changement de mentalité.
Ce changement veut dire travail, rigueur, probité, loyauté, vérité.
Il y a seulement quelques mois, on voyait de nombreux jeunes se lever le matin, prendre leurs cartables, mettre leurs costumes pour se rendre au Plateau, à la Sorbonne, ou autres agoras et parlements. Ils restaient là du matin au soir avant de rentrer chez eux. Est-ce cela la vie d’une nation ? On construit une nation par le travail. Ce n’est pas en bavardant qu’on construit une nation.
La Sorbonne n’existe plus à présent. J’invite donc ceux qui fréquentaient ce lieu, et qui pour la plupart étaient des jeunes diplômés ou déscolarisés, à s’orienter vers des activités génératrices de revenus.
Que faisaient-ils après une journée à la Sorbonne ? Aller dormir dans le salon de leur père, de leur oncle ou de leur frère.
Ces jeunes méritent une vie décente. C’est ce que leur propose le Président Ouattara. Il leur faut travailler et refuser désormais de créer des activités pour vivre aux dépens des ministres, des cadres en s’enfermant dans un cercle vicieux.
On finit alors par devenir mendiant, par vivre aux dépens des autres, par perdre sa dignité, son identité, son moi. On n’a plus de volonté et on reste à la solde des autres qui font de vous ce qu’ils veulent. C’est comme cela qu’ils vous donnent des armes pour vous entretuer voire vous brûler. L’Homme doit être digne.
C’est à cela que j’invite les Ivoiriens. A ce changement de comportement, de mentalité et de vie. C’est à cette seule condition que les solutions d’Alassane Ouattara peuvent être profitables à la Côte d’Ivoire. Dans son programme de gouvernement il n’y a pas de parlements, pas d’agoras, pas de Sorbonne, pas de miliciens. Il n’y a que du travail et des projets. Il y a des écoles, des universités, des centres de santé, de l’emploi, des projets pour des jeunes vivant dans les milieux ruraux. Que les jeunes et les femmes lisent ce programme. Il faut que le peuple fasse sa mue et intègre ce programme d’Alassane Ouattara. Nous avons tous à gagner. Dans cinq ans, il faut qu’on regarde notre pays autrement. Que notre pays soit un beau pays avec de la verdure partout, un pays organisé, discipliné, avec des Ivoiriens au travail. Un pays développé. Voilà le rêve d’Alassane Ouattara pour les Ivoiriens.
Patrice Pohé, coll : TAB

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