Sériba Koné | Yamoussoukro
Vous avez dit, général Michel Gueu. L’évocation du nom du chef de cabinet militaire du Premier ministre, Guillaume Kigbafory Soro donne tout le sens, à la « muette » (appellation des soldats). Tant, il est avare en parole. Même, s’il est taciturne dit-on dans son milieu. Qui est réellement ce militaire qui fait parler de lui depuis l’avènement du général Robert Guéi au pouvoir en décembre 1999 ? Ange ou démon pour l’armée nouvelle ivoirienne ?
Le général Michel Gueu reste l’officier supérieur ivoirien sous le commandement de celui dont la Côte d’Ivoire a été libérée. Très effacé, il agit de façon prompte et efficace dans l’ombre. Véritable stratège militaire les hommes du Commandant du GI1, Losseni Fofana (Groupement d’Instruction 1) basés à Man et le capitaine Eddy Medy, chef des opérations militaires de Zouan-Hounien ont libéré l’ouest infecté de rebelles et miliciens sous son commandement. A faveur de l’investiture du Président Alassane Ouattara, samedi 21 mai 2011 où il est de plus en plus question de coup d’Etat, l’homme n’a pas le sommeil tranquille. Un véritable défi dans l’histoire.
Peu connu par le citoyen lambda, son histoire remonte à 1980, alors qu’il était jeune lieutenant. Il avait été accusé de vouloir renverser le Président Houphouët-Boigny. En octobre 1995, le couvert est remis, cette fois avec, le Général Guéi, parce que, se souvient-il dans une interview accordée à un confrère en mars 2003, « je venais d’être nommer Commandant du 1er Bataillon d’infanterie d’Akouédo. C’est peut-être mon destin. C’est peut-être dû à mon karma. Mais il se trouve que ceux qui reconnaissent ma petite valeur, cherchent à me mettre de leur côté.» A la vérité, il est arrêté avec d’autres officiers supérieurs dont le général Robert Gueï pour “attentat à la sûreté de l’Etat”. Il passe alors 17 mois en prison et est, surtout, dans la foulée, radié des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI). En octobre 1997, il sort de la Maison d’arrêt militaire d’Abidjan (MAMA), mais ne réintègre pas l’armée. Il vivote et passe le clair de son temps “à jouer au damier”. Puis, vient le coup d’État de Noël 1999 qui porte le général Gueï au pouvoir. Aussitôt, Gueï fait appel à ses compagnons d’infortune. Le lieutenant-colonel devient le colonel et a d’abord en charge la direction du Bataillon blindé (BB), ensuite celle du Groupement de la sécurité présidentielle (GSPR). Une mission difficile en raison des querelles de leadership entre les soldats en charge de la sécurité de du Président Robert Guéi qu’il appelait affectueusement “Papa Roméo”. Michel Gueu tente sans succès de trouver des points d’harmonie entres les différentes composantes du GSPR notamment, la Cosa nostra, la Camora et les Bahifouè. Mais, il n’abandonne pas Robert Gueï. Il est à ces côtés surtout dans les moments difficiles de la transition, notamment pendant l’attaque sanglante de la résidence du chef de la junte les 17 et 18 septembre 2000. Puis approchent les élections générales de 2000. Le général Gueï affirme ses intentions de se porter candidat à la présidentielle d’octobre. Il nomme alors le colonel Michel Gueu responsable au poste hautement stratégique du Centre de collecte et d’exploitation des renseignements (CCER) rattaché directement au général Gueï. Il y demeure jusqu’à la chute de Gueï en octobre 2000. Originaire de l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire et issu de l’ethnie Dan (Yacouba), le colonel Michel Gueu, a fait partie de la délégation des militaires insurgés arrivée à Lomé pour des négociations. C’est le plus naturellement que, une fois au pouvoir en octobre 2000, Laurent Gbagbo dissout aussitôt le CCER. Commence alors pour le colonel Michel Gueu une deuxième traversée du désert. Il dérangeait parce qu’il fait partie des rares officiers supérieurs ivoiriens qui a formé 75 % des soldats avec, notamment ceux qui sont sous ses ordres. Plus tard, il est affecté commandant en second de la région militaire de Bouaké, par l’ex-chef de l’État Laurent Gbagbo.
Comment il est devenu rebelle ou insurgé le 6 octobre 2002
Ces différentes frustrations doublées d’humiliation sont-elles à l’origine de son appartenance à la rébellion de septembre 2002 ? Là-dessus, il achève de convaincre qu’il est un soldat républicain. « Pendant quatre jours, nous avons attendu les munitions qui nous ont été promises pour combattre. Et ces munitions ne sont jamais arrivées sur Bouaké jusqu’à ce que le lundi 23 septembre, nous soyons submergés par les rebelles, et que nous nous éparpillions. Moi, je suis reparti immédiatement chez le Caporal Abi Akpa. Grâce à un communiqué qui a été lu à la radio et à la télévision ivoirienne, qui me nommait Commandant des opérations dans la zone de Bouaké pour repousser les rebelles, ces derniers ont su que j’étais dans la ville. A partir de là, ils se sont mis à me rechercher », répond-il. Un cadeau empoisonné, véritable piège que venait de lui tendre Lida Kouassi Moise alors ministre de la Défense. Et pour cause, « le samedi 21 septembre, j’avais reçu un coup de fil d’abord du Colonel Eliame, mon chef, qui m’adressait ses félicitations parce que je venais d’être nommé Commandant des opérations de la zone de Bouaké. Alors que je n’avais pas été informé au préalable. Ce même jour, un autre coup de fil m’invite à faire attention parce qu’Abidjan me considérant comme l’homme du Général Guéi Robert, a décrété que j’étais complice des rebelles. Ce qui n’était pas encore le cas, puisque j’étais encore à l’ENSOA et que je cherchais à défendre la ville. Ma vie était donc menacée. Mon épouse a été aussi avertie par un coup de fil lui disant de faire attention parce que la nomination de son mari à ce poste, était un piège, pour nous assassiner. Ma femme a été priée de se cacher. Ce qu’elle a fait. Elle est allée se cacher chez des amis. Et nous avons attendu quatre jours. Quatre jours sans munitions et on nous demande de libérer la ville ? Ce n’était pas possible. Le mercredi 25 septembre à 12 heures, j’étais au quartier Sokoura, chez le Caporal-Chef Abi Akpa Paul, quand la maison a été encerclée par un groupe d’hommes en treillis. Ils m’arrêtent et me conduisent au 3e Bataillon de Bouaké. Je répète que c’était le mercredi 25 septembre à 12h00. Là-bas, je suis reçu par un monsieur avec une barbe bien touffue et qui se met au garde-à-vous et qui me dit «Mes respects mon Colonel». Je lui dis «Bonjour». Il me demande : «Vous ne me reconnaissez pas» ? Je lui réponds : «Non, je ne vois pas». Il me dit : « C’est Tuo Fozié». Il ajoute : «Mon Colonel, excusez-nous si vous avez été brutalisé par nos éléments. Ce n’était pas dans notre intention de vous brutaliser. Nous avons besoin de vous à nos côtés, pour nous guider. C’est pour cela que nous avons tout mis en œuvre pour vous retrouver». J’étais devenu un prisonnier des rebelles », se souvient-il. Et d’ajouter, « du 25 septembre 2002 jusqu’au 06 octobre, un dimanche, le fameux dimanche où les loyalistes ont attaqué Bouaké et ont déclaré qu’ils avaient libéré la ville, j’étais prisonnier. Vous savez, je suis quand même une référence dans l’armée ivoirienne. Je suis une référence. Donc du 25 septembre au 06 octobre, aucune autorité militaire ou civile ne s’est préoccupée de ma sortie ni de celle de tous ceux qui étaient avec moi à l’ENSOA. Et qui avaient été arrêtés par les rebelles, et avaient subi des torts. Ils auraient pu au moins envoyer le CICR pour voir si nous étions encore en vie, comment nous étions traités, comment on se portait, est-ce qu’on mangeait… Rien ! Et le 6 octobre, on apprend que Bouaké est attaqué. Et les consignes particulières qu’ont reçues ces combattants de Laurent Gbagbo, c’était de ne pas faire de prisonniers. Les soldats avaient l’ordre de tuer tout le monde, en l’occurrence tout ce qui est mâle c’est-à-dire tout ce qui est homme. Voulait-on que je reste les bras croisés afin que les militaires de Gbagbo viennent me tuer ? Ou bien devais-je prendre une arme pour me défendre ? Les jeunes gens qui s’étaient rebellés me connaissent très bien, parce que j’ai eu la chance de former au moins 75 % de ceux qui sont aujourd’hui rebelles ou forces nouvelles, de même d’ailleurs que ceux qui sont en face de nous. Les jeunes m’ont demandé de me joindre à eux, qu’ils avaient besoin de mon expérience et de ma science du combat. Alors je suis devenu rebelle à cet instant précis du dimanche 06 octobre 2002 ».
Comme bon nombre d’Ivoiriens, le général Michel Gueu donne tout le sens au mot patriote, galvaudé et dénué de tout son sens par la galaxie patriotique dirigée par Charles Blé Goudé. Cet officier supérieur de l’armée est une véritable bibliothèque de l’histoire de la Côte d’Ivoire nouvelle. Il fait partie de ceux qui écriront, dans deux jours, les plus belles pages de l’histoire du pays d’Houphouët à la faveur de l’investiture de SEM. Alassane OUATTRA à Fondation Félix Houphouët Boigny de la paix, samedi 21 mai 2011. Un terme sera mis à toutes les frustrations et autres dénonciations calomnieuses qui ont mis fin à la vie de nombreux Ivoiriens à travers la Commission « Dialogue, vérité et réconciliation » dont, la présidence est assuré depuis le 30 avril dernier par l’ex-Premier ministre Charles Konan Banny. 72 heures après sa nomination, les « Elders » se sont rendus à Abidjan, le dimanche 1er et lundi 2 mai, lors d’une mission visant à prôner l’apaisement, le dialogue et la réconciliation nationale en Côte d’ivoire. La délégation a été menée par l’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, accompagné du président des Elders, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, et de l’ancienne présidente d’Irlande Mary Robinson. Aux pas de course, ils ont rencontré le président Alassane Ouattara, des représentants du nouveau gouvernement, des dirigeants de partis politiques et des membres d’organisations de la société civile, ainsi que des représentants de l’ONU, d’autres organisations et de la communauté diplomatique à Abidjan et, surtout l’ex-chef de l’État Laurent Gbagbo à Korhogo.
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