Dans une de nos précédentes éditions, nous écrivions que, vu la situation de désastre social et économique qui est aujourd’hui la sienne, la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens ont plus urgent à faire que le jugement de Laurent Gbagbo. Que l’on se comprenne bien. Nous ne prêchons pas ici une absolution pour l’ancien président. Là, pas du tout. Mais vu que les crimes dont on l’accuse sont imprescriptibles, mieux valait, pour nous, parer au plus pressé comme la reconstruction économique et la restauration de la sécurité publique.
Mais les nouvelles autorités du pays semblent inscrire le procès du chef de l’Etat déchu dans leur liste de priorités. En témoigne la lettre du 3 mai dernier du nouveau président, Alassane Dramane Ouattara, demandant à la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur les « crimes graves » perpétrés depuis le 28 novembre 2010 « sur l’ensemble du territoire ». Comme on le constate, ADO ne veut pas sacrifier la justice sur l’autel de la paix, dont il est pourtant « l’apôtre ». Pas plus qu’il ne veut s’inscrire dans une logique de chasse aux sorcières.
En effet, en décidant de confier les enquêtes, donc le procès, à une juridiction internationale, le numéro un ivoirien montre par la même occasion qu’il ne veut pas poursuivre ses adversaires avec le glaive de la justice des vainqueurs dont on connaît les limites et surtout le penchant arbitraire.
Aussi, en élargissant « les enquêtes indépendantes et impartiales » à toute l’étendue du territoire, Alassane Dramane Ouatarra s’élève du même coup au-dessus de toute considération partisane ; car de « crimes graves », il y en a eu effectivement dans plusieurs zones de la Côte d’Ivoire et leurs auteurs présumés proviennent aussi bien des militaires et miliciens pro-Gbagbo que du camp des ex-rebelles, appelés aujourd’hui Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).
Autant on pointe d’un doigt accusateur les forces loyalistes dans les massacres d’Abidjan, autant de lourds soupçons planent sur les FRCI et leurs supplétifs en ce qui concerne les massacres de Duékoué à l’ouest du pays. De sanctions, il devrait en être donc question pour tous les criminels sans distinction de camp. Tel un boomerang lancé sur le régime déchu, l’épée courte à double tranchant fera son effet dans les rangs victorieux ; ce qui ne sera pas du goût de tous ses partisans. Et ADO le sait.
L’Observateur Paalga Par Alain Saint Robespierre
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