Interview – Sidiki Konaté de retour du Grand-Ouest: « Voici les dangers qui nous guettent »

De retour de l’Ouest après plusieurs semaines, il a suivi la pacification de la région. Dans cette interview, le ministre Konaté Sidiki fait le grand déballage. C’est 10.000 miliciens et 7.000 mercenaires libériens qui été mis en déroute.

Pourquoi avez-vous choisi de vous baser à l’Ouest du pays ?

Dès le déclenchement des hostilités à l’Ouest, à la suite de l’attaque préméditée de Danané par les forces pro-Gbagbo, le Premier ministre m’a instruit d’être aux côtés de nos forces pour travailler avec elles sur toutes questions civiles et humanitaires. Les forces républicaines ont engagé, à partir cette zone, la vaste opération de sécurisation et de pacification du pays tout entier, qui a conduit plus tard à l’arrestation de M. Gbagbo à Abidjan. Les combats à l’ouest ont été très durs et très féroces surtout à Duekoué, Blolequin, Toulepleu, et Binhouen ! Les combattants des forces républicaines ont combattu durement à chaque 10 kilomètres, car chaque village entre ces villes était une poudrière et une tranchée de combats. Même les cimetières ont été truffés d’armements de tous calibres ! C’était plus dur qu’à Abidjan ; nous rendons un hommage au général Gueu, aux Forces du commandant Losseny fofana et à tous les combattants FDS de la libération de l’ouest des griffes des Forces pro-Gbagbo.

Quelle était vôtre tâche exactement ?

Il s’agissait pour moi de coordonner la communication et de faciliter les relations entre nos forces et les différentes populations des villes reconquises des mains des forces pro-Gbagbo. Quand on sait la spécificité et la complexité de cette partie de la côte d’ivoire, il était nécessaire que nous déployions toutes notre énergie pour bien réussir cette mission et circonscrire les dérapages. Le long règne, depuis 2003, des mercenaires libériens et des jeunes miliciens guérés a été jalonné de trop d’exactions, de morts, de pillages, d’expropriations, de viols, de bannissements…etc. Les victimes de ces graves injustices avaient gros sur le cœur et étaient toutes enclines à la vengeance. Heureusement que Dieu a calmé les cœurs !

Pourquoi, cette région est-elle toujours plus encline à la belligérance contrairement aux autres ?

Depuis septembre 2002, le régime de M. Gbagbo avait fait de cette zone sa base arrière politique, militaire et même insurrectionnelle au cas où il rencontrerait des difficultés à Abidjan. De grands moyens humains, militaires et financiers ont été déployés pour faire de cet ‘‘Grand Ouest’’ une zone pro-Gbagbo à 100% : L’administration publique a été militarisée par la nomination de préfets et sous préfets militaires ; des forces paramilitaires dits ‘‘groupes d’autodéfense’’ ont été crées dans chaque village par les cadres pro-Gbagbo puis soutenues et encadrées par les forces de défenses et de sécurité (FDSCI) ; l’idéologie du ‘‘Grand ouest’’ est devenue manifeste avec la création d’une armée parallèle appelé Front de libération du grand ouest ‘FLGO’ appuyée par plus de 5000 mercenaires libériens ; la nomination de cadres de cette région à de hautes fonctions (douanes, ports, ministères fonction publique et de l’intérieur, hauts gradés de l’armée..) a fortifié l’influence du camp de M. Gbagbo qui pouvait s’adonner à toutes sortes d’intimation, d’exactions et de dominations sur toutes les autres composantes ethniques et politiques de cette vaste région.

Donc c’est à dessein que Gbagbo a miné de cette région ?

Oui bien sûr !En créant des monstres humains financés à volonté par les cadres LMP de cette région, en encourageant par l’administration militaire le règne sans pitié des groupes pro-Gbagbo exclusivement, en injectant toutes sortes d’armements dans tous les villages et campements, le camp Gbagbo voulait empêcher par tous les moyens que d’autres forces politiques et sociales prospèrent dans cette région. Cette région devrait rester inviolable politiquement et militairement et même ethniquement! Pour rappel, sachez que c’est la seule région (Guiglo, Toulepleu , Blolequin) qui a refusé que le candidat du Rhdp, Alassane Ouattara, y fasse campagne; C’est la région où les miliciens ont chassé et pillé les bases de l’Onuci (Guiglo, Toulepleu) ; c’est la région où les mercenaires et miliciens avaient plus de pouvoir et d’autorité que les policiers et gendarmes ; tout était permis et tout était cautionné directement par la mouvance politique de M. Gbagbo. En résumé, cette région était une région à part, sous le contrôle exclusif du camp Gbagbo et de ses miliciens. C’était une poudrière à ciel ouvert dans chaque village et aussi la route internationale du transport des mercenaires libériens à l’intérieur de la Côte d’Ivoire. C’est à juste titre que M. Gbagbo a promis créer dans cette zone une école de guerre s’il était réélu !

Quel est le point réel de la situation dans cette partie du pays après la chute de Gbagbo ?

Compte tenu de l’hostilité que le camp Gbagbo a déversé dans cette région. A savoir milices, mercenaires, armements de destruction massive, haine tribale et politique, vandalisme et chasse aux ethnies pro RHDP, nous avions beaucoup d’appréhensions sur le comportement des pro-Gbagbo dans cette région et aussi sur le comportement des victimes du système Gbagbo contre leur bourreau d’hier; heureusement que l’arrivée des FRCI dans les villes et villages du Grand Ouest a trouvé que les populations avaient déjà fuit ces villes pour se refugier en brousse ou hors de la côte d’ivoire. C’est donc pour la grande part des villes et villages vidés des populations civiles que nous avons conquis. Nous avons par la suite travaillé à faire revenir tout le monde. Mais nous avons mis en garde contre toute velléité de vengeance. La pacification est en cours et elle se passe bien ! Nous n’avons noté aucun conflit interethnique dans les villes conquises par nos Forces. Aujourd’hui, les populations de toutes ces contrées, sans distinction ethnique et religieuse, nous disent merci de les avoir délivrées des miliciens et mercenaires libériens qu’elles ont supportées pendant près de 8 ans. Ce remerciement des populations aux Frci suffit comme preuve que la situation a changé positivement à 90% !

Après les grosses découvertes d’armes comme l’orgue de Staline, avez-vous découvert d’autres armes de guerre? A combien de francs peut-on évaluer le coût des armes saisies ?

Nous avons découvert beaucoup d’armes de destruction massive : obus, blindés, orgues de Staline et toutes sortes de mines anti personnelles…Le Grand Ouest a été soigneusement miné et truffé de miliciens et d’armements de tous calibres. Nous nous demandons quand, où et comment le régime de Gbagbo (qui n’avait pas tout cet armement en 2002) a fait rentrer tout cet armement en côte d’ivoire ? Plusieurs centaines de milliards ont été engloutis dans l’achat d’armement sans oublier le coût financier de la formation et de l’encadrement de plus de 10.000 miliciens locaux et celui du recrutement de plus de 7.000 mercenaires libériens, africains et même européens? La justice nous permettra certainement de savoir tous les mystères de cette folie meurtrière préparée froidement et qui devait faire beaucoup plus de dégâts humains à l’ouest.

Certaines organisations de défense des droits de l’homme ont accusé les Forces républicaines d’être à l’origine de nombreuses exactions à l’Ouest. Quelle est la vérité ?

Sans polémique, nous demandons à toutes les organisations de venir enquêter à l’Ouest ? Aucune organisation à ce jour ne peut avancer des thèses sérieuses sans un véritable travail de terrain ! Depuis que nous lançons des invitations, aucune organisation telle qu’Amnesty international n’a encore effectué le déplacement sur Duekoué. On se contente juste de parler au hasard de ce dont on n’a aucune connaissance sérieuse, sur des chaines européennes. La réalité à l’Ouest est toute autre. Nous réitérons encore l’appel à toutes ces organisations pour se rendre dans le Grand ouest de façon pratique et durable.

Certaines ONG sont accusées d’avoir un parti pris flagrant, durant votre séjour avez-vous constaté cela ?

Je suis convaincu qu’une enquête sérieuse mettra à nu la duplicité et le parti pris risqué de certaines organisations non gouvernementales (ONG) dites prestigieuses, qui ont avancé dans la précipitation préméditée de graves accusations contre les Frci et le président de la république ! Allons aux enquêtes ici et maintenant pour que le monde entier découvre le mystère caché du Grand Ouest.

A quand les résultats des enquêtes sur les massacres de Duekoué ?

Le gouvernement a ordonné une enquête au procureur général de Daloa, qui est présentement sur le terrain dans le Grand Ouest. Vous pouvez les joindre pour le délai. Le président de la République a joint l’acte à la parole en dépêchant rapidement une équipe d’enquête pour faire la lumière sur toutes les exactions dans cette partie. C’est un acte politique majeur qui annonce la fin de l’impunité et le démarrage d’un véritable état de droit !

Avez-vous les moyens de faire sanctionner tout élément des Frci reconnu coupable d’exaction ?

Sans aucun doute si sa culpabilité est sérieusement et effectivement établie. Nul ne sera au dessus de la loi et de la commission d’enquête. Mais nous refusons toute fausse culpabilisation à l’avance, qui dénote d’une simple volonté de nuire aux Frci ou qui vise à les mettre sur le même pied d’égalité que les soldats pro-Gbagbo. Ce qui est de la manipulation.

Pensez-vous qu’actuellement, les populations qui se sont déplacées peuvent elles regagner en toute tranquillité leurs villages ?

On a chassé de toutes les grandes villes de l’ouest tous les mercenaires et miliciens qui y faisaient régner le chaos et la désolation. Toutes les grandes villes sont sécurisées et les populations reviennent en masse depuis l’arrestation de l’ancien président Gbagbo Laurent. Les axes et les villes de Duekoué, Guiglo, Blolequin, Toulepleu, Binhoin et Zouan-Hounien sont sécurisés. Nous avons quelques poches d’insécurité dans la bande de ‘‘no man’s land’’ à la lisière de la frontière libérienne entre Bloléquin et Toulepleu ; mais nous nous attelons à les réduire d’ici quelques semaines si Dieu le veut !

Les miliciens et mercenaires qui sont en fuite vers le Libéria ne constituent-ils pas une menace pour la paix dans la région ?

Si ! C’est une menace réelle pour la côte d’ivoire, la Guinée, le Liberia, la Sierra Leone. Il faut une gestion collective et définitive de la question de ces mercenaires qui vivent et sévissent dans cette vaste région depuis plus d’une décennie.

Quel plan de paix durable faut-il élaborer pour pacifier totalement cette région ?

C’est une préoccupation qui est sur la table du Premier ministre, ministre de la Défense. Nous ne doutons point que tous les contours de ces questions feront la priorité de l’action du président de la république et du gouvernement dans les mois à venir. Car s’il est clair que les Frci ont remporté la bataille contre les imposteurs, il ne faut pas sombrer dans l’optimisme béat. La situation reste risquée sur nos frontières Est, Sud Ouest et même à l’intérieur de certaines villes. Il faut un plan de renforcement de nos capacités sur des points à risques tout en incitant les structures sous régionales à créer un cadre sérieux de concertation et d’action, pour enrayer définitivement la question de la présence des mercenaires sur nos bandes frontalières. Même les forces internationales en Côte d’ivoire et au Liberia (Onuci, Minul) doivent être réadaptées à cette fin.

En plus, Les échos que nous avons de l’activisme de certains hauts cadres LMP au Liberia et au Ghana incitent à une vigilance extrême sur plusieurs mois, voire plusieurs années. La phase de gestion du pouvoir par le président élu, SEM Alassane Ouattara, est la plus critique sur plusieurs mois en termes de sécurité. La stabilisation par une sécurisation forte et permanente est le plus gros défi tant pour le Grand Ouest que pour plusieurs autres secteurs frontaliers dont le Ghana.

Avant le déclenchement des opérations militaires, on vous a entendu dire que les Ivoiriens avaient des ressources internes pour régler le problème Gbagbo. Sur quoi comptiez-vous?

Sur Dieu, la vérité et sur nos forces qui restent très combattives et déterminées à mourir pour sauver la vérité et la démocratie.

A Abidjan vous faites partie des premiers cadres du bloc Ouattara dont la résidence a été pillée et incendiée. Qu’est ce que cela vous fait d’entendre certains refondateurs pleurer leur maison?

Nous prions pour toutes ses familles orphelines de quelqu’un. Nous sommes ensuite désolés pour la haine qui a fait détruire nos biens familiaux et nous regrettons que ces cadres de Lmp aient ouvert et toléré la manifestation de la bêtise humaine. Quand on ouvre la boite de pandore pour tuer ou faire peur aux autres, on finit par être dévoré soi même ! Nous tous n’avons maintenant nos yeux que pour pleurer les destructions de nos biens personnels et familiaux dans cette spirale qui n’aurait jamais dû commencer et dont l’unique pyromane est la mouvance présidentielle de Gbagbo. Nous comprenons enfin tous ainsi que le Mal, le mensonge et la haine n’ont jamais triomphé du Bien et de la mesure.

Aviez-vous donné l’ordre à vos hommes de vous venger en pillant les maisons des responsables Lmp?

Non pas du tout! Même si légitimement on ne peut empêcher le désir de vengeance de ces milliers de victimes de la méchanceté de M. Gbagbo et des siens, nous avons tous accepté le message de paix et de réconciliation du président Alassane Ouattara.

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour la réconciliation avec le Fpi?

En ce qui me concerne, pour le moment, je crois qu’il ne s’agit pas de réconciliation avec le Fpi. Il s’agit d’abord de réconciliation entre les populations que le Fpi a pris le temps de dresser inutilement les unes contre les autres. Par la manipulation, le mensonge, l’instrumentalisation des médias et la création préméditée des milices dans tout le pays, le Fpi savait ce qu’il préparait comme châtiment pour les Ivoiriens au cas où son mentor perdait les élections. C’est d’abord les populations qu’il faut calmer entre elles pour éviter une guerre civile due aux représailles intercommunautaires.

Je ne crois pas encore en la sincérité d’une bonne partie des cadres du Fpi qui se trouve cachée en Côte d’Ivoire ou hors du pays. Toutes les déclarations sont confuses volontairement pour ne pas avoir à reconnaitre la victoire d’Alassane Ouattara où à appeler la frange Lmp de l’armée et des milices à tourner la page Gbagbo. Un jeu trouble aux relents de coup d’état a cours présentement dans certains milieux politico militaires du camp Gbagbo. Ces gens n’ont aucun remords et sont encore enracinés dans le mépris légendaire qui les habite s’agissant du président de la république Alassane Ouattara.

M. Gbagbo lui-même tarde encore clairement à reconnaitre la victoire du président Alassane Ouattara alors qu’il a le temps de dire qu’il dort et mange bien à Korhogo.

Mais rassurez-vous, nous les tenons à l’œil et nous ne nous laisserons point surprendre, si Dieu le veut. La vigilance est de mise pour tout le monde car il s’agit de la vie de millions de gens à défendre seconde par seconde !

La question de la nouvelle armée préoccupe les Ivoiriens. Sera-t-elle mise sur pied à partir de Ouaga 4 ou allez-vous appliquer la loi du vainqueur et du vaincu puisque là, il y a eu affrontement.

Le président de la république a déjà donné sa position et son schéma sur cette question par la création des Frci. C’est une preuve de sa volonté de réconcilier la Côte d’Ivoire avec elle-même. Bien qu’il ait gagné la guerre que M. Gbagbo lui a imposée, il a démontré sa capacité à donner le repère de la nouvelle Côte d’Ivoire fondée sur la tolérance et la préservation de la vie humaine.

Dans d’autres pays et dans une logique purement militaire, c’est la loi du vainqueur qui allait s’imposer au perdant qui est de surcroit l’imposteur ! Et au fond, n’oubliez jamais qui a tiré le premier et qui comptait en imposer à ceux sur qui il a tiré !

Selon vous, à qui doit échoir, l’état major de cette nouvelle armée?

A un haut cadre militaire ivoirien. Il doit être pleinement engagé dans la restructuration et la restauration d’une nouvelle armée fondée sur des valeurs républicaines et démocratiques. Le choix est une prérogative exclusive du président de la république qu’aucune des deux armées (FAFN/FDSCI) ne saurait lui imposer. Il est le chef suprême des armées.

Que revendiquent politiquement les Fn en contrepartie de leur soutien au président Ouattara ?

Les Forces Nouvelles ne peuvent et n’ont rien à revendiquer au président de la république qui demeure celui que les Ivoiriens ont élu.

Le secrétaire général des Fn, le Premier ministre Guillaume Soro a été très clair et nous le soutenons tous. Nous avons l’obligation morale et politique d’être aux côtés du président élu démocratiquement, dans son combat contre l’imposture de M. Gbagbo Laurent. Nous avons de tout temps été fidèles à tous nos engagements pour l’émergence d’un pays démocratique. Nous avons promis aux Ivoiriens des cartes d’identités, une élection démocratique, ouverte et transparente. Ce qui fût réalisé grâce à Dieu. Face à l’imposture de M. Gbagbo Laurent, nous avons pris l’engagement de lutter aux côtés du Rhdp et du président de la république. Nous avons apporté nôtre modeste contribution à tous les autres efforts déployés dans ce combat. Aujourd’hui, Dieu merci, le président va à l’investiture. Nous travaillons ensemble à sécuriser et à pacifier le pays pour qu’il applique son programme pour une nouvelle Côte d’Ivoire, dont nous serons tous bénéficiaires. Nous restons donc totalement en mission pour lui et par lui. Les choix lui appartiennent exclusivement car il demeure le fruit de l’expression de la souveraineté. Donc tant au niveau politique que militaire, nous n’avons pas de conditions ou de revendications à lui imposer ! Nous sommes à sa disposition comme tous les Ivoiriens !

Interview réalisée par Traoré M. Ahmed
Ivoire-Presse

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