Côte d’Ivoire – Leçons d’une fin de règne calamiteuse

CONTRIBUTION

On ne ruse pas avec le peuple car sa souveraineté et sa précellence sont inattaquables. Certains hommes politiques, plus tenus par leurs intérêts personnels que de conduire leurs populations à un mieux-être social et économique, s’y sont risqués, et comme effet boomerang de leurs inconduites, l’on payé de façon disproportionnée, odieuse même quelquefois. On gouverne pour le peuple et non contre le peuple. Pour ce faire, il n’y a qu’à respecter les principes de la franchise, de la sincérité, du don véritable de soi et celui de traiter les hommes comme des fins et jamais comme des moyens pour voir sa gouvernance couronnée d’un succès éclatant. Cahin-caha mais avec de réels éclairs de génie comme adjuvant, nombre de chefs d’Etat l’ont fait et ont brillamment réussi leurs mandats au point de s’adjuger la confiance et le soutien absolus de leur peuple, demandant ainsi un prolongement ad vitam aeternam de leur présence à la tête du pays. Ce n’est donc pas une tâche au-delà des possibilités humaines. Luis Inàcio Lula DA SILVA, loin des incantations politiciennes, l’a réalisé avec brio au Brésil de 2003 à 2011. L’âme et le corps chevillés à ce credo transbahuté via cette phrase qu’il prononça le 1er Janvier 2003 dans son discours inaugural lors de sa prise de fonction : « le changement, voilà mon mot d’ordre (…) L’espoir a vaincu la peur, notre société a décidé qu’il était temps d’emprunter une nouvelle voie », le Président Lula DA SILVA engagea une série de reformes courageuses ayant abouti à un recul significatif du taux de chômage, de la pauvreté, l’instauration d’une couverture sociale généralisée, une amélioration du service public de l’éducation et de la santé malgré le fait que le pays croulait avant sa prise de pouvoir, sous le faix d’une dette extérieure paralysante. Ce qui lui a valu l’indéfectible gratitude du peuple brésilien qui s’est récemment traduite par l’élection de Madame Dilma Vana ROUSSEFF, économiste, qui fut son Ministre de l’Energie, poste qu’elle occupa de 2003 à 2005 avant d’être nommée chef de cabinet (« Ministra da Casa-Civil », en portuguais). Ayant obtenu 46.9 % des voix au premier tour, elle fut contrainte à un second tour. Le 31 Octobre 2010, lors du second tour, elle arrive largement en tête des suffrages devant son rival social-démocrate José SERRA, ancien gouverneur de l’Etat de Sao PAULO. Sans minimiser ses aptitudes personnelles et ses qualités d’économiste émérite, elle a bénéficié de l’énorme popularité du Président Luiz Inàcio LULA DA SILVA qui l’a soutenue pendant toute la campagne et du succès de sa politique qui a sorti de la pauvreté 29 millions de Brésiliens avec une économie florissante. Au second tour, elle recueille 56 % des voix et devient donc la première femme élue à la présidence fédérale du Brésil. L’enseignement à en tirer est celui-ci : la perfection est divine ; elle est donc au-delà des possibilités humaines. Cela n’empêche nullement que l’homme, être rationnel, intelligent et doué de volonté, puisse par un investissement réel de son être profond faire émerger des valeurs primordiales à une existence sociale pleine, épanouie et libre. En toute impartialité, on ne saurait objecter à Dieu et à la nature de n’avoir pas été généreux vis-à-vis de l’humanité. Hormis quelques contrées, sphères géographiques auxquelles on pourrait concéder d’avoir été lésées en termes de répartitions naturelles des ressources minières, d’hostilité du cadre servant d’arène existentielle, les autres en revanche, bénéficient de conditions largement meilleures. Rien, par contrecoup, abstraction faite de la mauvaise foi, l’égoïsme, l’inhumanité servant de sève nourricière à la nature humaine, ne peut expliquer les souffrances, la disette, les calamités qui sont infligées aux populations, pierre angulaire de toute politique pleinement instruite de son sens et de son dessein originel, par un conglomérat infect d’individus irresponsables, une oligarchie affairiste n’ayant d’humain que la physionomie.

Un autre facteur essentiel parce que tenant lieu de socle abyssal au développement, qu’il faut donc traiter comme la prunelle des yeux, reste sans contredit, l’école. S’il est vrai que parmi les appareils idéologiques de l’Etat, figure en bonne place l’école selon le philosophe français Louis ALTHUSSER, cela n’est pas une raison moralement défendable de pervertir et d’instrumentaliser pour des fins bassement politiciennes la jeunesse à qui incombera la haute et exaltante tâche de relever les défis futurs devant asseoir les bases de la prospérité, du progrès. Pour ce faire, l’école doit rester et demeurer ce creuset du savoir où doit être inculqué à l’enfant les sacro-saintes valeurs du travail, de l’abnégation, du goût de l’effort, de la civilité, de la politesse, du respect de l’environnement et de la vie humaine…. Et non l’accoutumer à des contre-valeurs en promouvant et célébrant médiatiquement des contre-modèles, personnifications de la contre-vérité, la fraude, la violence nue et gratuite, l’enrichissement illicite, la flemmardise, le goût du lucre et du luxe, l’attachement inconsidéré à la facilité. Pendant dix-ans, en Côte d’Ivoire, sous le régime de la refondation, nous avons assisté, sans moyen de réaction, au délitement progressif et accéléré du système éducatif et universitaire au point d’en arriver à un capharnaüm indescriptible : libéralisation des tenues scolaires, recrutement anarchique sur des bases népotiques et politiques d’enseignants carents prétendument titulaires de licences mais ne possédant en réalité, pour certains qu’un BTS, un DUES / DUEL 1 ou 2 pour le secondaire ; des vendeuses de pain, des mécaniciens, des chauffeurs de taxis bombardés comme instituteurs adjoints au primaire après l’achat du BEPC ; des étudiants transformés en miliciens, en dealers à qui sont distribuées à tout va des armes, des machettes par des caciques du FPI et des partis satellites ; des enseignants ligotés et lynchés coram populo par des étudiants stipendiés devant les regards extasiés de leurs parrains, tuant même impunément des condisciples puisque des tombes ont maintes fois été découvertes sur le site du campus universitaire, des procès verbaux d’examens falsifiés avec la complicité active d’agents du service de la scolarité ; marchandage des concours d’entrée dans certaines grandes écoles (ENS, ENA, INFAS, INFES…). L’effet boomerang d’une telle attitude laxiste au sommet de l’Etat ne s’est pas longtemps fait attendre : chute sévère et générale du niveau de l’enseignement, aussi du niveau des apprenants qui est allé de charybde en scylla ; administration infestée de cadres d’une nullité ineffable, quelquefois même à la limite de l’illettrisme ; montée exponentielle de la corruption, de l’absentéisme ; délation élevée au rang de critère d’avancement en lieu et place de la compétence, du mérite ; du point de vue de la santé, accroissement effroyable du nombre de décès du à l’incompétence avérée de médecins formés au rabais ou ayant obtenu frauduleusement le parchemin leur permettant d’exercer, bref, le mal est profond. Sans exagération aucune, il faudra des années pour s’en remettre. Partant, les nouveaux dirigeants de ce pays devront concevoir rapidement un programme hardi, courageux et sans pitié d’assainissement de l’administration publique qui permettra d’en extirper les brebis galeuses, ceux qui y occupent des fonctions pour lesquelles ils n’ont aucune compétence, mais aussi et surtout ceux qui y sont entrés au moyen de parchemins frauduleux. Un pays ne peut prospérer, arpenter la pente du progrès qu’avec des cadres compétents. S’adonner donc à cette nécessaire et préalable catharsis n’est pas faire une chasse aux sorcières. Ce serait plutôt faire droit à cette expression anglaise qui s’énonce comme suit : « The right man in the right place » (L’homme qu’il faut dans la place qu’il faut) pour amorcer sereinement la tâche ardue du développement. Aussi va-t-il falloir occuper sainement tous ces jeunes volontairement et cyniquement dévergondés, débauchés en leur trouvant des emplois pour ne pas que le gangstérisme, le brigandage, les vols et viols aient pignon sur rue. Cela concourra à faire disparaître de leur imaginaire les images de ces vauriens, parias érigés en parangons par la chapelle frontiste qu’ont été les Blé GOUDE, KONATE Navigué, Thierry LEGRE, DAMANA Pickass, Richard DAKOURY, AHOUA Stallone, Serges KASSY, Watchard KEDJEBO, MIAN Augustin, Serges KOFFI, Stéphane KIPRE, NOGBOU Hyacinthe, Hanny Tchelley ETIBOU etc. . Et de faire disparaître de leur champ lexical la violence, la barbarie, le mensonge, la fraude, l’irrespect pour la vie humaine, bref, tous ces poisons que ces damnés individus ont pu leur graver dans l’esprit.

Le secteur de la communication, qui est un des piliers fondamentaux sur lequel repose l’appareil étatique doit également être échenillé de tout occupant illicite, illégitime. Car là également pullulent des crapules, un ramassis d’arrivistes qui, usant des canaux que sont la télévision et la radio, au mépris de la déontologie régissant leur métier, ont débité des venins, de grossières affabulations ayant éminemment concouru à exacerber les clivages entre les populations, à installer la haine, pis, une aversion viscérale dans les rapports entre les citoyens de ce pays. De telles attitudes ne doivent pas être pardonnées dans la mesure où, la macabre propagande entretenue par ces pseudo-journalistes a souvent conduit à l’assassinat d’honnêtes personnes, à des scènes insupportables dont les vidéos témoins existent encore, où des étrangers faussement taxés de rebelles, d’assaillants ont été brûlés vifs, battus au niveau de la tête avec une bestiale férocité au moyen de barres de métal, morceaux de bois jusqu’à leur dernier souffle. Rappelez-vous des commentaires indigestes, à la limite de l’inhumanisme du mégalomane, ‘’journaliste’’ sans diplômes, Sacré YOH, suite au massacre à l’arme lourde des femmes par des éléments de la garde républicaine, des miliciens et mercenaires de l’ex Président Laurent GBAGBO, lors d’une marche pacifique, au mois de Février dernier, à Abobo ! Tout simplement surréaliste et révoltant ! Abattre lâchement des femmes, et sans la moindre compassion, mais avec une arrogance déconcertante, assimiler cela à un montage pour jeter, selon cette curieuse analyse, l’opprobre sur les FDS, il faut le faire ! En plus d’être licenciés pour faute lourde, ces pseudo-journalistes que sont Awa EHOURA DANON, Hermann ABOUA, Claude Franck ABOUT, Mambo ABE, Ben ZAHOUI, Albéric NIANGBO, BROU Amessan Pierre, Sacré YOH, Paul DOKOUI, Laurence SAUTIER, la liste n’est pas exhaustive, doivent d’abord être traduits devant un tribunal ivoirien, ensuite devant la cour pénale internationale pour incitation à la haine tribale, à la violence, comme c’a été le cas pour les animateurs et dirigeants de la radio mille collines au Rwanda. Il s’agit de prévenir d’autres dérives de ce genre : « Aucun homme raisonnable ne punit pour une faute commise, mais pour empêcher qu’on en commette. » (Cf. SENEQUE) L’Afrique ne peut plus s’accommoder de telles attitudes rétrogrades qui contribuent à mettre l’homme africain au ban de l’humanité, à faire douter de sa capacité à élaborer des pensées philosophiques cohérentes et positives, susceptibles d’impulser un quelconque perfectionnement moral, matériel.
Enfin l’une des gangrènes sur laquelle il va falloir être particulièrement regardant est la justice. Dans ce secteur clé, tout semble s’être également décomposé. La corruption est passée par là. Tout se marchande, au vu et au su de tous, sans gêne, au mépris de toute conscience professionnelle. Les verdicts rendus sont fonction des possibilités financières du plaignant et de l’accusé. Peu importe la gravité de la forfaiture lorsqu’on est plein aux as. De dangereux gangsters, escrocs invétérés et récidivistes notoires se pavanent dans les rues, libres de tout mouvement, tandis que d’innocentes personnes sont déboutées bien qu’ayant raison, écrouées parfois même parce que logeant justement le diable dans la bourse. Les bourreaux deviennent les victimes et, les victimes transmuées en bourreaux. Or une société harmonieuse, où les citoyens vivent en bonne intelligence rime nécessairement avec une justice forte, remplissant sans complaisance, ses fonctions, réparant les dommages subis par les uns et les autres, appliquant les lois dans la stricte légalité rationnelle. C’est d’ailleurs pourquoi, certains historiens, sociologues et philosophes se prévalant d’une vision optimiste de la nature humaine, assertent péremptoirement que ce sont les frustrations, les injustices consubstantielles à une carence de justice qui conduisent l’individu humain, être moral, à des révoltes, des séditions, des actes violents et regrettables. C’est dire que lorsque les conditions socio-politiques sont justes, égalitaires, paisibles, l’homme a des attitudes éthiques, responsables, empruntes de douceur, de convivialité, de magnanimité. Cette instance régulatrice qu’est la justice doit rester inflexible, fortement attachée à ses canons directeurs au nom de l’harmonie et de la cohésion sociale. La forfaiture historique commise par le Président du conseil constitutionnel en inversant les résultats des consultations démocratiques des mois d’Octobre et de Décembre 2010, donnant ainsi son ami Laurent GBAGBO vainqueur, face au candidat du RHDP, Monsieur Alassane Dramane OUATTARA, s’inscrit dans le prolongement de ce laxisme, ce manque de droiture et d’honnêteté érigés en principe de fonctionnement dans le temple de Thémis. De gré ou de force, la justice, doit être astreinte à l’impartialité. En guise de point de départ à cet indispensable redressement, qu’il soit infligé à Monsieur Paul Yao N’DRE, une sanction exemplaire à la mesure de l’acte posé en l’évinçant pour ensuite le mettre à la disposition du procureur Luis Moreno OCAMPO de la cour pénale internationale afin que sa honteuse prestation ne fasse pas école. Cette ascèse passera également par la radiation systématique de tout magistrat accusé ou pris en flagrant délit de corruption. L’expression ‘’nouvelle Côte d’Ivoire’’ ou ‘’Côte d’Ivoire nouvelle’’ ne doit pas être confinée dans l’ordre de l’incantatoire, il faut qu’elle soit matériellement vécue en opérant les reconversions mentales nécessaires, en provoquant de nouvelles pensées et comportements se démarquant étanchement de ceux qui nous ont été servis la décennie écoulée. Paix à l’âme de chacun de nos défunts ! Que Dieu nous guide dans la construction de cette nouvelle Côte d’Ivoire !
DIARRA CHEICKH OUMAR
Professeur certifié de philosophie
Etudiant en instance de thèse
Sciences politiques
E-mail : sekdiasek@gmail.com

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