Reprise des cours: dur, dur pour les déplacés de guerre d’Abobo et d’Anyama

Après plus de trois mois d’interruption, à la suite de la crise post-électorale, les nouvelles autorités ivoiriennes ont appelé à la reprise du chemin de l’école le mardi 28 avril dernier. Mais une semaine après, l’on constate dans plusieurs établissements scolaires d’Abobo et Anyama un faible taux d’affluence.

Le mardi 3 mai, il est 8 heures 30 minutes lorsque nous sommes arrivés au groupe scolaire Habitat dans la commune d’Abobo. Quelques élèves sont attroupés autour des vendeuses de petit déjeuner à l’entrée de l’école pour s’acheter de quoi manger. D’autres sont sur le terrain ou dans la cour et le terrain de sport en train de s’amuser. Pourtant, en temps normal, ces enfants devraient être en classe pour suivre les enseignements.

Une fois à l’intérieur de l’établissement nous réalisons que toutes les salles de classes étaient fermées. Même les bureaux des différents directeurs. « Chaque jour, nous venons, mais les maîtres sont absents. Cela dure depuis la reprise des cours, » fait observer Tanguy Charles élève de CM2. Son constat a été appuyé par le gardien de cet établissement qui a également ajouté qu’il ne peut nous donner les raisons de ces absences.

Quelques minutes plus tard, nous faisons un pareil constat dans un autre groupe scolaire au quartier Sogefiha de la même commue. Là, les élèves, après avoir observé la fermeture de leurs classes ont compris qu’ils n’y aura pas cours ce jour et sont en train de regagner leurs domiciles respectifs.

M. Gboko Constant Bruno, agent de bureau à l’inspection de l’enseignement primaire 2 (Iep) d’Abobo fait le point de la situation : « Le bilan que nous faisons au bout d’une semaine d’activité est qu’en réalité, parents, élèves enseignants et personnel d’encadrement demeurent pour le moment en majorité hors d’Abobo. Seuls quelques uns ont pu regagner leurs domiciles. Parfois, certains nous appellent au téléphone pour savoir si la reprise des cours est effective dans les écoles. Nous espérons qu’ils viendront après. On peut estimé le total des élèves, enseignants et personnel administratif présent depuis la reprise à 30%. » Fait-il remarquer.

Par ailleurs, il a ajouté que l’ampleur des dégâts de la crise dans les communes d’Abobo et Anyama pourrait rendre difficile la reprise des cours. « En effet, poursuit-il, il y a des domiciles qui ont été pillés. Plus graves, certaines habitations ont même été incendiées. Dans ces cas, les propriétaires se résignent à revenir se réinstaller sur ces sites sinistrés. Vous comprenez pourquoi je disais toute à l’heure que nombreux sont les déplacés qui ne sont pas encore de retour. »

Les faits que nous observons quelques instants après allaient lui donner raison. Car, à une centaine de mètres de ce lieu, une famille en plein déménagement. « Avec ce que nous avons subi ici, nous préférons quitter le quartier. Nous avons trouvé une nouvelle maison à Angré », a indiqué, Goubi Cyprien, chef de cette famille.

D’autres parents d’élèves, craignant une reprise éventuelle des hostilités ont « décrété » une année blanche à leurs progénitures. « Je préfère que mes enfants restent au village où nous nous sommes rendus dès les durs moments de la crise. Si tout se passe bien, ils vont reprendre le chemin de l’école à partir de la rentrée scolaire prochaine. » A, ainsi, décidé Assi Bonou fonctionnaire résidant au Quartier Shneider d’Anyama.

Un autre fait non négligeable qu’il faut prendre en compte pour expliquer le faible taux d’affluence des élèves dans les écoles. Il s’agit des pillages des domiciles de tous les policiers logés à la « Cité policière » de la Sogefiha. Ce qui fait qu’aujourd’hui, plus de 200 familles de cette cité se retrouvent sans domicile. Dans ce cas, ces policiers qui ne sont pas encore de retour ne peuvent pas faire revenir leurs enfants initialement inscrits dans les établissements scolaires d’Abobo.

A cela s’ajoutent, des milliers d’étudiants qui ont subi le même sort. Certains y vivaient avec leurs frères, sœurs ou enfants et constituaient une importante frange de la population scolaire.

Concernant les absences répétées des enseignants et du personnel de l’encadrement, il faut noter qu’aux difficultés que nous venons d’évoquer s’ajoutent des raisons financières. « Il est vrai que depuis le 28 avril, les fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’Ivoire ont commencé à percevoir leurs salaires. Mais tout le monde n’est pas en encore satisfait. Certains ont leurs banques encore fermées. Et les enseignants qui se trouvent dans ces établissements financiers sont à la tâche pour se faire payer. » A ajouté M. Kouassi Christain censeur de lycée.

Au collège moderne Pk 18, il n’y a pas assez de lisibilité quand à une reprise des cours. Selon le personnel administratif, le pillage des bureaux et surtout les salles de classes ne permettent pas de dispenser des cours à présent. « Le collège était un autre Qg des combattants d’Ib. Lorsqu’il a été tué le mercredi dernier, tout a été pillé. Il n’y a plus de tables bancs », ont-il révélé.

C’est le même constat au lycée municipal où les quelques élèves qui y ont effectué le déplacement sont repartis chez eux. Rappelons que dans la manifestation de la crise poste électorale avec le conflit armé opposant les forces restées fidèles à lancine président Laurent Gbagbo et les Forces républicaines du président élu Alassane Dramane Ouattara, ces 2 grands établissements d’Abobo situés au quartier Pk 18 ont servi de « Qg » au commandant Ibrahim Coulibaly dit « Ib ». Où d’importants dégâts ont été enregistrés.

En définitive, ici, l’ampleur des dégâts pourrait rendre difficile la reprise.

Les lycées modernes 1 et 2 d’Abobo n’ont pas été épargnés par les pilleurs. Ces établissements ont vu leurs administration, pillés et saccagés. Du matériel de bureau et informatique ont été emporté. Les proviseurs n’ont même plus de bureau.

Le mardi 3 mai dernier, à l’issue d’une rencontre avec les enseignants, les deux proviseurs ont recommandé à ceux-ci de commencer à dispenser les cours aux élèves présents, malgré les difficultés réelles sur le terrain. « N’attendez plus les élèves, commencez à travailler avec ceux qui sont en classe, les autres prendront le train en marche », ont recommandé les proviseurs aux enseignants.

Comme il fallait s’y attendre, selon les professeurs rencontrés, certains élèves sont revenus totalement dépourvus de tout matériel de travail. « Dès les premiers contacts avec les élèves, nous avons noté que certains n’ont même pas le minimum pour travailler. Des élèves dont les domiciles des parents ont été pillés et incendiés n’ont plus leurs cahiers de cours de livres ainsi que les autres supports pédagogiques. C’est difficile, mais nous allons faire avec. » A déploré M. Adama B. Professeur de mathématique au lycée moderne 2 d’Abobo.

La situation reste encore préoccupante dans les établissements privés primaires et secondaires, des 2 localités visitées, même si, pour attirer les parents, les quelques enseignants tentent de dispenser les cours dans des classes à 80% vides. Les fondateurs et directeurs d’études attendent toujours, désespérément, le payement de la scolarité des élèves pour faire le point des salaires des enseignants. Selon ces derniers, faute d’argent ils ne peuvent plus se rendre à leurs différents lieux de travail. Et la situation est loin de s’améliorer les jours qui viennent.

ALFRED KOUAME
Fraternité Matin

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