TRA BI Charles | L’Inter
La réunification des armées ivoiriennes apparaît, aux yeux de bien d’observateurs, comme le principal défi à relever par Alassane Ouattara durant son quinquennat. C’est que le nouvel homme fort d’Abidjan, au pouvoir depuis un mois, a hérité d’une Côte d’Ivoire économiquement affaiblie, mais aussi et surtout d’un pays militairement divisé après des années de crise armée. C’est conscient de ce fait qu’au plus fort de son bras de fer avec son rival Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara avait, le 17 mars 2011, signé une ordonnance portant unification des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire (Fdsci, forces régulières) et des Forces armées des Forces nouvelles(Fafn, ex-rébellion). «Comme prévu dans l`Accord politique de Ouagadougou et pour mettre fin à tous les dérapages, je viens de prendre une ordonnance portant création des Forces Républicaines de Côte d ‘Ivoire (FRCI) », avait déclaré M. Ouattara en mars dernier, alors qu’il était encore retranché au Golf Hôtel d’Abidjan sous blocus des forces fidèles à M. Gbagbo. « En ce qui concerne nos Forces Armées, nous connaissons ses problèmes internes ainsi que les attentes de nos populations en matière de défense. Nous savons entre autres que les Forces Armées ont des problèmes de profil de carrière et de retraite. Nous ferons face à toutes ces préoccupations », avait promis Alassane Ouattara. Sorti vainqueur, depuis le 11 avril 2011, du bras de fer politico-militaire qui l’opposait à Gbagbo, le président Ouattara doit relever le défi majeur de la réunification des deux armées, ennemis d’hier. Selon la promesse faite, la nouvelle armée doit être sous un état-major dirigé par un chef d’état-major, un général qui sera secondé par un autre officier général. L’armée ivoirienne réunifiée aura pour mission »d’assurer principalement la sécurité des personnes et des biens sans distinction et devra suivre un nouveau code de conduite au service de tous les citoyens », avait insisté M. Ouattara, en mars dernier. En sa qualité de chef suprême des Armées, il avait ordonné aux militaires des deux armées de commencer »dès à présent, chacun à son niveau », à se mettre en marche pour l’accomplissement de la mission: celle de bâtir les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci).
Questions de fond
Sur le terrain, la tâche reste fort compliquée pour le nouveau président ivoirien. A ce jour, Alassane Ouattara n’a pas encore fait le choix de son propre chef d’état-major. S’agit-il, pour le chef de l’Etat, d’une stratégie militaire ou est-ce une véritable difficulté pour lui d’imprimer sa marque sur la grande muette? Bien malin qui saura ce que cache le maintien du général Philippe Mangou à la tête de cette armée hybride. Les deux armées à réunifier, faut-il le relever, ne sont pas, à l’origine, celles du président Ouattara. Pour ce qui est des Fafn, elles restent sous l’emprise du Premier ministre Guillaume Soro, qui occupe le poste de ministre de la Défense. Les ex-Fds semblent, elles, sous un contrôle partiel de l’ancien président Gbagbo, malgré les allégeances de la plupart des officiers de cette armée au nouveau régime. Conséquence, un mois après la prise de pouvoir d’Alassane Ouattara, les militaires ivoiriens ont du mal, sur le terrain, à travailler en symbiose. Les quelques gendarmes qui ont repris le service, notamment à Abidjan, préfèrent faire des patrouilles avec les casques bleus de l’ONUCI plutôt qu’avec leurs frères d’armes des Fafn avec qui ils sont pourtant appelés à former la nouvelle force réunifiée. Ce qui coince dans l’affaire, c’est le manque de confiance entre les militaires des deux camps. Il nous est revenu, maintes fois, que des FDS qui ont tenté de reprendre le boulot aux côtés de leurs frères d’armes venus de Bouaké n’ont pas toujours été les bienvenus. «Je vous engage à changer de mentalité et de comportement pour rassurer nos concitoyens, offrir la paix à tous pour le bien de notre pays », avait pourtant dit Alassane Ouattara aux militaires, le 17 mars 2011, lors de la signature de l’ordonnance portant création de la nouvelle armée réunifiée. Le discours du chef de l’Etat n’aura pas permis de rapprocher davantage les deux armées ivoiriennes. La semaine dernière, un officier issu de l’armée des Fds, qui a requis l’anonymat, confiait que certains soldats qui ont repris le travail à l’appel du gouvernement Ouattara étaient continuellement menacés, et que d’autres auraient même été tués par des éléments Fafn. Si tous ces faits graves sont avérés, il apparaît évident que la réunification des armées, une question cruciale dans la gouvernance de Ouattara, pourrait longtemps piétiner. Par ailleurs, à la difficile gestion des hommes s’ajoutent les nombreuses revendications matérielles et financières des militaires, gendarmes et policiers. Il se murmure que les ex-combattants Fafn venus pour le combat d’Abidjan refuseraient de retourner au nord parce qu’ils n’auraient pas encore perçu leur »prime de guerre ». Certains ex- combattants Fafn qui n’ont pas la formation militaire requise, exigeraient de faire partie, ici et maintenant, de la nouvelle armée unifiée. Côté Fds, on réclamerait de nouvelles tenues militaires et on aurait exigé la réhabilitation des commissariats de police et des brigades de gendarmerie avant toute reprise générale avec les Fafn. Autant dire que la réunification des armées est un dossier chaud entre les mains du président Ouattara.
TRA BI Charles
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