Des sources diplomatiques et militaires à Abidjan affirment que Charles Blé Goudé a été tué. Le leader des Jeunes patriotes pro-Gbagbo aurait été enterré dans un lieu tenu secret.
«On n’entendra plus jamais parler de Charles Blé Goudé.» Cette confidence d’un colonel ouest-africain, en poste à l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), sonne comme une messe de requiem pour le leader des Jeunes patriotes, fidèle parmi les fidèles de Laurent Gbagbo. Le «général de la rue», tombé entre les mains des Forces pro-Ouattara après l’arrestation de Gbagbo le 11 avril 2011, aurait été torturé à mort et enterré dans un lieu tenu secret. Une information confirmée par un diplomate de l’Onuci qui a requis l’anonymat:
«Dès qu’il est tombé entre leurs mains, les FRCI [Forces républicaines de Côte d’Ivoire, ndlr] se sont particulièrement acharnées sur lui. Ils l’ont littéralement massacré.»
Ces révélations corroborent les rumeurs insistantes et inquiétantes qui avaient circulé au sujet de Blé Goudé après la chute de son mentor. L’on avait noté alors un cafouillage en règle dans le camp des pro-Ouattara. Patrick Achi, porte-parole du gouvernement, avait déclaré à la presse que Blé Goudé avait été «appréhendé» et qu’il se trouvait en «résidence surveillée», mais il s’était rétracté peu après.
Alain Toussaint, conseiller de Laurent Gbagbo à Paris, avait déclaré après sa capture: «Charles Blé Goudé est entre la vie et la mort.» «Il a été arrêté par l’Onuci et cette dernière l’a remis aux forces d’Alassane Ouattara», avait-t-il déclaré à Reuters à Paris.
Si cette mort venait à être confirmée, elle n’étonnerait pas grand monde. Charles Blé Goudé était depuis longtemps une cible et ne se déplaçait qu’avec une armada de gardes du corps. D’autres farouches partisans de Gbagbo, dont on n’aurait pas donné cher de la peau, ont pu eux échapper à la vindicte des FRCI. C’est le cas notamment du général Bruno Dogbo Blé, chef de la garde républicaine dont les troupes sont accusées d’avoir commis plusieurs exactions sur les populations civiles, et notamment le meurtre de six femmes après une marche de partisans d’Alassane Ouattara. De même, le chef des miliciens pro-Gbagbo «Maguy-le-tocard», capturé par des éléments du «commando invisible» d’Ibrahim Coulibaly, avait eu la vie sauve.
Syndicaliste et tribun de choc
Né le 1er janvier 1972 à Niagbrahio, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, Charles Blé Goudé était une des figures de proue de l’ancien régime.
Après avoir obtenu son baccalauréat en 1991, il entre à l’Université d’Abidjan où il milite activement à la fameuse Fédération des étudiants et scolaires de Côte d’Ivoire (Fesci), matrice syndicale de bon nombre de leaders ivoiriens dont un certain… Guillaume Soro aujourd’hui Premier ministre d’Alassane Ouattara. Très entreprenant, Blé Goudé occupe des postes à différents niveaux. En 1996, il devient le Secrétaire national à l’organisation au bureau national, et en 1998 succède à Soro en tant que Secrétaire général de la Fesci pour un mandat de deux ans. Adepte des méthodes musclées, il «règne» par la terreur à la Fesci en introduisant les machettes dans le campus universitaire.
Après l’insurrection militaire nordiste du 19 septembre 2002, il fonde l’Alliance des jeunes patriotes pour le sursaut national. Une organisation nationaliste qui sera le fer de lance des manifestations anti-françaises qui feront plusieurs dizaines de morts. «Si c’est gâté, à chacun son blanc», avait-il lancé à ses jeunes partisans.
Tribun hors pair, Blé Goudé était devenu un des piliers du régime. Le «général de la rue», avec ses petites phrases choc, pouvait faire descendre dans la rue des milliers de partisans de Gbagbo chauffés à blanc par ses discours incendiaires.
Barka Ba
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