Par Mohamed – afriquefoot.fr
Qu’elles soient ou non fondées, les dernières révélations de Médiapart ont permis de mettre en lumière la position des instances dirigeantes du football français au sujet des joueurs binationaux.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la Fédération française de football (FFF) ne manque pas d’air.
Pour le sélectionneur des Bleus, Laurent Blanc, ces footballeurs formés en France mais bénéficiant de la nationalité du pays d’origine de leurs parents sont un problème à « éradiquer ».
Explications du technicien : « Quand les gens portent les maillots de l’équipe nationale des 16 ans, 17 ans, 18 ans, 19 ans, 20 ans, Espoirs, et qu’après ils vont aller jouer dans des équipes nord-africaines ou africaines, ça me dérange énormément ».
Des propos loin d’être surprenants pour l’entraîneur qui se plaignait l’année dernière de ne pas pouvoir sélectionner Moussa Sow, meilleur buteur de L1. Après avoir porté les couleurs de la France chez les juniors, le buteur natif de Mantes-la-Jolie (Yvelines) a finalement opté pour la sélection sénégalaise en 2009.
Un choix regretté par Laurent Blanc qui s’indignait alors : « Il n’y a rien à faire, les lois sont contre nous ! ». En cause : la nouvelle réglementation Fifa, instaurée en 2009, qui permet à un footballeur de changer une fois d’équipe nationale, sans limite d’âge, à condition de n’avoir pas joué de compétition en « A » avec sa précédente sélection.
En dépit de ses contestations, le sélectionneur tricolore est pourtant dans le tort. Les derniers statuts n’ont jamais pénalisé l’équipe de France pour la simple raison qu’elle a jusqu’ici toujours su conserver ses meilleurs espoirs.
Ce dimanche, sur le plateau de Téléfoot, Lilian Thuram estimait ainsi que la binationalité était un « faux problème puisque les meilleurs joueurs seront toujours retenus par la France ». Samir Nasri, Karim Benzema, Lassana Diarra, Adil Rami, Mamadou Sakho : effectivement, les Bleus n’ont pas de quoi se sentir lésés.
Dans le même temps, les joueurs qui ont choisi de porter les couleurs de leur pays d’origine n’avaient que peu de chances de rejoindre Clairefontaine. Illustration avec Ryad Boudebouz : le Sochalien a participé au dernier Mondial avec l’Algérie à 21 ans alors qu’il avait toujours été ignoré jusqu’ici par l’équipe de France A.
Bénéficiant d’un réservoir de joueurs quasiment inépuisable, les Bleus ne peuvent offrir une place à tous ces espoirs. Dès lors, la position de la FFF et de Laurent Blanc ne semble guère justifiable.
Plus grave : combien d’internationaux français aux origines africaines ont été convoqués épisodiquement en équipe de France avant d’être totalement ignorés, voyant ainsi leur carrière internationale brutalement mise à l’arrêt ?
Sélectionneur du Sénégal, Amara Traoré n’a pas hésité à rappeler la situation de ces joueurs pour contester le raisonnement de Laurent Blanc.
« Les pays africains ne l’accepteront pas. Ils ont tellement souffert de ça. On peut donner des exemples dans l’autre sens pour le cas du Sénégal. Où sont passés Ibrahima Ba, Bafé Gomis, Samba Ndiaye, Etienne Mendy. Ils ont joué un match pour l’équipe de France et après, ils ont disparu. Le cas le plus pathétique, c’est celui de Bafé Gomis. Il y a aussi le cas du Toulousain Moussa Cissokho », a regretté le technicien sénégalais.
Dans ce contexte, difficile de donner raison aux réflexes protectionnistes des instances dirigeants hexagonales. Vikash Dhorasoo le soulignait justement dans les colonnes de 20minutes.fr : la FFF devrait valoriser le multiculturalisme de son vivier de joueurs en favorisant les échanges avec leurs pays d’origine.
« Moi ce qui me dérange plus, ce sont les propos de Laurent Blanc, qui se plaint que des joueurs formés en France partent défendre les couleurs d’un autre pays. C’est ce qui est bien dans la mondialisation, c’est l’échange de compétences, la coopération. On est capable d’aller prendre les meilleurs joueurs africains pour aller jouer chez nous. Pourquoi certains d’entre eux ne pourraient-ils pas aller jouer pour le pays de leurs parents, par exemple ? La réussite de l’équipe de France dépend-t-elle d’un ou deux joueurs partis jouer en Côte d’Ivoire ou au Sénégal ? », a fait remarquer l’ancien international français.
En crise d’identité depuis l’affaire du bus de Knysna, le football tricolore se cherche encore et ses jeunes pousses risquent bien d’en pâtir.
Commentaires Facebook