Plus de deux semaines après l’arrestation de Laurent Gbagbo, le calme revient progressivement en Côte d’Ivoire. Confronté aux immenses défis de la réconciliation nationale et de la reconstruction, Alassane Ouattara cherche désormais à asseoir son autorité. Pour trouver une légitimité populaire, son premier objectif est de garantir la sécurité dans le pays.
Mais, à Abidjan, les poches de résistance sont nombreuses. Les quartiers de Yopougon et d’Abobo, où vivent plus de deux millions d’habitants, ne sont toujours pas sous le contrôle des Forces républicaines de M. Ouattara. Dans l’ouest du pays, où des massacres avaient déjà été signalés, les ONG dénoncent encore des exactions dans les villages de brousse, et s’effraient des risques de conflit communautaire.
DÉSARMER LES MILICES
Alassane Ouattara l’a affirmé vendredi 22 avril : « la guerre est terminée en Côte d’Ivoire ». Mais tous les acteurs du conflit n’ont pas baissé les armes pour autant. Les militants gbagbistes et les chefs miliciens, Ibrahim Coulibaly en tête, menacent le tout nouvel équilibre du pays.
Ibrahim Coulibaly, surnommé « IB » par les Ivoiriens, a joué les premiers rôles dans l’affaiblissement de Laurent Gbagbo. A la tête d’une milice baptisée « Les commandos invisibles », constituée de groupuscules armés, « IB » combat les gbagbistes depuis janvier. Il a ainsi pris le contrôle de larges zones du nord d’Abidjan, notamment le quartier d’Abobo. Adversaire historique du nouveau premier ministre, Guillaume Soro, avec qui il était en lutte en 2004 dans un affrontement fratricide, il ne semble pas non plus soutenir Alassane Ouattara, selon la presse ivoirienne.
Pour contrer la menace milicienne, le nouveau président a, dans un premier temps, réclamé la reddition des groupes armés, leur demandant de « déposer les armes immédiatement et sans conditions ». En réponse, « IB » a appelé ses hommes à se désarmer mardi, mais les Forces républicaines du nouveau président ont lancé mercredi une offensive dans son fief. Après des échanges soutenus à l’arme lourde dans la matinée, les tirs ont repris en début d’après-midi.
Pour Michel Galy, politologue à l’Ecole des relations internationales et spécialiste de la Côte d’Ivoire, « tout n’est pas encore joué, les forces républicaines ne sont pas sur leur terrain à Abidjan : beaucoup de ces hommes sont des Dozos venus du Nord, qui connaissent peu la jungle urbaine ». Reste à savoir si les soldats de l’ONU, forces françaises en tête, « resteront à l’écart ou finiront le travail commencé » si Alassane Ouattara est de nouveau en difficulté, souligne Michel Galy.
MAÎTRISER LES FORCES RÉPUBLICAINES
Les nouvelles autorités doivent aussi maîtriser leurs propres forces, qui se sont rendues coupables de pillages et de racket à Abidjan et dans le reste du pays. Pour lutter contre les débordements, Alassane Ouattara a « ordonné » le retour « immédiat » des unités combattantes des Forces républicaines de Côte d’Ivoire dans leurs casernes, et le redéploiement des gendarmes et policiers.
Pour éviter les rébellions au sein de l’armée, le nouveau pouvoir a aussi démantelé la « Sorbonne », lieu de rassemblement et véritable forum des partisans de Laurent Gbagbo. Outre sa dimension politique, le lieu était surtout réputé pour abriter des activités illégales et des trafics en tout genre.
LE CASSE-TÊTE DE L’INVESTITURE D’ALASSANE OUATTARA
Malgré le retour au calme, le statut politique et juridique d’Alassane Ouattara continue d’alimenter les débats. « Ado » (contraction d’Alassane Dramane Ouattara) n’a toujours pas été reconnu comme président par le Conseil constitutionnel. Son investiture ne devrait avoir lieu que « dans la seconde quinzaine de mai », selon des déclarations faites à la TCI, chaîne de télévision du nouveau président. L’événement devrait se tenir dans la capitale politique, Yamoussoukro (dans le centre du pays), et le nouveau gouvernement serait formé dans la foulée.
Dans cette perspective, Alassane Ouattara a reçu le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré, qui aura la tâche de le reconnaître comme président. Mais les soutiens de Laurent Gbagbo espèrent encore que le Conseil constitutionnel, acquis à l’ex-président, refuse de reconnaître l’élection de M. Ouattara. En décembre, Paul Yao N’Dré avait invalidé les résultats de la commission électorale, certifiés par l’ONU, donnant M. Ouattara vainqueur, et proclamé la réélection de Laurent Gbagbo avec 51,45 % des suffrages. Le politologue Michel Galy confirme qu’il « sera difficile pour le Conseil constitutionnel d’inverser complètement sa décision de décembre ». Dans cette perspective, il craint que « le cycle de violences ne se perpétue ».
Charlotte Chabas
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