Dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, « les violences sont loin d’être terminées »

Malgré l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril, et le retour au calme progressif dans le pays, la situation ne s’améliore pas dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Les réfugiés continuent d’affluer dans les trois sous-préfectures de la région, et le camp de Duékoué accueille désormais plus de 27 000 personnes.

Depuis le début de la crise, la région a été le théâtre de violents affrontements. A Duékoué, la Croix-Rouge a évoqué « au moins 800 morts » pour la seule journée du 29 mars, après le passage des partisans d’Alassane Ouattara. L’ONG a dénoncé des « violences intercommunautaires » entre les autochtones d’ethnie guéré et les Ivoiriens du Nord. Et plusieurs organisations redoutent que la crise politique nationale ait dégénéré en conflit ethnique local. Le 3 avril, le premier ministre Guillaume Soro a promis l’ouverture d’enquêtes sur les massacres signalés dans l’ouest.

SITUATION HUMANITAIRE « DÉSASTREUSE »

Pour les humanitaires présents sur place, la situation est toujours « très inquiétante ». Tous dénoncent les violences qui se poursuivent dans les zones les plus reculées de ce territoire. Chaque jour, de nouveaux blessés arrivent à pied, depuis leurs villages de brousse, dénonçant « des attaques à la machette, à l’arme blanche, des viols et des combats entre communautés », explique Solange Koné, responsable de l’Association de soutien à l’autopromotion sanitaire et urbaine (Asapsu) ivoirienne, qui intervient dans le camp de Duékoué.

Dans les camps de réfugiés, les conditions d’hygiène se révèlent déplorables et l’espace manque. A Duékoué, « la capacité du camp est largement dépassée », dénonce Salha Issouffou, responsable de la mission de Médecins sans Frontières (MSF) dans la région. « Pour l’instant, nous avons déjà traité, en dehors des blessés, plusieurs cas de rougeole et un de méningite dans le seul camp de Duékoué. Nous redoutons le scénario de l’épidémie qui se propagerait comme une traînée de poudre dans les camps. » En février dernier, la rougeole avait été diagnostiquée chez plusieurs enfants mais la campagne de vaccination prévue par les autorités de santé avait été annulée à cause des violences.

L’accès à l’eau et à la nourriture est aussi très compliqué à gérer pour les ONG. Les programmes de distribution de nourriture se multiplient car « de plus en plus d’enfants sont dans une situation de malnutrition dramatique », souligne Lucile Grosjean, porte-parole d’Action contre la faim (ACF) en Côte d’Ivoire. « Beaucoup de patients souffrent d’anémie sévères, qui font redouter le pire pour leur santé », confirment les membres de MSF.

« LA PEUR NE PART PAS »

Afin d’améliorer les conditions d’accueil des réfugiés, l’association Asapsu a mis en place une cellule d’écoute pour recueillir les témoignages des nouveaux arrivants. « Ceux qui ne sont pas atteints physiquement le sont psychologiquement. Toute la population est traumatisée et les demandes de soutien sont très fortes. Ces gens ont simplement besoin de vider leur sac, parce que leur peur ne part pas », raconte Solange Koné.

Dans les camps, le sentiment d’insécurité reste en effet « très fort ». « Ceux qui parviennent à atteindre le camp ont passé des jours à fuir les violences dans leur village, décrit la responsable d’Action contre la faim présente dans la région. De nombreuses zones sont encore impraticables pour le personnel humanitaire et les exactions se poursuivent. »

Avant d’envisager le retour des habitants dans leur village, analyse la responsable de l’Asapsu, « l’enjeu est de rétablir la cohésion entre communautés. Si nous ne travaillons pas sur le conflit entre ethnies, les violences sont loin d’être terminées. Il y a encore beaucoup d’agressivité, le climat de vengeance ne s’est pas dissipé. »

LEMONDE.FR par Charlotte Chabas

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