Depuis le Chu de Bouaké, comment les soldats blessés reçoivent soins et réconfort

Reportage – Réalisé par Sériba Koné, journaliste déplacé à Bouaké

1ère partie

Comment des blessés des Frci reçoivent soins et réconfort

Il est un peu plus de 16 heures, lundi 18 avril 2011 au Chu de Bouaké. L’ambiance est la même comme dans tous les grands hôpitaux publiques. Seulement, dans la cours, des confrères déplacés à Bouaké et certains journalistes résidents sont visibles. Ils sont regroupés juste après avoir franchi le portail. Ils sont rejoints quelques minutes plus tard par la présidente de l’Ong, Cglp (Coordination générale de lutte contre la pauvreté) dirigée par Mme Maïmouna Koné Faber ainsi que, des femmes leaders qui, vendredi 15 avril étaient au lancement du projet « vivre ensemble » au Ranhôtel. Les choses vont vite.
« Nous sommes ici pour apporter réconforts et soutien aux Forces républicaines blessées au front lors des combats de la libération de la Côte d’Ivoire », explique Mme Maïmouna Koné Faber qui plante ainsi le décor. Toutefois, elle reste scotcher à son téléphone portable entre différents coups de fils. Elle nous apprend quelques minutes plus tard la

présence effective du préfet de région, Aka Konin. Sans tempête ni tambour, le cortège du représentant du Président de la République, le gouverneur de la vallée du Bandama, accompagné du délégué départemental des Forces nouvelles, Kouadio Kouamé et de quelques chefs traditionnels franchissent le portail du Centre hospitalier et universitaire de Bouaké.
Échanges de civilité puis, direction vers le secrétariat du directeur de l’hôpital qui attendait la délégation avec, ses proches collaborateurs à l’entrée de son secrétariat. Le bureau est trop petit pour contenir tout le monde. Quelques journalistes et photographes, femmes leaders, la présidente de l’Ong, et les officiels ont accès au cabinet du premier responsable du Chu. Le délégué départemental des Forces nouvelles, Kouadio Kouamé au nom de la délégation donne les nouvelles. L’information se résume au don que les femmes leaders et la présidente Maïmouna Koné Faber ont bien voulu faire aux soldats des Frci blessés au combat.

La suite logique du projet « vivre ensemble »…

« Ce n’est que la suite logique du projet « vivre ensemble » que nous avons initié, il y a 72 heures pour soutenir et encourager nos vaillants soldats qui ont libéré la Côte d’Ivoire. Nous sommes ici avec des produits hygiéniques composés de savons », a indiqué la donatrice. Un geste symbolique qui est salué à sa juste valeur par le directeur général du Chu, Pr. Félix Boa Yapo. Qui a tenu à expliquer le patriotisme des soldats. « Nous continuons à recevoir les blessés, je dirai de la démocratie. Aujourd’hui on a dépassé la centaine de personnes reçues ici. Certains ont pu pratiquement regagner leurs maisons, d’autres ont été hospitalisés et ont fait l’objet d’opération. D’autres sont à reprendre pour une deuxième intervention », a introduit le directeur général, poursuivant qu’ « étant donné la portée de l’acte à savoir offrir leur poitrine et, pour certain leur vie (parce qu’il y a malheureusement certains qui sont décédés), pour sauver toute la Côte d’Ivoire, à notre niveau ici on a mis en place une organisation de sorte qu’à leur arrivée, ils se sentent vraiment pris en charge. » De façon symbolique, le don est offert au directeur général Félix Boa Yapo par Mme Maïmouna Faber. Le préfet de région, Aka Konin n’est pas resté indifférents. Il a fait parler son cœur en numéraire. C’est d’ailleurs lui qui, au nom de la Nation a trouvé les mots justes pour saluer la main généreuse. « Le vrai patriotisme, c’est ce que vous faites. C’est-à-dire vous occupez avec bon cœur sans demander quoi que ce soit en retour, pour soigner des personnes qui, en retour ont offert leur poitrine pour que la liberté, la démocratie et la liberté règnent en Côte d’Ivoire.» Aussi, a-t-il remercié Mme Maïmona Koné Faber et les femmes leaders et, émis le souhait qu’un jour la Nation leur soit reconnaissante. « Chacun est patriote à son niveau. Dans son secteur d’activité il est patriote mais, je sais qu’un jour la Nation vous en sera reconnaissante ». Faisant allusion aux « jeunes patriotes » sans toutefois les citer, il a indiqué ce qui suit : « on ne se réfugie pas derrière un patriotisme qui ne vaut que par argent mais, en reconnaissance de la tâche et pour cela, je suis persuadé que la Nation vous sera reconnaissante. Je vous dis merci et vous demande à continuer dans ce sens, quelque soit les problèmes. Le nouveau gouvernement qui prend les destinées du pays prendra toutes les dispositions nécessaires pour que tout ce que vous faites soit connu». Et de conclure, « à madame Faber, je dis une fois de plus merci pour votre soutien, qui est un grand geste du cœur, ce n’est pas la quantité qui importe mais, c’est le fait que cela vienne du cœur. Quand vous voyez les femmes qui sont venues avec vous, l’effort que certaines d’entre elles ont fait pour payer un morceau de savon, c’est dire que l’effort est très grand. On vous remercie et on vous traduit notre reconnaissance ». Après le bureau du directeur général, la délégation a pris la direction des salles d’hospitalisations.

Les victimes de guerre ne sont pas des « orphelins »

Cap est mis à la salle d’hospitalisation traumatologie où les blessés sont internés. La douleur et l’émotion sont vives. Difficile de retenir les larmes. Mais, il faut surmonter cela. Tous sont victimes de blessures par balles ou obus. Certains ont du mal à expliquer la date, le jour et l’heure auxquels ils ont été victimes. Mais, ils arrivent en majorité à échanger et sont fiers d’avoir combattu pour la Nation. L’élément (il ne nous dit pas son grade) Ouattara Ibrahima à la Chambre 4, nous relate les conditions dans lesquelles il a été atteint : « c’est le vendredi 15 que j’ai été atteint par balle à Yopougon-Niangon. Nous avons été évacués ici depuis samedi (ndlr : 16 avril) matin et ça va. Nous sommes bien traités et je suis fier d’avoir combattu pour la Nation ivoirienne». Le cas du caporal Coulibaly Soumaïla, de l’unité béret noir de Bouaké, atteint par obus est plus inquiétant. Il fait partie de ceux qui ont fait une première opération et dont les cas nécessitent une deuxième. Il a espoir et remercie ses chefs de l’avoir envoyé au combat. « Si c’était à refaire, je suis prêt », indique Doumbia Sékou. Celui qui s’exprime ainsi a eu un bras amputé lors de l’opération et le corps zébré par la brulure d’obus de roquette qu’il a reçu au 16è arrondissement de Yopougon, lors du ratissage entrepris dans cette commune depuis plus d’une semaine. A son chevet sa mère, son petit-frère et sa fille tiennent à sa vie. « Il est l’espoir de la famille. C’est lui qui fait tout », lâche en sanglot son jeune frère Doumbia Kassoum. Quant au caporal Diarra Mohamed il a les deux yeux bandés de sparadraps et les mains constamment portées vers le visage. Il souffre énormément et ne peut nous dire un seul mot. Son cas nécessite un centre spécialisé soit en Tunisie ou au Mali, nous dit un des médecins traitants.
En effet, au nombre de la trentaine de blessés de guerre alités, il y a trois cas de fracture de la mandibule et deux cas où les balles ont atteint, voire traversé l’abdomen. Ceux dont les mandibules ont été fracturées doivent subir une autre opération faciale soit à Yamoussoukro où à Abidjan, où il y a le matériel meilleur.
« Tous les blessés souffrent pour la plupart de fractures et leur vie n’est pas en danger », nous rassure Dr Traoré Mamadou, l’un des médecins traitants.

Msf, la Croix rouge et le secrétariat des Fn préoccupés par la situation

La préoccupation des blessés des Frci est prise en compte par le gouvernement, le secrétariat des Forces nouvelles, Msf (Médecin sans frontière) et la Croix rouge. « Dieu merci, le vendredi déjà le ministre Dosso Moussa (Fn) était passé ici et a épongé une bonne partie des frais qui ont été engagés. Il y a eu certaines bonnes volontés comme Msf qui, avant même le lancement de l’assaut a fait des dons en médicaments ainsi que, la Croix rouge. Cela a diminué le coût. Ce qui n’était pas disponible à notre niveau nous avons offert un cahier chez le pharmacien Diomandé bref, nous avons pu faire face jusque-là à tous les frais que cela nécessitait », indique Pr Félix Boa Yapo directeur général du Chu de Bouaké. Faisant cas des plaintes incessants des blessés concernant leurs soins qui sont diversement interprétés, le premier responsable rassure : «Ceux qui sont là (les blessés de guerre) n’ont pas de problèmes de médicaments». En revanche, la plupart des plaintes tournent autour des « médicaments qui sont souvent donnés tard dans la nuit ». A cet effet, l’explication est la suivant : « s’ils disent qu’on leur donne des médicaments tard, cela dépend du programme de travail des infirmiers, sinon ils ne manquent pas de médicaments». En d’autres termes, les blessés sont bien traités et ne déboursent aucune somme d’argent. Ils sont pris en compte à 100%.

Le point des blessés avec Dr. Touré Vamara

Le référant qualité au Chu de Bouaké, Dr. Touré Vamara a fait le point exhaustif des centaines de blessés reçus par l’hôpital du 30 mars au lundi 18 avril 2011. « Il y a eu deux décès dont, un à l’arrivée et l’autre en cours d’hospitalisation. Nous avons libérer la majorité des malades. A ce jour, il nous reste 35 malades hospitalisés ». Tel est le point en chiffre, correspondant aux blessés qui sont encore alités au Chu. Ce nombre s’est gonflé avec 9 blessés arrivés samedi, 16 avril dès suite des combats de la commune de Yopougon contre les miliciens et mercenaires, dans la pacification du District d’Abidjan entreprise par les Frci.

Sériba Koné, journaliste déplacé à Bouaké (Ph : Dr)

Entretien avec… (2ème partie)

Pr. FELIX BOA YAPO avec le Préfet de Région

Pr. Félix Boa Yapo, Directeur général du Chu de Bouaké

« Pour l’heure, les moyens sont suffisant pour prendre en compte les blessés »

Après la visite aux blessés de guerre, nous avons approché Pr. Félix Boa Yapo, Directeur général du Chu de Bouaké. Il nous fait le point de tout ce qui a été fait.

Vous évoquiez hors micro le schéma qui a été mis en place avant l’arrivée des blessés de guerre d’Abidjan en conformité avec celui de l’assaut sur Tiébissou. Peut-on avoir une idée nette de ces dispositions ?

Avant l’assaut de Tiébissou 1 je suis passé dans tous mes services et j’ai dis que si les blessés de Tiébissou viennent avec les ordonnances de les servir en médicaments sans demander le moindre centime à quelqu’un. Aux urgences, point d’entrée des blessés, j’ai sensibilisé le personnel. Dès qu’un blessé arrive c’est la mobilisation à tous les niveaux. Certains pour le nettoyage, d’autres pour les déshabiller, les médecins pour les examens puis les prescriptions. Une fois les prescriptions sont faites, les ordonnances sont acheminées à la pharmacie de l’hôpital où un dossier est ouvert à cet effet (blessés de Tiébissou). Les médicaments sont servis et on garde les ordonnances. Pour les médicaments qu’il n y a pas au Chu ici, un dossier est ouvert chez Dr Diomandé de la pharmacie de la place où nous prenons des médicaments. C’est le même mécanisme qui a été mis en place.

Y-a-il eu des dons de médicaments au point d’affirmer qu’il n’y a pas de problème dans ce sens ?
Avant que les blessés d’Abidjan ne viennent, il y a Médecin sans frontière qui était venu nous faire un don de médicaments. C’est Dr. Touré Vamara qui s’en occupe. Quand nous recevons les blessés nous prenons les gants et tout ce qu’il faut dans notre stock aux urgences.
Quant aux médicaments, Dr. Touré Vamara vérifie dans les stocks de dons offert par Msf. S’il n’y en n’a pas on fait une facture et on va à la pharmacie du Chu. Si là encore rien n’est disponible, on va chez Dr. Diomandé de la pharmacie de la place.

Par qui les factures des pharmacies sont-elles payées ?

Je termine par dire que c’est ainsi qu’on a géré les blessés. Certains ont été opérés pour une première fois. D’autres doivent être réopérés. Ils n’ont vraiment pas de manque de médicaments parce que, déjà toutes les factures qu’on avait engagées, ont été épongées vendredi 15 avril par le ministre Dosso Moussa. On lui a dit qu’il y a d’autres qui ont besoin d’être réopérés et certains ont besoin de prothèses. Nous lui avons fait parvenir un document concernant nos besoins et il a remis 10 millions FCFA au Daaf. Cet argent a permis d’éponger les dettes que nous avions déjà engagées et permettra de payer les matériels de prothèses (jambes fracturées, mâchoires cassées etc). Ce sont des choses qui ne sont pas disponibles à Bouaké. Nous sommes en train de voir avec certains collègues à Abidjan, comment on peut se les procurer depuis là-bas.

Des neufs blessés arrivées samedi 16 avril, beaucoup se plaignent. Notamment, Coulibaly Soumaïla qui dit n’avoir reçu aucune assistance en médicament. Quel commentaire faites-vous?

Je vais voir. Mais, d’ores et déjà, dites vous qu’il a été traité parce qu’il est déjà dans un lit. Honnêtement, le Pr. Diané Bamourou qui est le chef de service de chirurgie et tous les médecins avec qui je travail font bien leur boulot. Tous les malades et particulièrement les blessés de guerre sont pris avec le plus d’attention possible.
Il y en a qui ont des fractures effectivement cela fait mal. On donne des calmants mais, quand la durée est épuisée il peut avoir mal. Il y a certains qui ont des fractures avec des plaies ouvertes et, tant qu’on n’a pas opéré, ils auront toujours mal quand la des calmants diminue.
Ce n’est plus un problème de médicaments encore moins d’argent. Il y a suffisamment de moyens pour prendre les blessés qui sont là en charge.
Réalisé par Sériba Koné, journaliste déplacé à Bouaké (Ph : Dr)

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