La capture de Laurent Gbagbo par l’action combinée des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), la Force Française Licorne et l’ONUCI a suscité beaucoup d’émoi dans le monde entier. Nombreux sont les pays qui se sont empressés de saluer cette victoire du camp Ouattara et de la démocratie, tandis que d’autres pays ont vivement protesté contre la chute de Gbagbo. Après analyse des différentes déclarations qui ont été faites, un fait marquant m’est apparu. J’ai constaté que l’arrestation de Gbagbo avait été bien accueillie et avait suscité des tonnerres d’applaudissements dans les pays où les droits de l’homme, la liberté d’expression et les libertés individuelles sont scrupuleusement respectés. Je fais allusion aux pays de l’Union Européenne, aux Etats Unis d’Amérique mais aussi à quelques rares pays Africains comme le Sénégal et le Nigéria. Par contre, dans les pays comme la Chine, la Russie, l’Angola et autres, où la repression des masses, le musellement de la presse, et l’absence de liberté sont criards, la chute de Gbagbo avait été accueillie avec amertume. A mon sens, cette réaction n’est pas motivée par un soucis de démocratie, ni parce que le régime Gbagbo représentait un modèle de démocratie, mais plutôt parce qu’à travers le chute de Gbagbo, ces leaders voient leur potentielle chute. Le cas Gbagbo pourrait donc créer un précédent. Pour ces pays-là, il est donc question de jurisprudence. Ils n’apprécieraient pas que le cas Gbagbo s’applique à eux-mêmes. Vous conviendrez avec moi que dans les pays sus-cités les élections ressemblent généralement à des plébiscites. Les leaders de ces pays n’aimeraient donc pas avoir à faire à une cohalition internationale, de surcroît armée contre eux et qui viendrait les déstabiliser après des élections qu’ils auraient “remportées”. Alors, l’argument de l’ingérence extérieure qu’ils brandissent n’est en fait qu’une manière de signifier à la communauté internationale que jamais ils n’accepteront l’alternance politique dans leur propre pays. En Chine, il n’existe qu’un seul parti- le parti communiste. Donc pas question d’alternance démocratique. Les élections qui y sont organisées ne laissent aucune chance à l’opposition. En Russie, le parti de Dmitry Medvedev est au pouvoir depuis plusieurs décénies et cela n’est pas prêt de changer. Medvedev avait remporté les élections présidentielles de Mars 2008 avec 71,25% des suffrages exprimés au premier tour. Avant lui, Vladimir Putin (actuel premier ministre de Russie) -qui est du même parti que Medvedev- avait lui aussi remporté les élections de 2004 avec 71,31% des votes exprimés au premier tour. Ces pays stipulent que l’ONU et la force Licorne n’avaient pas mandat pour intervenir directement dans le conflit Ivoirien et enlever Gbagbo du fauteuil qu’il occupait indûment pour la simple raison qu’ils ne veulent pas que cela leur arrive au cas où ils perdraient des élections qu’ils auraient auparavant mal truquées.
Quand bien même l’attitude de ces pays était prévisible, il est toutefois ahurissant de voir qu’une certaine catégorie d’intellectuel(le)s Africains s’aligne derrière cette thèse d’ingérence extérieure et de violation de souveraineté. Cette protestation de la part de ces individus m’amène à m’interroger sur les vraies valeurs qu’ils/elles défendent.
La France et l’ONU auraient-elles dû laisser Gbagbo massacrer le peuple de Côte d’Ivoire sans intervenir? Pensent-ils que les obus que l’armée de Gbagbo lançait sur les marchés bondés de personnes étaient une affaire inter-Ivoirienne et que personne ne devait s’en mêler? Pensent-ils que l’assassinat des femmes d’Abobo pour avoir osé dire non à l’imposture de Gbagbo était une affaire qui ne regardait personne sinon les Ivoiriens? Ces même intellectuel(le)s pensent-ils que Blé Goudé, Damanan Picasse et autres soit-disant jeunes patriotes qui incitaient le peuple à la haine et à la violence contre les partisans de Ouattara et les étrangers ne faisaient rien d’anormal? Ces individus Africains confortablement installés en occident pensent-ils que les miliciens et mercénaries puissament armés par Gbagbo avaient le droit d’ôter la vie à des femmes et à des enfants, et que personne de l’extérieur ne devait s’en offusquer? Soutiennent-ils que seul le peuple de Côte d’Ivoire aux mains nues aurait dû affronter les canons et armes lourdes des miliciens et mercenaires employés par Gbagbo? Quelle sottise!
Du coup, on lit un peu partout dans la presse Africaine et aussi occidentale que Ouattara n’aurait pas de légitimité puisqu’il aurait été installé au pouvoir par une armée étrangère. La question de la légitimité de Ouattara ne se pose absolument pas. Premièrement, sa légitimité il la tient des urnes et non d’une soit-disant prophétie divine comme ce fut le cas pour Laurent Gbagbo. Ouattara a remporté 54% des suffrages exprimés lors des élections présidentielles de Novembre 2010 et cela suffit largement pour lui donner toute la légitimité necessaire pour gouverner la Côte d’Ivoire. Deuxièmement, le panel des chefs d’états Africains a reconnu dans ses conclusions que Ouattara était le président élu de Côte d’Ivoire et que Gbagbo n’était qu’un usurpateur. Finalement, tous les ambassadeurs nommés par Ouattara ont été accueillis et accrédités partout où ils ont été affectés, y compris à l’ONU. De quelle légitimité parlent-ils donc?
Aussi, l’argument d’ingérence extérieure ne tient pas la route puisque l’action des forces Onusiennes et Françaises a été voulue par le gouvernement légitime de Côte d’Ivoire, c’est-à-dire celui de Ouattara. Je me pose la question suivante: pourquoi personne n’a parlé d’ingérence extérieure quand des pompiers, gendarmes et secouristes Français avaient été envoyés à New York après l’attentat du 11 septembre 2001 ou envoyés à la Nouvelle Orléan après l’ouragan Katrina pour aider les Americains?
Qui a parlé d’ingérence extérieure quand le monde entier s’était mobilisé pour venir en aide aux victimes du tremblement de terre survenu à Haiti en 2010, et dernièrement au Japon?
Qui a parlé d’ingérence extérieure quand la Grande Bretagne et la France ont déclaré la guerre à l’Allemagne d’Hitler pour l’envahissement de la Pologne, ce qui conduisit plus tard à la deuxième guerre mondiale?
Chers intellectuel(le)s Africains, comprenez qu’en cas de calamité (Tsunami, tremblement de terre, génocide, etc..) les puissances étrangères ont toujours apporté leur aide aux victimes, pour la simple raison que le bon sens le recommende. Il aurait été absolument inhumain de laisser Gbagbo continuer dans sa folie. Cela aurait constitué un cas flagran de non-assistance à personne en danger. Le régime de Laurent Gbagbo représentait un danger, une calamite, une plaie pour la Côte d’Ivoire, il était donc tout à fait normal que le monde entier se mobilise pour y mettre fin. Et je dois l’avouer, la Côte d’Ivoire ne s’en portera que mieux.
Je conclurai mes propos par cette simple question: Que pensez-vous qu’il serait advenu si le monde avait laissé les seuls juifs combattre Hitler, ou les seuls Iraqiens combattre Saddam Hussein, ou les seuls Ivoiriens combattre Laurent Gbagbo? Un indice: inspirez-vous du cas Rwandais, de Auschwitz et du Darfour.
Pauvres de vous!
Gile Farese
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