Par Arsène Sicailly G.
Je suis encore au boulot quand la nouvelle de l’arrestation du couple Gbagbo me parvient. Heureux, paniqué et surpris, je me précipite chez moi. Non, il faut retourner au bureau car j’ai oublié les clés de mon appartement.
Les messages et les appels s’enchaînent. Des félicitations auxquels je ne sais quoi répondre.
J’allume ma télé et j’aperçois le commandant Wattao, maintes fois donné pour mort, habiller un Laurent Gbagbo épuisé et amaigri. Peut être un détail pour ce soldat mais combien de fois élégant de sa part! Dans un premier réflexe nationaliste, je m’insurge contre la diffusion de ces images montrant un ancien président de la République en maillot de corps avant de me raviser. Il le fallait sans doute pour dissuader ceux qui continuent de tuer dehors encore pour lui.
Ensuite les officiels, français et ivoiriens se succéder à la barre pour démentir l’intervention de l’armée française. Des détails, je considère. On ne fait pas de tri dans l’aide qu’on nous apporte quand la maison brûle. Pourvu qu’on arrive à stopper la folie meurtrière de Monsieur Gbagbo qui même détenu, continuait à murmurer « c’est impossible » preuve du déni dans lequel baignait cet excentrique.
N’empêche que je suis triste de voir les images de ce dernier et son épouse Simone qui semblait sortir tout droit d’un asile psychiatrique.
Un moment de faiblesse me dira-t-on. Mais je ne m’en veux point. Laurent Gbagbo de mon histoire. Celle surtout de mon pays. Je l’ai connu gamin. J’ai grandi sous son influence dont il m’a fallu, une fois adulte, faire de réels efforts intellectuels pour m’affranchir et le combattre. Je suis choqué car ce n’est pas le messie, l’homme courageux et jusqu’au-boutiste qu’il a prétendu être. Je suis ahuri que le gourou, qui a fait de la vie des autres un détail, ne se soit pas sacrifié pour ses pseudo convictions. Je me sens désabusé car le Woody, dont il se targuait, n’était en réalité qu’un vulgaire imposteur qui s’est joué de la naïveté de toute une génération. Non ! Gbagbo, C’est indigne de te rendre car des milliers de gens sont morts par ta faute. C’est encore frustrant que celui qui ait ridiculisé le monde entier, en soit ainsi réduit à sa piètre personnalité. Celle d’un impénitent jouisseur, arracheur de dents, qui après avoir fait d’une simple élection perdue, un combat indépendantiste, une lutte culturelle, un virtuel plaidoyer souverainiste, implore, l’heure venue « Ne me tuez pas ».
Je me demande quel peut être ce fils qui entraîne sa propre mère dans ce genre d’aventure? Au milieu des armes et des bombardements?
Tout ça pour ça ? Tous ces gamins. Toutes ces mères. Tous ces pères tués ces quatre derniers mois. Tous ces jeunes nourris à la sève de la haine avec pour destins brisés comme conséquences. Tous ces inconnus et malheureuses personnes qui ont perdu la vie; dans des conditions les plus atroces qui soient. Un pays détruit et divisé. Toutes ces personnes désormais réduites à la misère parce qu’on s’appelle Koudou Laurent Gbagbo…l’irresponsable de Mama.
Je suis révolté, indigné et les mots commencent à me manquer pour traduire mon état d’esprit.
J’ai honte pour tous ces intellectuels, ces officiers qui ont soutenu le faux sachant bien au fond d’eux que Laurent Gbagbo avait perdu ces élections. Tous ces pasteurs et soi-disant hommes de Dieu qui l’ont encensé et soutenu l’horreur jusqu’à l’extrême. Et qui parlent de ralliement au dernier moment. Tous nos anciens camarades de la Fesci qui pensent qu’avoir été responsable de cette structure, leur donne le droit de jouer avec la vie de toute une nation. J’espère qu’ils en assumeront les conséquences.
Je remercie le président de la République pour la leçon de sagesse qu’il donne à ceux qui ont attenté à sa vie et dont il est devenu le protecteur. Je veux croire en une Côte d’Ivoire qui se remette vite au boulot, qui ne fait plus de différence entre ses fils et qui offre à chacun selon ses mérites et son talent. Seulement, la réconciliation pour moi, se fera naturellement. Il me faut du temps pour me recueillir, panser mes plaies et me refaire une santé mentale.
Puisse Dieu nous accompagner dans notre aventure
Arsène Sicailly G.
Genève/Suisse
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