Journaliste d’investigation et rédacteur à l’hebdomadaire portuaire, aéroportuaire et économique « Le Nouveau Navire», Sériba Koné est aussi correspondant du journal en ligne connectionivoirienne.net. Il fait partie des confrères qui ont été évacués sur Bouaké pour des raisons de sécurité, par l’hélico de l’Onuci. Dans cet entretien, le porte-parole du groupe explique les difficultés auxquelles ils sont confrontés. « Nous avons besoin d’un minimum, c’est un droit légitime », dit-il.
Entretien
Quelle est la situation des confrères après plus d’une semaine d’évacuation à Bouaké, par l’Onuci ?
Au nom de tous les confrères qui ont pu faire le déplacement les 30 et 31 mars 2011 par vol hélicoptère de l’Onuci, je tiens à remercier tous les responsables de cette organisation. Notamment, le porte-parole Amadoun Touré et tout le service communication qui ne cessent de prêter une oreille attentive quant à l’évacuation des journalistes, dans le cadre de la mise en œuvre de ce que nous avons qualifié, de plan d’urgence d’évacuation des journalistes qui ont échappé à des tentatives d’enlèvement, fait l’objet de plusieurs menaces dans l’exercice de leur fonction etc. Nous réitérons ces mêmes remerciements à Mme Faber Koné Maïmouna de l’Ong « Coordination générale de lutte contre la pauvreté » qui, malgré ses maigres moyens et ressources nous assistent avec, au moins un bon repas chaque midi.
Concernant le point de la situation que nous vivons, dès notre arrivée à Bouaké, nous nous sommes rendus au secrétariat général des Forces nouvelles où, nous nous sommes faits enregistrés. Ensuite nous avons été conduits par le service communication des Forces nouvelles au Campus 1 de Bouaké où les responsables du Comité des élèves et étudiants (Ceeci) ont trouvé une chambre pour deux, aux journalistes. Le lendemain, nous nous sommes faits enregistrer à l’Auberge sis au quartier N’Gattakro où le comité d’accueil recense les déplacés. Toutes ses démarches, faut-il le préciser ont été entreprises par Stéphane Goué qui est pour l’heure le secrétaire général du Comité ivoirien pour la protection des journalistes (Cipj).
Comment est-ce que vous vivez ?
Après notre recensement qui s’est d’ailleurs fait en présence du Préfet de région de la vallée du Bandama, Aka Konin nous avons été pris en compte par l’Ong, Coordination générale de lutte contre la pauvreté, dirigée par Mme Faber Koné Maïmouna éducatrice préscolaire, formatrice d’éducation préscolaire et ingénieure en communication. C’est donc, chez elle que, nous prenons un seul repas chaque midi. Après plus rien. Vous savez que nous sommes arrivés à Bouaké dans des conditions misérables, et sans aucun moyen. Écoutez ! Ce n’est pas parce que nous sommes des déplacés que nous sommes plus journalistes. Si nous sommes à Bouaké c’est pour être à l’aise et continuer à œuvrer dans le cadre de notre profession, à la manifestation de la vérité et à la promotion de la démocratie en Côte d’Ivoire. Malheureusement, nous continuons à travailler dans des conditions très difficiles.
Même si aujourd’hui les journaux papiers ne paraissent plus, la plupart d’entre nous correspondent avec des sites d’informations en ligne. Il faut bien qu’ils informent de façon juste et crédible leurs lecteurs. Pour le droit à l’information nous continuons à faire notre boulot.
Avez-vous entrepris des démarches auprès des autorités politiques et administratives de Bouaké ?
Deux jours après notre arrivée, Goué Stéphane qui a organisé cette évacuation a adressé des courriers au préfet, au secrétariat des Forces nouvelles, au maire, à la Chambre de commerce et d’industrie de Bouaké et à d’autres structures dans lesquels il a évoqué nos préoccupations. Nous avons demandé avoir une salle avec connexion Internet, une ligne téléphonique pour recouper les informations avant de les balancer à nos différentes rédactions et un véhicule de reportage pour nous permettre de nous déplacer facilement. Depuis plus d’une semaine aucune des personnalités que je viens de citer ne nous a contacté. Personne ne nous appelle pour savoir comment nous vivions et même s’enquérir de nos états de santé. Ecoutez ! Nous ne nous en plaignons pas, et nous continuons de faire notre travail. La preuve, en moins d’une semaine chacun des journalistes s’efforce à faire des articles et des grands genres. Personnellement, j’ai produit deux grands genres, un dossier et un reportage. Sans compter les compte rendus et autres. On ne dépense pas moins de 5000 FCFA par jour pour réaliser tout ça avec, y compris les transports, la connexion internet et surtout les appels.
Comment arrivez-vous à gérer tout ça ?
Justement, c’est pourquoi nous nous posons la question de savoir si le Président Alassane Ouattara a vraiment un représentant ici à Bouaké. Nous avons adressé des courriers dans la légalité eue égard à l’urgence (Voir copie en fac-similé) depuis le 04 avril 2011. Mais, bien avant la réponse, son représentant doit prendre les mesures qui s’imposent. En quoi la prise en compte d’un ministre de la République est plus important qu’un journaliste? Nous ne sommes pas en villégiature à Bouaké nous sommes ici pour travailler. Et tout le monde sait que la situation des banques fait qu’aucun directeur de publication ne peut faire quelque chose. C’est pour cette raison que les responsables d’édition des journaux papiers ont arrêté de paraitre. Mais, ils ne sont pas à l’aise dans leur chair. Hier, j’ai eu à échanger avec l’ainé et Directeur général du « Groupe Le Réveil », Denis Kah Zion par ailleurs président du Groupement des éditeurs de presse de Côte d’Ivoire (Gepci). C’est un monsieur qui est complètement embêté avec la situation que vivent les éditeurs de presse. A cela, s’ajoute l’incendie de la maison de distribution Edipresse par les milices de Gbagbo. Il m’a fait la confidence qu’il est en train de travailler pour voir comment parvenir à ce que les journalistes travaillent.
Donc si, aujourd’hui nous nous battons à notre niveau pour informer nos lecteurs la moindres des choses, c’est de faire face à nos sollicitudes. C’est bien de dire, « ah oui, j’ai lu hier telle ou telle info sur le net c’était bien». Mais quand tu sais que celui qui fait ce travail que tu apprécies est un déplacé qui n’a aucun moyen parce que tout est bloqué à Abidjan, il faut l’aider sans sourciller. Le journaliste n’est pas demandeur et ne sera jamais demandeur, nous réclamons un droit qui est légitime : celui d’informer nos lecteurs. Si évidemment il y a des personnes comme Mme Faber Koné Maïmouna à Bouaké, il faut qu’elles réagissent. Elle n’a pas attendu l’aide du gouvernement pour nous aider pourquoi le représentant du président Alassane Ouattara, les élus, et autres ne peuvent pas faire autant. Nous sommes dans une zone gouvernementale entièrement contrôlée par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Si les moyens financiers font défaut à tous, ce n’est pas le minimum encore moins la logistique qui manque aux Forces nouvelles, au préfet, au maire et à tous ceux qui ont reçu nos courriers. Si l’Onuci qui est une organisation internationale a réussi à nous mettre à l’abri pour mieux travailler pourquoi nos autorités ne peuvent-ils pas faire de sacrifices ? Nous considérons cela comme un boycott et nous n’aimerions pas que ces personnes-là utilisent le nom de notre corporation demain pour dire qu’ils ont apporté assistance à des journalistes déplacés d’Abidjan à Bouaké. Une deuxième chose, ce qui n’est pas à écarter, c’est que les politiques craignent que nous fassions l’état des lieux de leurs gestions. L’un dans l’autre, nous ne sommes pas donc, en sécurité, ça c’est clair et on veut nous martyriser. Nous, celui que nous connaissons, c’est le représentant du Président élu des Ivoiriens. Il faut qu’il réagisse au nom d’Alassane Ouattara qui a toujours eu du respect pour les journalistes.
Vous êtes combien de journalistes au Campus 1?
Nous sommes plus d’une dizaine de journalistes, pris en compte par l’Ong de Mme. Faber Koné Maimouna et, le nombre ne cesse d’accroître. Nous suivons tout ce qui se passe à Abidjan comme si nous y étions puisque, nous y avons des contacts crédibles. Tout ce qui nous reste ce sont les moyens qui nous manquent. Une fois de plus, je tiens à préciser que nous ne sommes pas demandeur, nous réclamons un droit légitime dans une zone gouvernementale pour mieux exercer notre métier.
Connectionivoirienne.net
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