Pour Connectionivoirienne.net par Sériba Koné, journaliste déplacé à Bouaké
Les déplacés d’Abidjan pour Bouaké, ayant fui les atrocités de la guerre pour trouver refuge dans la capitale de la vallée du Bandama, luttent pour leur survie. Les autorités locales, les personnes de bonnes volonté et les Ong sont à bout de souffle. Loin des bruits des canons, obus et autres armes lourdes, les populations déplacées de guerre venues d’Abidjan luttent contre la faim. Un repas approximatif par jour. A prendre ou à laisser, selon la qualité, une triste réalité qui se présente à ces « démunis » dans une situation de crise aigüe.
Fuir les atrocités, enlèvements, tueries ainsi que, les obus et balles perdus des forces de défense et de sécurité restées fidèles à l’ex-Président Laurent Gbagbo, pour être en lieu sûr. Tels étaient leurs objectifs. Ils sont arrivés sans grands moyens. Quelques balluchons, sans aucun moyen financier pour la majorité. Combien de temps va prendre cette guerre ? Peu importe. Il faut se mettre hors de danger.
Si certains voyageurs ont passé un à deux jours dans les gares, le temps d’avoir un véhicule pour la destination finale, d’autres par contre continuent de «surpeupler » des ménages déjà en difficulté dans la capitale de la vallée du Bandama. L’Auberge, sis au quartier N’Gattakro, derrière le stade municipal de Bouaké, sert de lieu d’accueil à ces « refugiés ». « C’est ici que nous recensons tous les déplacés qui sont dans des situations d’urgence», nous indique Mme Touré Penda, responsable de l’ONG Csas (Centre solidarité action sociale). Elle s’occupe entre autres, du règlement des cas d’urgence en général au sein du Comité d’accueil mis en place de façon express, dimanche 27 mars 2011, par Aka Konin, Préfet de région, président du comité et le maire Fanny Ibrahima qui assure la vice-présidence. Ce Comité d’Accueil s’est mué en une cellule mise sur pied, suite à l’exode de plus en plus massif des populations d’Abidjan vers les villes de l’intérieur de la Côte d’Ivoire et même hors du pays, qui transitent par Bouaké. Ce sont plus de 1200 ménages dont la moyenne de nombre de membres de familles oscille entre cinq et six personnes qui ont constitué plus de 8000 déplacés accueillis à Bouaké. La fermeture des banques, le non paiement des salaires des fonctionnaires, la cherté de la vie nés de la situation postélectorale créée par l’ex-Président, Laurent Gbagbo, ont des répercutions directes sur la vie économique de Bouaké.
Face à ce tableau peu reluisant, il fallait tout de même, trouver des solutions urgentes aux problèmes des déplacés de guerre. D’où la mise en place de manière urgente du Comité d’accueil qui s’est mué en Coordination afin de s’occuper non seulement du transit des déplacés dont le séjour, selon Mme Touré Peda, « ne devrait pas excéder plus de trois jours ». Malheureusement, la majorité de ces déplacés en transit gonflent le nombre de personnes des familles déjà en difficulté. C’est pourquoi, une structure plus dynamique a été créée : la Coordination formée de l’ensemble des ONG locales et présidée par le préfet de région en étroite collaboration avec les ministères des Affaires sociales et de la Santé. Ainsi, outre l’ONG Csas, il y a environ neuf autres organisations non gouvernementales locales qui font partie de ce comité et « travaillent en parfaite synergie ». Il s’agit entre autres, de la Cglp (Coordination générale de lutte contre la pauvreté) dirigée par Mme Faber Koné Maïmouna, éducatrice préscolaire, formatrice d’éducation préscolaire et ingénieure en communication. C’est d’ailleurs cette Ong qui a recensé les six journalistes sur neuf, et s’occupe selon les dons, d’offrir à manger aux hommes de média évacués par l’hélico de l’Onuci sur Bouaké, les 30 et 31 mars 2011. Les trois autres ayant transité par Bouaké à destination de leurs villages respectifs. Malgré les difficultés liés à un manque criant de vivre et de moyens pour offrir un repas complet, elle arrive à donner au moins, à offrir à manger avec ses moyens personnels, une fois par jour aux journalistes. Pour l’hébergement des confrères, c’est la cellule communication du Secrétariat général des Forces nouvelles en collaboration avec les étudiants (CEECI) qui a trouvé des chambres au Campus 1 de Bouaké.
Des morts parmi les déplacés
Au plan de l’alimentaire, du social et du sanitaire les observations et constats faits par l’Ong Cglp de Mme. Faber Koné Maïmouna dénotent des difficultés auxquelles la coordination est confrontée. Au plan nutritionnel, insuffisance de nourriture et de moyens financiers pour offrir un repas complet à tous les déplacés. Conséquence, le seul repas pris par jour par les déplacés manquent de vitamines. Au niveau du social, les ménages sont débordés par un nombre pléthorique de déplacés dans des habitations exiguës. Conséquence, ils dorment à même le sol par manque de couchette, sur des nattes, matelas, draps etc… En ce qui concerne le sanitaire, on assiste à un traumatisme généralisé chez les déplacés de guerre. La santé de certaines personnes se dégrade. Et, les plus vulnérables sont les personnes âgées, les enfants et les femmes enceintes. Comme en témoigne les décès de Cissoko Lansana, un déplacé de 63 ans, le lundi 28 mars 2011 dès suite d’une hypertension. Un sexagénaire de la grande famille Kanté (bien connu à Bouaké. Cette famille évalue sa « population » à 67 personnes, au quartier Air France 1 de Bouaké. Dame Diby Kayaka mère de 7 enfants et déplacée d’Abobo est quant à elle décédée dès son arrivée sur le site. Laissant à la charge du Comité d’accueil et de la coordination ses 7 enfants avec qui, elle venait juste d’arriver à Bouaké.
Une forte présence des organisations internationales …
Outre la bonne foi des autorités sociales, administratives et politiques de Bouaké qui, à la date du 1er avril 2011 s’occupaient déjà de 8330 personnes dont 1386 hommes, 1919 femmes, 1279 enfants de sexe male, 1489 enfants de sexe féminin répartis dans 1243 ménages, les organisations humanitaires internationales sont bien représentées. Il y a l’Unicef, la Croix rouge, le Pam, le Pnud ainsi que l’Onuci. Le samedi 2 avril 2011, les autorités sociales, politiques, administratives et les organisations nationales non gouvernementales ont tenu une réunion en présence du Préfet de région, par ailleurs président du Comité de coordination pour l’accueil des déplacés internes, Aka Konin avec l’humanitaire des Nations unies. A savoir, le Pam, l’Unicef, le Pnud, Msf pour « voir comment faire » pour que ces organisations puissent venir en aide au comité d’accueil. Au cours de la rencontre, les organisations ont pris l’ « engagement de soutenir le comité» selon leur mode opératoire. Seulement, pour Aka Konin, « le Pam a évoqué un problème c’est que, leur grand magasin qui se trouve à l’Ouest de la Côte d’Ivoire (ndlr : Duekoué) a été complètement pillé et les responsables sont obligés de demander de l’aide à leurs agences des pays voisins ». Il y a l’Unicef qui a joué un très grand rôle quant à la mise en place du centre. Les Médecins sans frontière étaient présents à la rencontre, parce que l’auberge a en son sein, une petite infirmerie.
Une demande supérieure aux dons
La demande est très forte (8330 déplacés le 1er avril) malgré les dons de personnes de bonne volonté et des aides des humanitaires. L’Association des libanais à Bouaké a, selon le Préfet et président du comité, fait don de vivres et de non vivres. La Fondation Guillaume Kigbafory Soro a offert 10 tonnes de riz, l’ordre des pharmaciens 300 000 FCFA et l’Archevêque de Bouaké, Monseigneur Ahouana Siméon, a fait don d’une tonne et demie de riz. La Fondation Akwaba, de Aka Philipe a offert un parc à eau de 15 000 litres dont l’installation a été faite par les Pakistanais de l’Onuci, ainsi que des seaux, serviettes, moustiquaires imprégnés etc. Le contingent pakistanais de l’Onuci basé à Bouaké offre 50 plats exceptionnellement aux enfants et leurs médecins portent assistance médicale à l’ensemble des déplacés. Les Ong locales ne sont pas restées en marge de ces dons. Dame Penda Touré de l’Ong Csas a fait don de la somme de 100 000 FCFA et approvisionné la pharmacie du centre d’accueil en médicaments. Elle a fait venir sur le site un pharmacien et un infirmier à ses propres frais pour « aider ceux déjà sur place». Idem pour la présidente de l’Ong Cglp qui a offert des habits pour enfants et femmes à la Coordination.
Côté Forces nouvelles des actions sont également menées. Michel Zoro Bi, conseiller spécial du secrétaire général chargé des Affaires humanitaires reconnait qu’à la demande du Premier ministre, ministre de la Défense et ex-secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Kigbafory Soro, l’organisation n’est pas restée les bras croisés. « Nous avons coordonné et sécurisé les corridors et les gares pour assurer la sécurité des populations qui arrivaient par dizaine de milliers », a-t-il indiqué. Les Forces nouvelles selon notre interlocuteur, agissent à travers les dix zones que sont Man, Séguela, Bouna, Korhogo, Mankono, Bouaké, Katiola, Touba, Boundiali et Odienné. Ainsi, ont-ils reçu des dons du Commandant Chérif Ousmane (Bouaké) à travers plusieurs tonnes de riz, d’huile ainsi que des générateurs en cas de coupure d’électricité. Le délégué des Forces nouvelles de Tiébissou Kouadio Kouamé a, au nom de ses pairs offert deux tonnes de riz, et des litres d’huile. « Tous les besoins des déplacés sont pris en compte par le Secrétariat général mais, a-t-il dit, l’actualité des derniers jours fait que tout est au ralenti ».
Aussi, la Coordination générale de lutte contre la pauvreté propose t-elle qu’ « une assistance et une protection soient apportées dans l’immédiat aux déplacés afin d’éviter une catastrophe humanitaire ». Dans l’ensemble, ce n’est pas la volonté qui manque. Mais, les moyens. Et ceux des autorités gouvernementales sont très attendus.
L’apport du gouvernement très attendu
L’apport du gouvernement Guillaume Soro est très attendu par la Coordination et les déplacées. C’est un repas approximatif sur trois par jour. « Un coup K.O », comme le dirait l’enfant de la rue. Dans quelle condition ? Il faut quitter souvent à pied et en aller et retour, du Campus 1 (quartier municipal) à Sopim au quartier Air France 3 distant d’environ 8,5 km pour avoir le repas du jour. C’est le calvaire que vivent les journalistes chaque jour, parce que c’est dans ce quartier qu’ils vont prendre le seul repas de la journée. Si ceux d’Abidjan vivent le quotidien des enlèvements, incendies d’hommes, l’absence de marché et de nourriture, les populations déplacées d’Abidjan à Bouaké combattent contre la faim. La Côte d’Ivoire n’est donc pas loin d’une catastrophe humanitaire avec, la coupure d’eau et d’électricité à Abidjan et de façon récurrente à Bouaké.
Pour Connectionivoirienne.net par Sériba Koné, journaliste déplacé à Bouaké
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