Ouattara impose « à son tour » un blocus à Gbagbo; découverte de corps dans l’ouest du pays

ABIDJAN (AP) — Le président élu de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, a imposé vendredi un blocus autour de la résidence de son rival, Laurent Gbagbo, toujours réfugié dans son bunker, et a annoncé faire du retour à la normale à Abidjan, capitale économique jonchée de cadavres, une priorité.

Dans l’ouest du pays, plus de 100 corps ont été découverts au cours des dernières 24 heures, beaucoup ayant été tués par balles et certains brûlés vifs, selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Une soixantaine de cadavres ont été trouvés à Guiglo et une quarantaine à Blolequin, a précisé Rupert Colville, porte-parole du HCR. Quinze nouveaux corps ont également été découverts à Duékoué, où la violence a déjà fait 229 morts ces dernières semaines. Ces exactions « semblent être au moins partiellement motivées par des raisons ethniques », et des mercenaires libériens seraient impliqués dans une partie d’entre elles, a précisé M. Colville.

Il a également évoqué d’autres informations faisant état de « tueries de moindre ampleur à d’autres endroits » qui n’ont pas encore fait l’objet d’enquêtes. De son coté, le Comité international de secours (IRC) met en garde contre une situation potentiellement « explosive » liée à des « tensions politiques, économiques et ethniques » en Côte d’Ivoire.

« Nous craignons une escalade des pillages, de l’hostilité, des effusions de sang, meurtres de représailles et agressions sexuelles dans les localités à travers le pays », explique Louis Falcy, directeur d’IRC en Côte d’Ivoire.

Près de 150.000 réfugiés ivoiriens se trouvent désormais dans 12 pays d’Afrique de l’ouest, souligne le HCR, précisant que l’exode des Ivoiriens vers les pays voisins se poursuivait. La plupart des réfugiés (135.000) ayant gagné le Liberia.

Alassane Ouattara, reconnu par communauté internationale comme le vainqueur de la présidentielle du 28 novembre, a annoncé jeudi soir à la télévision la mise en place d’un périmètre de sécurité autour de la résidence présidentielle du quartier de Cocody, où Laurent Gbagbo est toujours retranché avec sa famille. Le but de ce blocus: attendre que le président sortant épuise ses réserves d’eau et de nourriture.

Gbagbo s’est retranché avec son épouse Simone et quelques fidèles dans le bunker de sa résidence lorsque la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI) et les soldats français de l’opération Licorne ont bombardé les armes lourdes de ses forces à Abidjan lundi soir, dans le cadre d’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU pour la protection des civils. Dans le même temps, les rebelles, qui s’étaient emparés d’environ 80% du territoire après quatre mois d’impasse politique, lançaient un assaut qualifié de « final » dans la capitale économique ivoirienne.

Les négociations pour une reddition de Gbagbo ont échoué, l’intéressé refusant de reconnaître la victoire de son rival à l’élection présidentielle du 28 novembre. Alassane Ouattara a donné l’ordre de capturer Gbagbo vivant, selon plusieurs responsables ivoiriens. Si le nouveau président élu a obtenu 54% des voix le 28 novembre, son adversaire en a recueilli 46% et sa mort pourrait galvaniser ses partisans et déclencher un bain de sang.

Ouattara a également annoncé jeudi soir que ses troupes allaient s’efforcer de sécuriser Abidjan, dont les habitants sont restés terrés chez eux ces derniers jours pour échapper aux combats entre les forces pro-Ouattara et pro-Gbagbo. Les rues de la plus grande ville de Côte d’Ivoire étaient désertes vendredi et jonchées de corps. Un nombre indéterminé de combattants et de civils ont péri depuis une semaine dans les affrontements.

« L’entêtement du président sortant a plongé la ville d’Abidjan dans une crise humanitaire et sécuritaire grave », a déclaré Alassane Ouattara dans son discours à la nation. Il a également demandé aux banques de rouvrir dès lundi, et à l’Union européenne de lever ses sanctions pour que les exportations de cacao, dont le pays est le premier producteur mondial, puisse reprendre.

Laurent Gbagbo disposerait encore d’un millier d’hommes à Abidjan, contre 2.000 pour Alassane Ouattara. « Ce sera terminé très bientôt », a assuré Youssoufou Bamba, émissaire du président Ouattara auprès Nations unies. Il a précisé que Gbagbo serait capturé « vivant et en bonne santé »: « Il veut être un martyr. Nous ne le permettrons pas. » AP

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