Dr Dieth Alexis | Vienne Autriche
A une question d’un journaliste portant sur la profondeur et la sincérité de son engagement lors de l’entretien diffusé sur Canal+ le 12 janvier dernier, Laurent Gbagbo avait répondu qu’il était « prêt à mourir pour ses idées ». Nous soupçonnions que ce n’était que de l’esbroufe. L’actualité confirme nos soupçons. Mais Gbagbo est logique, d’une logique mécanique qui est celle de la folie. Il doit continuer à donner le change à jouer jusqu’à l’amok, le rôle qu’il s’est frauduleusement attribué et qui est celui de ses fantasmes. Récemment encore, il avait exprimé devant des visiteurs son intention de « mourir en martyre » dans la posture du héros de l’anticolonialisme. Or le soin qu’il met à se cacher, à se dissimuler pour échapper à la mort révèle qu’il veut par-dessus tout survivre ; non pas survivre en héros pour continuer dans le maquis la lutte anticoloniale ; mais survivre pour se réapproprier le pouvoir usurpé ou pour retrouver la caisse qu’il a mise à l’abri à l’étranger. Car ce ne furent pas des causes universelles telles que la résistance contre le néocolonialisme, la défense de la souveraineté nationale, le nationalisme, le panafricanisme, le socialisme qui furent les motifs de son combat politique. Ce furent bien plutôt l’hubris du pouvoir et la course à l’enrichissement personnel. Au moment où il perd le pouvoir, la manipulation du mythe de la mort du héros révolutionnaire doit donc être reprise pour donner le change. Le fantasme de la conservation du pouvoir doit se substituer à la réalité dans son esprit. L’illusion de la résistance du héros doit prendre la place de la réalité pour donner aux forces de destruction qu’il a lâchées sur la cité, la force de parachever le travail de saccage auquel elles ont été commises. La distribution massive des armes aux désœuvrés et aux recrues de dernière heure était clairement destinée à semer le chaos.
Ce n’est donc pas pour reprendre la main sur le cours des évènements que Gbagbo continue les manipulations les illusions, et la tromperie en se faisant passer pour ce qu’il n’est pas, alors que le pouvoir est irrémédiablement perdu pour lui et qu’il est proche de la mort. La manipulation est le vêtement que l’acteur Gbagbo doit porter pour tirer sa révérence dans la fuite. Elle peut être aussi le linceul avec lequel le boulanger veut être enterré. A la manipulation du mythe de la mort du héros révolutionnaire qu’il n’est pas et n’a jamais été, doit donc s’ajouter la manipulation des signes de la souveraineté. La manipulation des couleurs du drapeau national dont étaient vêtues, durant leur entraînement sommaire au maniement des armes, ces jeunes recrues qu’il envoyait à la mort en leur faisant croire qu’ils défendent la vie de la république menacée, alors qu’ils vont se battre pour venger son goût immodéré du pouvoir qu’il a perdu, n’a pas échappé à l’observateur averti. De cette perte, en effet, il veut se venger en précipitant le peuple dans l’abîme. Ces nouveaux soldats ne sont pas les soldats manifestement aguerris qui retranchés avec le dictateur dans sa résidence livrent un combat perdu d’arrière garde. Ces miliciens fraîchement engagés sont ceux qui se livrent au pillage à grande échelle et au saccage de la ville.
L’offensive médiatique désespérée d’un Alain Toussaint, défendant son dictateur de maître et dénonçant le néo-colonialisme occidental et français tout en étant contradictoirement confortablement installé dans le pays démocratique qu’est la France, se situe dans la continuité de cette logique de la manipulation, dans cette logique du maquillage de l’imposture et de l’imposteur. Comme Alain Toussaint, Guy Labertit, son cher ami et complice dans le socialisme dévoyé qui est le sien, tente une fois encore, jusqu’au bout de la tragédie du peuple ivoirien, tragédie dont il est l’un des complices actifs, de manipuler à son profit le mythe de la mort du héros révolutionnaire en soutenant que Gbagbo ne se rendra pas et résistera jusqu’à la mort dans sa résidence. En réalité, dans la quiétude de sa résidence voisine de celle de diplomates de hauts rangs et que ses adversaires retenus par la pudeur du guerrier civilisé n’osent pas bombarder, il bluffe ses adorateurs abusés en adoptant la posture du héros révolutionnaire qu’il n’est pas. Il ne faut pas croire que Gbagbo résiste en ce moment à un assaut débridé des Forces Républicaines où toutes les puissantes armes de destruction et de mort sont utilisées sans limite. S’il a choisi sa résidence de Cocody au lieu du Palais Présidentiel du Plateau, c’est que la résidence de Cocody bénéficie de la protection qu’offre la proximité de la résidence d’hôtes de marque. Gbagbo rejoue à l’adresse de ses adorateurs abusés, la posture de la mort d’Allende dans le palais de la Moneda ! Mais Allende ne se cachait pas comme un rat dans sa résidence en tirant parti de la proximité de la résidence de diplomates étrangers de haut rang ; proximité qui rendaient impossible l’usage de moyens militaires appropriés destinés à débusquer efficacement l’ennemi. Allende était au palais présidentiel de la Monéda. Un pistolet à la main, il se portait courageusement au devant des chars et des troupes d’élites de Pinochet sachant qu’il allait mourir. Gbagbo, au contraire, est protégé par des troupes d’élites surarmées et se cache dans sa résidence de Cocody. Il se terre et se dissimule quelque part dans sa résidence stratégiquement située et non pas au Palais Présidentiel du Plateau. Si après avoir fait mine d’en sortir, il est revenu à sa résidence, c’est parce qu’il s’est ravisé. Plus que partout ailleurs, la résidence de Cocody était l’endroit le plus protecteur et le plus sûr parce qu’il interdisait tout assaut massif avec des armes lourdes. Alain Toussaint et Guy Labertit qui, bien à l’abri en France, organisent la propagande sur le mythe de la résistance et de la mort du héros révolutionnaire, savent que leur commanditaire bénéficie de cet environnement protecteur. La mort de leur « héros », si ce dernier demeure encore dans sa résidence, ne sera que celle d’un dictateur apeuré qui se terre, tremblant de tous ses membres quelque part et qui espère échapper, par quelque stratagème pervers, à la justice et aux comptes que le monde civilisé lui demandera. Alors qu’il est assiégé, le battage médiatique organisé en ce moment pour servir cette manipulation du mythe de la mort du héros révolutionnaire, peut être une diversion pour mieux couvrir sa fuite orchestrée. Qu’aux dernières nouvelles, le fugitif se trouve au camp de gendarmerie d’Agban, cautionne notre hypothèse selon laquelle le battage médiatique sur sa présence à sa résidence pouvait être une diversion. On remarquera que tout comme sa résidence de Cocody, le camp de gendarmerie d’Agban est un endroit sécurisé. Cela montre en effet que Gbagbo ne cherche guère à mourir en héros ou en martyre mais à reprendre le pouvoir suprême par la force contre la volonté du peuple ou à s’enfuir.
La résistance irrationnelle d’un Gbagbo qui, au bord du gouffre du néant, lance encore une offensive médiatique orchestrée par ses complices en refusant d’abdiquer et en brandissant la menace du chaos pour espérer imposer le dialogue et réclamer un partage du pouvoir prouve que la conservation de sa vie et la jouissance du pouvoir constituent sa finalité ultime. Son refus d’abdiquer est le refus du voleur qui ne se résout pas à rendre la caisse. Dans cette absolutisation du pouvoir et de ses avantages, la mort intervient toujours comme un accident et jamais comme un but volontairement choisi. Dans la résistance irrationnelle à laquelle nous assistons, il faut donc lire une dernière stratégie d’usurpation du pouvoir. Ce n’est pas la résistance d’un héros qui est prêt à mourir pour un idéal. Gbagbo n’est animée par aucun universel, aucune idée. Il a déifié le pouvoir. Il a fétichisé le pouvoir et ses avantages matériels. Il ne choisit pas de mourir parce qu’il veut mourir en héros. Le choix éventuel de la mort serait le sacrifice expiatoire d’un idolâtre malheureux qui succomberait aux charmes de son fétiche. Mais, en règle générale, le dictateur tient fermement à la vie, fuit la mort et sécurise son existence. Il aime, par-dessus tout, la vie matérielle et ses multiples satisfactions fugaces qui sont pour lui un absolu. Et c’est parce que l’existence matérielle et ses plaisirs sensibles sont pour lui un absolu, qu’il dispense la souffrance et la mort comme punition suprême aux autres hommes et à ses adversaires. N’étant régi par aucune idée, aucun idéal ni valeur universelle, lorsque Gbagbo annonce qu’il est prêt à mourir pour ses Idées, il faut comprendre, qu’il est prêt à mourir, plutôt que de sacrifier ses passions. Il faut comprendre qu’il est prêt à mourir s’il faut perdre le pouvoir ; ou qu’il est prêt à mourir pour ses passions. Plus exactement cela veut dire qu’il est prêt à mourir pour le pouvoir. Toutefois ce chantage du dictateur est souvent sans conséquence puisque la pression irrésistible de l’instinct de vie triomphe toujours des résolutions sans conviction, des slogans vides qui ne s’articulent sur aucun sentiment susceptible de les convertir en mobiles d’action. C’est pour cela que Gbagbo se cache. Comme certains insectes et certains rongeurs qui utilisent instinctivement cette ruse pour échapper au danger de mort, Gbagbo fait consciemment le mort pour échapper à la mort tout en tentant une sortie par la voix de ses propagandistes.
Cette scène théâtrale n’est pas celle du héros courageux qui combat pour une cause juste pour laquelle il est prêt à mourir. Elle est plutôt celle de l’usurpateur sans foi ni loi, du desperado entouré de ses hommes de main, qui cherche à conserver la source de sa prévarication fut-ce au prix de la destruction de la cité entière. Elle est celle du dictateur qui cherche à négocier sa fuite ou celle du criminel qui cherche les moyens d’échapper au juste courroux de la justice des hommes. Au camp d’agban où nous venons d’apprendre qu’il vient de se réfugier la puissance des armes peut se déchainer sans retenue à son profit pour couvrir sa fuite où à son détriment pour provoquer sa capture ou sa mort. La mort interviendra par effraction dans la vie de Gbagbo qui ne fut pas celle du héros révolutionnaire mais plutôt celle de l’assassin du peuple, et du politicien prévaricateur. Elle le surprendra à la sortie de sa dernière cachette, sur le chemin de la fuite ou dans l’exil.
Dr Dieth Alexis
Vienne. Autriche
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