Abidjan, la bataille finale
Par Thomas Hofnung
La progression irrésistible des forces pro-Ouattara, ce mercredi 30 mars, à travers la Côte d’Ivoire n’est pas seulement sous-tendue par les défections, bien réelles, qui s’opèrent dans le camp de Laurent Gbagbo: après avoir été défaits à Duékoué et à Tiébissou, il semble que les soldats fidèles au président sortant aient reçu pour instruction de rallier avec armes et bagages Abidjan. Ce qui expliquerait la chute, sans combat, de Yamoussoukro (surnommée « Yakro », comme le dit un de nos lecteurs, et non « Yam »…), mais aussi, cette nuit, du port stratégique de San Pedro.
Tous les regards se tournent désormais vers Laurent Gbagbo et son entourage. Que va décider le président sortant? A-t-il choisi d’organiser la « résistance » en plaçant ses troupes et ses blindés aux carrefours stratégiques d’Abidjan afin d’enrayer la progression des forces de son adversaire? C’est ce que tend à suggérer le regroupement des FDS dans la capitale économique ivoirienne. Va-t-il aussi mobiliser ses partisans dans les quartiers, au risque de provoquer des massacres et des règlements de comptes en cascade? Ou, comme le lui ont maintes fois demandé nombre de ses interlocuteurs étrangers, peut-il encore quitter le pouvoir avant qu’il ne soit trop tard?
Laurent Gbagbo devait s’exprimer hier soir, il n’en a rien fait. Un silence qui est révélateur des tensions et des doutes qui doit assaillir le Palais au cours de ces dernières heures.
On sait le président sortant entouré de « faucons », mélange de proches en pleine dérive mystique (telle Simone Gbagbo) et de militants anticolonialistes purs et durs. Tous sont convaincus qu’Alassane Ouattara est soit le diable incarné, soit l’instrument des intérêts mercantiles des grandes puissances. Bref, qu’il n’est qu’une marionnette, un imposteur, un homme indigne de gouverner leur pays. Ceux-là laisseraient-ils Laurent Gbagbo jeter l’éponge, s’il le souhaitait, sans réagir?
Mais il y a aussi des conseillers plus modérés et des députés, élus locaux qui ne partagent pas ce jusqu’au-boutisme et craignent d’être emportés par le vent de l’Histoire. Abidjan bruit de rumeurs concernant le départ vers des cieux plus cléments de caciques du régime. Ainsi, hier a t-on entendu parler de l’exil au Bénin du directeur du port, Marcel Gossio, un tout proche du clan Gbagbo…
Avant le scrutin présidentiel de novembre dernier, Laurent Gbagbo avait accusé Henri Konan Bédié de lâcheté, lui reprochant d’avoir fui le pays sans résister au moment du coup d’Etat de 1999. Et de citer l’exemple de Salvador Allende, mort dans son palais de la Moneda sous les tirs des soldats putschistes de Pinochet. Mais Gbagbo n’est pas Allende. Va-t-il entraîner le pays dans sa chute?
* Titre Une – J-ci.net
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