En effet, les jeunes Ivoiriens qui ont intégré les écoles supérieures privées se retrouvent actuellement démunis sans leurs bourses d’études promises par l’État ivoirien, sous prétexte que le gouvernement de Laurent Gbagbo, qui s’était engagé à subventionner ces étudiants, n’est plus le chef d’État officiel. Contrairement aux boursiers universitaires, qui eux, continuent au moins de recevoir leurs pensions garanties par le Maroc.
«Nous avons essayé maintes fois de contacter l’ambassade ivoirienne au Maroc, pour trouver des solutions, mais celle-ci reste injoignable», explique Dimitri Guei, représentant des étudiants ivoiriens au Maroc. «Sans les bourses, les étudiants ne peuvent plus payer leurs écoles, leurs logements, ni même la nourriture», dit-il. Le numéro de téléphone agréé à l’ambassade ivoirienne au Maroc est, effectivement, hors service. «C’est pourquoi nous avons prévu d’organiser un sit-in à l’ambassade de Rabat, vendredi prochain», assure Dimitri. En fait, avec le début de crise, les bourses et les aides parentales étaient devenues aléatoires. Actuellement, les jeunes Ivoiriens, non seulement, ne touchent plus leurs bourses, mais même les parents ont de plus en plus de mal à trouver des liquidités, voire à en gagner. «Il est devenu difficile pour nos parents de nous envoyer de l’argent. Les seuls étudiants chanceux, sont ceux qui ont de la famille à l’étranger, au moins comme ça ils peuvent recevoir un peu d’aide. Mais ils restent quand même très minoritaires», explique Gaëlle.
Les propriétaires des logements où résident les étudiants se trouvent aussi dépassés par la crise financière que connaissent ces jeunes locataires. «Après deux mois de retard, mon bailleur s’est vu obligé de me mettre à la porte. Aujourd’hui, je vis avec des amis qui ont eu la gentillesse de m’héberger, mais cette situation ne peut pas durer», affirme Jacques. «Nous vivons dans des conditions lamentables, nous essayons tant bien que mal de nous entraider, mais c’est très difficile», confirme Cynthia.
Il y a même certains bailleurs qui sont sans scrupules et qui courent juste derrière le profit sans faire preuve d’aucune compréhension : «Quand j’ai demandé au propriétaire de venir lundi au lieu de jeudi, pour prendre son argent, il en a profité pour exiger 500 DH de plus, pour les frais de transport.
Sachant qu’il est au courant de ma situation et de la difficulté qu’ont mes parents à pouvoir m’envoyer le prix de la location», soutient Gaëlle. À noter que le budget moyen d’un étudiant à Casablanca peut atteindre 2 100 DH : 1 000 DH de loyer, 300 DH de nourriture, 600 DH de transport et quelque 200 DH de factures diverses.
«Il y a des étudiants qui n’arrivent plus à aller à leurs écoles, parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer le transport.
Certains n’ont même plus de quoi manger. Et ce qu’ils craignent le plus, c’est de perdre leur année universitaire», indique Dimitri.
La responsable de communication de l’École supérieure en ingénierie de l’information, Télécom et Management (ESTEM), Nouzha Alami, a certifié que l’école ne compte pas abandonner ces étudiants ou les exclure : «Nous n’avons nullement l’intention de virer nos étudiants, nous comprenons parfaitement la situation qu’ils vivent actuellement et nous comptons les aider du mieux que nous pouvons. Nous finirons par trouver des solutions», a-t-elle précisé.
Pourtant, l’ESTEM a bel et bien empêché une boursière ivoirienne de passer deux examens pour faute de règlement. «J’avais un retard de payement d’un mois et la directrice m’a empêché de passer deux examens jusqu’au règlement de mes frais», déclare Cynthia. D’autres écoles ont donné aux étudiants un délai pour régler ce qu’il leur est dû, sinon ils risquent le renvoi. «Certaines écoles nous ont laissé jusqu’à fin avril pour payer. Sinon, ils ont promis de virer les étudiants», atteste Dimitri.
Il ajoute : «Les banques ont bien accepté de nous aider, en nous accordant des crédits, mais exigent une garantie de l’ambassade, ce qui reste difficile à obtenir, vu que celle-ci est fermée».
En fait, la fermeture de l’ambassade génère un autre problème, certains étudiants ont vu leur carte de séjour expirer sans pouvoir la renouveler. «Je veux bien essayer de trouver un emploi, mais ma carte de séjour a expiré depuis trois mois déjà. Puisque l’ambassade est fermée, il m’est impossible de la renouveler. Donc, je suis actuellement un étudiant sans logement, sans argent et aussi sans papiers», se plaint Yves. D’après Dimitri, plusieurs Ivoiriens se retrouvent dans la même situation avec des cartes de séjour qui ont expiré, ce qui rend les choses encore plus compliquées pour eux.
Revendications
Les Ivoiriens boursiers en difficulté demandent que soient trouvées des solutions pour que les bourses ne soient plus versées à l’ambassade, mais directement au gouvernement marocain pour qu’il se charge lui-même de les redistribuer, que des prêts puissent leur être accordés par les banques et cautionnés par les bourses qui devraient être reversées, qu’une subvention exceptionnelle prise en charge par l’Initiative nationale pour le développement humain ou l’Entraide nationale soient débloquée. «Il est vrai que de petites prises en charge sont effectuées par la Caritas, le service d’entraide aux étudiants de Casablanca et les autres membres de la communauté africaine vivant au Maroc, mais ça ne suffit pas pour faire vivre tous les étudiants dont nous estimons le nombre à mille, recensés à Casablanca», explique Dimitri.Il ajoute : «Nous espérons que nos revendications vont être entendues et que cette situation prendra bientôt fin».
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