Côte d’Ivoire – Le troisième homme n’est pas la solution – par Dr Dieth Alexis

Dr Dieth Alexis
Vienne Autriche
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Quand un peuple choisi si résolument de s’engager dans la voie de son amélioration matérielle et morale, de son perfectionnement social et intellectuel, comme le peuple ivoirien l’a fait le 28 Novembre 2010 il faut l’y aider. Il est dommage que l’ex-premier des Ivoiriens, auquel ce message n’est certainement pas indifférent, n’ait pas pu exercer sur lui-même la pression nécessaire au dépassement de soi, vertu des hommes humbles voués au service des grandes causes, qui aurait pu permettre d’incarner cet universel sur la terre Ivoirienne ! Du dépassement de soi, et du service des principes rationnels dont le respect inconditionnel du verdict des urnes fait partie, il sera question dans cette contribution. Mais notons en passant que la détermination de la communauté internationale quant à l’usage de la force légitime en vue de l’application des principes juridiques et humanitaires obtenue grâce au soutien sans faille de la Ligue arabe vient de faire plier Kadhafi. Les hésitations et calculs d’intérêts particuliers des Etats africains qui ont d’abord joué leur partition sur le registre de l’accusation de néo-colonialisme ont provoquées la pusillanimité de la communauté internationale et ont renforcé Gbagbo dans le refus du verdict des urnes et la violation du droit.
Le jeudi 10 mars 2011 dernier, la solution du partage du pouvoir a été finalement battue en brèche par la décision salutaire de l’UA reconnaissant Alassane Ouattara comme Président régulièrement élu de Côte d’Ivoire. En proposant, au cours de la semaine dernière, la solution du troisième homme, la solution du « ni Gbagbo ni Ouattara », il semble qu’on cherche à introduire une deuxième esquive à l’application du droit tel qu’il a été dit par l’Union Africaine. Dans le contexte d’une guerre civile et d’une impasse politique tactiquement et stratégiquement entretenues, dont les récents massacres des marchés d’Abobo, font partie intégrante, on cherche à rendre inapplicable la décision de l’instance juridique supérieure continentale africaine. On tente d’imposer la solution du troisième homme par des moyens militaires en instrumentalisant le fameux commando invisible ou, de manière plus feutrée, par le moyen d’un gouvernement de transition civile. Or cette solution, apparemment raisonnable et désintéressée, ne l’est pas en fait. Le regard soupçonneux et pointu d’un esprit critique y verrait des médiations destinées à contourner le respect pur et simple du verdict des urnes, à se soustraire au respect inconditionnel du principe juridique absolu qui commande toutes les élections dans les Etats républicains. « La solution du troisième homme » serait le moyen de contourner le respect du résultat des élections présidentielles du 28 Novembre 2011 au moyen de la stratégie du chaos.

Pour évaluer la pertinence de cette hypothèse, posons la question décisive: A qui profite le crime ? A quel protagoniste de la crise bénéficierait cette solution qui apparait étrangement après que l’UA aie récusé la solution du partage du pouvoir, en reconnaissant clairement, pour finir, Alassane Dramane Ouattara comme Président régulièrement élu de la Côte d’Ivoire, et proposé la formation d’un gouvernement d’ouverture placée sous sa volonté et sa régence souveraine ? Qui est à l’origine du battage médiatique actuellement organisé opportunément autour de cette solution qui trouve un écho jusqu’ au Burkina Faso dans le journal « L’observateur Paalga » du 15 Mars 2011 dernier sous la plume de Nabil Tapsoba ? Les derniers exploits du camp du président sortant qui dépose de manière incongrue qui dépose de manière incongrue une requête à la cour de justice régionale pour arrêter l’usage de la force légitime pendant qu’il déchaîne lui-même les feux de l’enfer sur des marchés public trahissent une stratégie qui vise à imposer son propre chronogramme.

On se rappelle que Gbagbo avait promis solennellement que Alassane Ouattara ne serait jamais président en Côte d’ Ivoire. Est-ce donc déraisonnable de penser que cette solution calamiteuse du troisième homme fait partie de sa stratégie de la terre brûlée ? N’est-elle pas inspirée par les officines du camp du président sortant qui, étant convaincues que la partie est définitivement perdue, avec la dérobade finale de l’Afrique du Sud, travaillent à rendre impossible une Présidence Ouattara sous la forme d’une solution apparemment raisonnable : la solution du troisième homme? Certains titres, à la une des journaux pro-Gbagbo, prouvent que cette hypothèse n’est pas qu’une pure vue de l’esprit, et un délire intellectuel. L’Inter note dans son édition de ce 16 Mars 2011 que le commando invisible prépare un prochain coup contre Ouattara ! Le même journal avance que, pour la sortie de crise en Côte d’Ivoire, Siméon Konan, candidat malheureux au premier tour, serait le candidat idoine pour une transition sans Gbagbo et Ouattara. A défaut de Bédié, on propose Siméon Konan, un Baoulé du centre, pour couper la poire en deux entre le nord et le sud ivoirien. A y regarder de près, pense-t-on, cette solution est plus raisonnable tactiquement et préférable à la solution militaire d’un putsch démocratique venant du commando invisible. Allergique aux coups d’Etat, la communauté internationale pourrait, en effet, se satisfaire de cette solution civile dont l’avantage est de proposer un candidat baoulé n’appartenant pas au vieux sérail des politiciens baoulés. La solution du troisième homme serait donc la réalisation de la promesse finale du président battu sortant. Elle serait son plan D. Elle consacrerait la victoire terminale de sa stratégie politique qui fut celle de conserver le pouvoir par tous les moyens ou d’en rendre l’exercice impossible pour son adversaire politique.

Notons que ces manipulations coutumières à laquelle s’adonnent, comme toujours, les élites ethniques afin de réaliser leurs intérêts particuliers feraient rire si elles n’étaient criminelles et n’engageaient la vie d’une nation qui cherche désespérément à réaliser sa cohésion autour d’un ensemble de principes afin de s’engager résolument dans la modernité en tournant le dos à l’ethnicisme politique.
Comme celle d’un individu, la maturité politique d’un peuple s’exprime à travers les urnes. Quand ce peuple rejette la dictature et choisit, dans les urnes, le chemin de l’amélioration matérielle et morale, la voie du perfectionnement social et intellectuel, il faut respecter sa volonté et l’aider à la concrétiser. En choisissant la démocratie contre la dictature, les individus qui forment le peuple ivoirien ont donné leur consentement à un principe spirituel et ont choisi d’y articuler leur existence. Le message fondamental que porte l’élection présidentielle ivoirienne est ce choix individuel des principes rationnels. A travers ce choix c’est l’alternance démocratique, la souveraineté de l’individu et le bien être matériel et moral des peuples qui ont été élus comme règles ultimes de l’exercice du pouvoir politique en Afrique.
On voit ici poindre l’objection idéologique d’inspiration marxiste qui fonde la position des anticolonialistes et anticapitalistes. Les principes intellectuels ne seraient pas indépendants des infrastructures économiques. Penser que les principes sont indépendants, et défendre l’exigence du respect du verdict des urnes alors que la démocratie libérale n’est rien d’autre que l’ordre politique au sein duquel s’organise la domination de classe de la bourgeoisie capitaliste, c’est, pour les marxistes, être naïf ou servir la reproduction de la domination du capitalisme et du néo-libéralisme en Afrique. Ils pensent que, à travers le prétexte de la défense de la démocratie, le néo-libéralisme mondial cherche à pérenniser sa domination en Afrique. A cette objection on pourrait répondre, dans la même veine, que les récusations intellectuelles de la démocratie sont aussi des positions idéologiques servant à légitimer et à assurer la pérennité des dictatures ethno-coloniales africaines, qui sont aussi des formes politiques à travers lesquelles s’organise un mode de domination spécifiquement africain de classe. Or, de même que tout intellectuel n’est pas bourgeois, toutes les conceptions intellectuelles ne sont pas des idéologies et des représentations subjectives. La démocratie n’est pas forcément bourgeoise ; et l’exigence du respect de la majorité absolue du suffrage et du verdict des urnes n’est pas une stratégie politique destinée à restaurer la domination de la bourgeoisie ou du capitalisme sur le prolétariat et le socialisme ! Ce dont il est question, c’est la réalisation en Afrique du principe spirituel universel que constitue le respect de la majorité absolue du suffrage. Il faut donner corps à cette volonté politique à travers laquelle des communautés qui coexistent ensemble deviennent un peuple unique. En Côte d’Ivoire, les diverses communautés ont décidé, par une large majorité, de devenir un peuple juridique unique. Il faut prendre toute la mesure de ce tournant historique ! La question ultime que les élections ivoiriennes posent est donc celle de la médiation idoine qui permettrait de faire respecter le droit en dépit de la résistance passéiste et rétrograde de la partie perdante.

Une élection présidentielle a eu lieu sous la supervision consensuelle de la communauté internationale après un long processus très astreignant de validation et d’accréditation durant lequel des contrôles, des vérifications et des « purifications » de listes ont permis d’établir la crédibilité générale de l’élection. Une majorité absolue du suffrage à l’avantage d’un des candidats s’est dégagée. Il s’agit de faire respecter ce principe ! Point barre. La question qui se pose est donc celle-ci :

Comment faire respecter selon des règles de droit, les élections en Afrique ? Telle est la question que pose le problème de l’élection présidentielle ivoirienne au terme de laquelle une majorité absolue du suffrage s’est dégagée. Or le droit international donne une réponse à cette question : par la contrainte externe légitime si tant est que des obstacles s’opposent au respect du verdict des urnes.
La question ne se pose donc pas dans les termes suivants : Ouattara doit-il et peut-il gouverner la Côte d’Ivoire ? Les élections présidentielles ont déjà répondu à cette question qui, depuis lors, est devenue caduque. Le rôle de l’arbitrage impartial a été déjà joué par la communauté internationale, par l’ONUCI durant plus de cinq ans. Il ne reste donc que deux solutions ultimes: que Gbagbo mette en scène sa propre destitution ou que la force armée légitime intérieure ou extérieure, en tant que contrainte légale, obtienne l’application du droit. Comme la solution du partage du pouvoir, solution rejetée par l’UA, la solution du troisième homme est une solution calamiteuse. Ces deux solutions sont, en vérité, des moyens qui permettent de transiger avec les principes rationnels ou de les subordonner aux désidératas personnels et aux ambitions des uns et des autres.

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En transigeant avec les principes, on finit dans la compromission. Il est temps d’arrêter de négocier les principes rationnels en Afrique. Il faut au contraire montrer que la réalisation inconditionnelle des principes rationnels universels est possible. Le respect inconditionnel du verdict des urnes sans palabres et sans recours en annulation du vote est à la portée des africains. La transparence et la crédibilité des élections présidentielles ivoiriennes devaient constituer pour l’Afrique entière ce cas historique d’exemplarité. La possibilité de cet exemple de portée continentale reposait tout simplement sur la condition que le perdant des élections puisse se dépasser pour accepter humblement le verdict des urnes et ne soit pas tenté de soumettre les principes juridiques à ses passions. Obéir aux principes rationnels quelles que soient les conditions matérielles qui pourraient nous permettre de nous en dispenser ; ne pas adapter les principes aux faits mais adapter les faits aux principes rationnels universellement admis; opérer le dépassement de soi nécessaire au respect de ses principes, telle est la gageure que l’Afrique doit relever pour entrer pleinement la modernité et se réapproprier culturellement les instruments de cette modernité. Il est ici question d’une décision inconditionnelle grâce à laquelle soudainement de manière révolutionnaire une manière de vivre. Par rapport à cette décision qui relève d’un acte de liberté toutes les justifications qu’on avance en Afrique pour adapter les principes aux faits sont des ratiocinations. En réalité, tout comme la solution du partage du pouvoir, la solution du troisième homme constitue la seconde médiation à travers laquelle on veut négocier et contourner les principes rationnels du droit, se soustraire aux dures contraintes auxquelles les principes soumettent ceux qui doivent y obéir.

Apparemment raisonnable, la solution du troisième homme, touche donc à la question de l’exemplarité. Elle traduit le refus de l’effort requis pour respecter le verdict des urnes et donner le bon exemple. Elle concrétise le mauvais principe et viole l’exigence d’exemplarité. En adoptant la solution du troisième homme, on réalise la volonté subjective des uns et des autres de ne pas obéir inconditionnellement au droit. On enseigne que dans certaines situations matérielles locales, et en raison des circonstances particulières qui règnent en Afrique, le respect du verdict des urnes est impossible. On laisse entendre que les spécificités africaines ne permettent pas aux Africains d’obéir inconditionnellement aux principes absolus de la vie démocratique. C’est le refrain d’une chanson très prisée qui sert à la pérennisation des dictatures et aux divers contournements du droit, aux manipulations électorales, aux solutions du partage du pouvoir et du troisième homme. C’est en cela qu’il consiste à donner un mauvais exemple au reste de l’Afrique en faisant de cet exemple une règle de conduite. On brandit déjà, comme le fait l’Observateur Paalga, l’exemple de la Guinée, du Togo, du Niger et du Gabon comme des exemples à suivre toutes les fois que survient un litige électoral qui pose toujours la question du respect inconditionnel des principes. Reproduisons textuellement le texte de l’Observateur Paalga, qui voit dans le troisième homme, la solution qui convient à la crise ivoirienne en se substituant à la solution de l’usage de la force légitime.
« Il faut donc balayer tous ces caciques qui polluent depuis deux décennies le marigot politique ivoirien. Henri Konan Bédié, qui est en grande partie responsable du désastre étant forclos, il faut aussi accorder une retraite anticipée aux deux adorables ennemis : l’opposant historique qui a bataillé ferme pour parvenir à ses fins et qui n’entend pas quitter la scène sur la pointe des pieds ; et « l’étranger » que le Vieux, mourant, avait appelé pour traire les vaches, qui s’est ensuite mis à compter les veaux et qui entend depuis être berger . Il a gagné la présidentielle ? Il a été démocratiquement élu ? Indiscutable, mais ce ne sera pas la première fois qu’un candidat sera injustement floué de sa victoire et devra faire le deuil de ses ambitions pour sauver la patrie. Demandez donc à Cellou Dallen Diallo, à Gilchrist Olympio ou à André Mba Obame [candidats malheureux en Guinée, au Togo et au Gabon]. Ni Gbagbo ni ADO. Un « bon » putsch, voilà peut-être la solution palliative à l’utilisation de la « force légitime » à laquelle beaucoup de gens pensent sans oser l’avouer. »

Pour légitimer cette solution du putsch électoral, le journaliste de l’Observateur Paalga se référe à l’exemple des dictatures de la lointaine antiquité grecque :
« Ce putschiste consensuel au pays d’Houphouët serait, à bien des égards, l’équivalent moderne du dictateur que les Grecs se choisissaient librement en cas de grave danger menaçant même les fondements même de la cité (épidémie, troubles intérieurs, agressions extérieurs, etc.) ». Si ceux qui ont « inventé » la démocratie il y a plusieurs millénaires de cela ont jadis eu le trait de génie de renoncer momentanément à leurs droits pour sauver la maison commune, pourquoi aujourd’hui les Ivoiriens ne pourraient pas s’en inspirer en accordant deux à cinq ans à un « dictateur éclairé » pour raccommoder le tissu social, panser les plaies et soigner les meurtrissures, renouveler par la même occasion le personnel politique avant de rêver à une élection pacifique dont les résultats seront acceptés par tous ? »
Faut-il donc légitimer la solution du putsch électoral ? Faut-il faire de ces mauvais exemples des règles de conduites et même des principes ? Faut-il établir comme règle électorale en Afrique le fait que des candidats régulièrement élus et injustement floués ne puissent pas exercer leur magistrature ? Faut-il cautionner l’injustice ? La solution du bon putsch consensuel est la solution du pire. Il réintroduit l’arbitraire, l’usage de la force dans le jeu électoral africain. L’exemple du recours des Grecs aux dictateurs pour résoudre les crises menaçant les fondements de la cité n’est pas opérationnel. L’Afrique a bu la coupe des dictateurs jusqu’à la lie. Ce dont elle a soif et faim c’est de la démocratie, c’est-à-dire de la vie politique sous le principe du respect inconditionnel du principe de la majorité absolue du suffrage. Le paradigme politique dont elle réclame la réalisation est celui du respect inconditionnel du verdict des urnes et de la volonté collective inconditionnelle du droit à partir d’une élection régulière et transparente. Elle a besoin de l’incarnation de ce principe immatériel et spirituel. Elle a besoin de voir cette volonté politique se concrétiser sur son sol. On voit que ce principe s’est concrétisé en Europe Occidentale. Et cela marche! Pourquoi ce principe spirituel universel, cette volonté politique ne pourrait-elle pas se concrétiser chez nous ? Il s’agit donc de réaliser le principe, de l’incarner dans un exemple et de l’inscrire dans l’ethos du peuple par une pédagogie de masse et par l’élaboration d’une contre culture qui mette les principes et leur respect inconditionnel au centre de l’existence politique et individuelle.
Dès lors les diverses raisons avancées pour justifier la solution du troisième homme constituent des sophismes de contournement du droit, et des stratégies qui permettent au perdant d’une élection présidentielle de rendre l’exercice du pouvoir impossible à son adversaire. A propos des réticences à l’usage de la force légitime le journaliste écrit ceci : « De fait, les scénaristes, réalisateurs et producteurs de cet « Apocalypse now » sur la lagune savent pertinemment que ce n’est pas joué d’avance et qu’à tout le moins le coût humain serait trop lourd. ADO lui-même est-il prêt à le supporter ? Ce n’est du reste pas un hasard si après avoir joué du biceps durant les premières semaines qui ont suivi le coup d’Etat constitutionnel, certains tenants de l’option militaire, qui pensaient ainsi faire peur à Gbagbo (c’était mal le connaître), se sont progressivement démotivés pour n’être plus sûrs, aujourd’hui, de vouloir monter au front. »
En invoquant les réticences à l’usage de la force légitime du Président élu devant les risques d’un coût humain trop lourd pour appuyer la solution du putsch électoral, on transforme les qualités morales de l’homme d’Etat en défaut. Or l’Afrique a en effet besoin d’éthique en politique. Loin d’être un signe de faiblesse, les hésitations du Président élu devant la possibilité du massacre des populations prouvent l’existence de la pudeur, du scrupule, et d’un sens de la mesure, qualités rares chez les dirigeants africains. On notera en passant que l’absence de la pudeur, et du scrupule chez un chef d’Etat, est la raison d’être de la corruption et du déchainement de l’hubris qui conduit aux massacre des populations, aux massacres des femmes à la mitrailleuse lourde, à la répression des manifestations à la roquette anti-char , et aux tirs d’obus sur les marchés publics! Le journaliste de l’Observateur Paalga surestime ensuite la combativité des troupes du dictateur. Les scénarios élaborés par les états-majors de la CDEAO sont assimilés à des scénarios théoriques susceptibles de ne pas s’accorder aux réalités du terrain. « Tout ça, c’est papier comme on dirait justement à Abidjan- écrit le journaliste- et la réalité du terrain peut s’avérer un piège mortel pour les assaillants. Car tout de même, les autres, on l’imagine, ne dorment pas en attendant qu’on vienne les cueillir tels des agneaux du sacrifice ».
Or cette surestimation de la combativité des troupes de Gbagbo s’apparente à du défaitisme destiné à faire douter de l’usage de la force légitime. Ce défaitisme commode vise à rejeter le courage politique ultime requis pour l’application sévère du droit. Les prémices de ce courage ont été illustrées dans la décision finale salutaire de l’UA qui exprime clairement une volonté politique. L’action de la CDEAO, qui en constitue la force exécutive, doit donc se charger de concrétiser cette volonté politique. En surestimant les forces des dictateurs africains, en légitimant les dénis locaux du droit face au monde extérieur grâce au bouclier commode que représente l’accusation de néo-colonialisme, on élabore des stratégies de contournement pour échapper aux contraintes qu’impose une existence sous des principes rationnels universels dans le village planétaire. On cultive la force d’inertie qui provoque les régressions en Afrique. En invoquant l’impossibilité du président élu à gouverner, on reste dans le même registre de la stratégie de contournement pour faire admettre la solution du coup d’Etat démocratique au bénéfice d’un tiers. Voilà en effet ce que écrit Nabil Tapsoba de l’Observateur Paalga : « la solution au problème ivoirien peut résider aussi dans ce qu’on pourrait appeler un coup d’Etat démocratique (ou salvateur, c’est comme vous voulez). Mais pas pour installer ADO sur un trône dont on aurait débarqué Gbagbo. Il faut plutôt les renvoyer dos-à-dos car à supposer même que le scénario hollywoodien de la CEDEAO tourne à merveille, ADO une fois intronisé pourra-t-il gouverner en paix ? On peut en douter. »

En réalité, les scénarios de la CDEAO ne sont pas hollywoodiens et comme tout président élu à la majorité absolue, le président élu ivoirien peut gouverner la Côte d’ivoire. Ce respect du verdict des urnes, du principe, est un impératif catégorique de droit qui exige application. Comme tout principe juridique, cette application peut être assortie d’une contrainte externe légale. Pour cette raison, la réalisation de cette existence juridique du peuple ivoirien dans la démocratie, peut s’effectuer à travers le recours à la force légitime de la CEDEAO. Car contrairement aux thèses de la propagande pro-Gbagbo, ce recours n’est ni une immixtion étrangère ni un caprice de la communauté internationale, mais une règle de droit international consacrée dans les textes juridiques des organisations internationales du continent. De même que le soutien sans faille de la Ligue arabe à donné à la communauté internationale le surcroit de détermination qui vient de faire plier Kadhafi, osons espérer que la prochaine réunion de la CDEAO les 23 et 24 Mars prochain donnera corps à la décision requise pour faire plier Gbagbo et obtenir l’application du principe juridique rationnel qu’est le respect du verdict des urnes après une élection honnête et régulière : l’usage de la force légitime.

Dr Dieth Alexis
Vienne Autriche

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